«La production de l’habitat à Fès s’oriente généralement vers la classe la plus démunie»
Le directeur de l’Agence urbaine et de sauvegarde de Fès présente les principales réalisations de l’agence en 2015. Il parle aussi des difficultés rencontrées par l’agence au niveau urbanistique, surtout avec l’extension rapide de la périphérie de la ville.
Les Inspirations ÉCO : Quel bilan faites-vous pour l’année 2015 ?
Abdelali El Qour : Cette année, l’Agence urbaine a franchi un grand pas en matière de production. Elle s’est d’abord attelée à l’élaboration des documents cartographiques avec le lancement des marchés pour la couverture de plus de 20.000 ha en 2015. Ces documents serviront de base pour l’élaboration des documents d’urbanisme. En ce qui concerne l’élaboration des documents d’urbanisme, parmi les 47 documents qui étaient en cours en 2015, dix plans d’aménagement ont été approuvés, huit envoyés pour homologation et 14 plans ont été lancés. Ils concernent principalement le monde rural. Pour le taux de couverture en documents d’urbanisme, on a atteint 100% au niveau des centres urbains, et 98% pour les centres ruraux. En matière de gestion urbaine, l’agence urbaine a traité, au cours de l’année dernière, 4.904 dossiers d’autorisation. Les projets ayant reçu l’avis favorable sont au nombre de 4.160 dossiers, d’où un taux d’avis favorable de 85%.
Où peut-on situer le développement du territoire de l’Agence urbaine et de sauvegarde de Fès ?
Le champs d’action l’Agence Urbaine et de sauvegarde de Fès connaît des mutations importantes. Il s’agit d’abord d’un territoire qui regroupe un certain nombre de villes importantes, avec des villes comme Fès qui dépassent un million d’habitants, et des villes moyennes comme Sefrou, Boulemane et Missour. Le développement urbain se concentre principalement au niveau de la périphérie des villes, avec une plus grande densité au niveau de Fès, dont le périmètre urbain s’étend sur plus de 10.000 ha, en plus des extensions à l’extérieur de la ville qui couvrent 3.000 hectares.
Les principales zones à risque pouvant nuire au développement de l’agglomération de Fès se présentent sont, notamment, les zones de Aïn Chkef et de Oulad Tayyeb, là où on observe une extension de l’habitat anarchique au détriment des terres agricoles, ce qui nuit au paysage urbain et compromet son développement harmonieux.Il y a lieu de citer aussi le développement de l’habitat au niveau des grands axes qui mènent vers Imouzzer, Sefrou ou encore Meknès, d’où l’importance d’élaborer une étude d’aménagement pour encadrer l’urbanisation sur ces axes. Si on laisse l’habitat se développer de manière spontanée sur ces axes, on aura prochainement des difficultés à encadrer ce développement linéaire de la ville.
Quelles sont les mesures prises pour faire face à ces difficultés ?
Pour pallier ces difficultés, on a lancé en 2015 un Schéma directeur d’aménagement urbain qui couvre 1.450 km² environ et constituera au final le support des orientations et options d’aménagement. L’aire proposée pour l’étude est à cheval entre trois entités administratives: la préfecture de Fès, la province de Sefrou et la province de Moulay Yacoub. En effet, ce document va orienter le développement urbain, tracer les grands axes de développement, mais aussi identifier les grands projets urbains et programmer les projets structurants de la ville.
Quelle est la tendance observée en matière de construction à Fès ?
La tendance de l’urbanisation et la production de l’habitat à Fès s’oriente généralement vers la classe la plus démunie, notamment la production du logement économique et du logement social. Les dossiers de demande d’autorisation traités en 2015 totalisent 12.762 unités de logements induits dont 4.820 logements sociaux. La production de logements sociaux a connu une variation depuis 2010, passant de 8.489 à 4.820 en 2015.
Le nombre de logements ayant reçu l’avis favorable en 2011 est le plus élevé au cours de cette période, et l’année 2015 enregistre une reprise de la production de l’habitat social après la chute de 2012. De ce fait, nous sommes dans un système de production qui répond essentiellement au besoin de la classe la plus démunie.
Quels sont les défis à relever au niveau de la région ?
L’urbanisation au niveau des territoires est confrontée à un certain nombre de défis majeurs. D’abord, on a un problème de foncier, puisque la plupart des terrains situés dans les périphéries sont des terrains appartenant à des collectivités ethniques «Jemoue» qui sont difficilement mobilisables. Leur urbanisation pose un problème énorme tant que ces terres ne passent pas par la conservation foncière, il y a donc un problème pour la création de lotissements. Le parcellaire est essentiellement agricole. Par exemple, la zone d’Oulad Tayyeb a connu un taux d’accroissement de 10% durant la dernière décennie. Pour résoudre ce problème, il faut municipaliser le sol. Autrement dit, la commune pourrait acheter les terrains, puis les répartir sur les ayants droit et sur ceux qui ont bâti sur ce territoire. Le deuxième défi majeur de l’urbanisation est que l’expansion urbaine risque de transformer les terrains verts en béton, d’où l’importance de rationaliser l’utilisation du sol et d’aménager les cours des oueds, surtout Oued El Mehraz, et prévoir dans le cadre d’un nouveau schéma directeur une ceinture verte qui entoure Fès, et qui donnera aux habitants un espace important de recréation et de détente.
Qu’en est-il de la dématérialisation des services ?
L’Agence urbaine et de sauvegarde de Fès est parmi les pionniers à ce niveau, elle a initié un système en collaboration avec des partenaires, notamment, la commune de Fès, la wilaya et l’ordre régional des architectes. En effet, nous avons instauré un système qui permet le traitement des dossiers via Internet dans les plus courts délais et qui permettra la transparence du traitement par ordinateur. En 2015, on a traité environ 200 dossiers concernant les grands projets par cette procédure. Notre objectif aujourd’hui, c’est d’élargir ce système à d’autres villes, afin de permettre le traitement des dossiers dans les plus brefs délais. C’est une procédure que nous avons présenté à un certain nombre d’agences urbaines comme Taza, Kenitra et Agadir, afin de vulgariser ce systeme sur les autres villes.