Maroc

Le Marocain épargne peu, et ce n’est pas près de s’arranger

La Journée internationale de l’épargne, célébrée le 31 octobre, a été malheureusement éclipsée cette année par la Covid-19. Or, dans le contexte actuel, la question de la mobilisation de l’épargne comme source de financement des différents secteurs se pose avec acuité.

La Journée mondiale de l’épargne est l’occasion de sensibiliser les citoyens et les décideurs à l’importance de l’épargne en tant que levier de croissance, d’inclusion financière, de constitution de patrimoine et, surtout, en tant que moyen pour les ménages de réduire leur vulnérabilité et de se prémunir contre les aléas de la vie. Elle représente même un levier important de l’investissement et du tissu économique. Sa bonne tenue pourrait ainsi constituer, dans les conditions actuelles, une sortie de crise rapide et relancer l’économie nationale. «Les dépôts des citoyens ainsi que les placements dans des produits d’épargne, par exemple, offrent des ressources au secteur financier qu’il transforme en prêts ou en investissements directs dans les capitaux des entreprises», a indiqué à nos confrères de la MAP Kamal Zine, consultant en banque et assurance à Paris. Ces dépôts, souligne-t-il, pourraient également être utilisés pour dynamiser la croissance à travers la stimulation de la consommation des ménages, surtout lorsqu’elle est orientée vers les produits Made in Morocco.

Toutefois, la mobilisation de l’épargne populaire est confrontée à plusieurs difficultés, accentuées par la crise de la Covid-19. Premier obstacle : le Marocain épargne peu. Pour sa part, Said Amaghdir, directeur associé chez Finance Value Consulting, a indiqué que l’épargne au Maroc affichait une tendance baissière depuis quelques années et s’était même inscrite en dessous du niveau d’investissement, notant que le contexte actuel exige de grands efforts pour accélérer la collecte et la mobilisation de l’épargne. Selon le Haut-commissariat au Plan (HCP), seuls 4% des Marocains arrivent à épargner chaque mois. «Ce taux devrait baisser en raison de l’impact de l’épidémie sur l’emploi et le pouvoir d’achat», estime Zine.

À cela s’ajoute le taux de bancarisation qui a, certes, connu une forte augmentation durant les 20 dernières années – permettant ainsi à 65% des Marocains d’accéder aux services bancaires – mais qui reste insuffisant. «Pour autant, plus d’un tiers de la population reste en dehors du circuit bancaire. Ceci se matérialise par le poids du secteur informel, qui concerne près de 5 millions de foyers. Cette situation prive l’économie de ressources qui peuvent être employées dans le financement de la croissance et la création d’emplois», a relevé Zine. Ainsi, afin que l’épargne populaire joue son rôle de catalyseur de la relance économique, plusieurs actions devraient rapidement être entreprises. Zine expose l’urgence de la mise en place du Registre social unifié (RSU), qui constituera la pierre angulaire de la stratégie de lutte contre l’activité informelle et contribuera efficacement à élargir l’assiette de l’épargne captée. Le rôle du digital est également fondamental dans le renforcement de l’inclusion financière et l’amélioration du niveau d’épargne.

D’ailleurs, la CDG avait organisé, dans le cadre de la Journée internationale de l’épargne 2019, une conférence autour du thème «L’éducation financière à l’ère de la digitalisation : un levier pour la promotion de l’épargne». Dans ce sens, Amaghdir rappelle l’importance de développer la culture financière de l’épargne, afin de permettre aux particuliers de gérer au mieux leur argent en fonction de leurs objectifs de vie et du contexte économique et financier.

Il appelle à l’organisation d’un salon annuel de l’épargne, qui sera l’occasion d’évaluer le volume d’épargne annuel, de voir quel type d’épargne les Marocains souhaitent avoir, et surtout de communiquer autour des différents produits disponibles sur le marché national. «L’accompagnement du citoyen par les banques et les associations de microcrédit dans sa démarche d’appropriation des canaux et d’usages digitaux tels que le “mobile money” devient une clé pour une relance collectivement réussie», conclut le consultant. Pour Amaghdir, il est également question d’innover pour avoir d’autres supports d’épargne et de lancer les produits de la finance participative, dont le Takaful et les OPCVM conformes à la charia. Il souligne par ailleurs la nécessité de développer une stratégie nationale en la matière, avec nomination des responsables et définition des indicateurs clés de performance et de suivi.

Les chiffres du HCP

Selon les dernières notes du Haut-commissariat au Plan (HCP), l’épargne intérieure, qui était de l’ordre de 23,3% du PIB en 2019, devrait baisser à 19,1% du PIB en 2020. Parallèlement, les revenus nets en provenance du reste du monde devraient continuer de régresser, affichant une baisse de 4,6% après -1,5% en 2019 et -16,9% en 2018. Ces évolutions devraient se traduire par une diminution de l’épargne nationale pour atteindre 23,7% du PIB au lieu de 27,8% en 2019. Compte tenu d’un niveau d’investissement de l’ordre de 30,6% du PIB attendu en 2020, en baisse par rapport aux 32,2% enregistrés en 2019, les besoins de financement de l’économie nationale se seraient accentués à 6,9% du PIB, au lieu de 4,4% une année auparavant.

Aïda Lô / Les Inspirations Éco


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