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Inclusion financière : les grandes lignes d’un vaste chantier

L’inclusion financière ne se limite pas au seul taux de bancarisation. L’analyse des axes sur lesquels elle repose permet d’identifier les leviers à actionner.

Enjeu majeur de l’économie marocaine, l’inclusion financière repose sur trois axes permettant d’en évaluer la performance. Ainsi, la notion d’accès permet d’observer le taux de bancarisation dans sa globalité. Cependant, être détenteur d’un compte bancaire ne suffit pas, tient à préciser Hakima Alami, de Bank Al-Maghrib, lors de sa participation au panel du débat organisé par Les Inspirations ÉCO.

«La possession d’un compte bancaire est une première étape, mais il est crucial que ce compte soit utilisé pour des transactions quotidiennes et qu’il réponde aux besoins réels des clients», explique-t-elle.

Le point crucial de l’équation reste en effet celui de l’utilisation du compte. L’utilisation des moyens de paiement scripturaux, le recours au crédit, l’épargne, etc., forment le deuxième axe et sont déterminants pour sonder l’état de l’inclusion. Ce troisième axe renvoie par ailleurs au volet relatif à la protection du consommateur, en d’autres termes, le cadre légal et réglementaire. En somme, affirment ces experts, l’inclusion financière n’est pas une finalité en soi.

«L’objectif ultime est d’atteindre le niveau d’une inclusion économique et une croissance inclusive», rappelle Hakima Alami.

Les chiffres permettent d’évaluer l’atteinte des objectifs, voire de recadrer les mesures. Des reportings sont demandés aux banques et aux établissements de paiement pour suivre les avancements du côté de l’offre. Du côté de la demande, il existe l’enquête Findex menée par la Banque mondiale, et qui a montré un progrès palpable réalisé par le Maroc.

Les établissements de paiement dynamisent l’évolution
Si l’on s’arrête au taux de bancarisation, stricto sensu, à savoir le nombre de comptes bancaires détenus par les adultes, ce taux est de 53%, en évolution de 2% par rapport à l’année précédente. À cela s’ajoutent près de 9 millions de comptes de paiement, ouverts auprès d’établissements non bancaires depuis la réforme introduite par la Banque centrale.

Dans l’enquête Findex 2017, l’aspect «demande» était à un taux de détention de 29%, un niveau jugé très bas, selon les experts. Aujourd’hui, il est à 44%, révélant au passage une évolution positive du taux de détention de comptes par les femmes. M’Hamed El Moussaoui renvoie à la portée de la Stratégie nationale d’inclusion financière mise en place en 2019, et rappelle que cette vision a identifié des priorités, articulées autour de quatre axes importants : les jeunes, les femmes, le monde rural et les très petites entreprises (TPE).

«La Stratégie nationale d’inclusion financière vise à créer un environnement propice à l’inclusion de ces segments de la population qui sont souvent exclus du système financier traditionnel», précise-t-il.

Parmi les principaux acteurs de cette dynamique, on trouve le secteur bancaire et les établissements de paiement, réglementés en 2015. Selon le rapport de Findex de la Banque mondiale, le Maroc figure parmi les pays qui ont connu la progression la plus importante en termes d’inclusion financière, grâce aux établissements et aux comptes de paiement. Les panélistes étaient d’accord pour mettre en avant la portée positive des efforts fournis par les pouvoirs publics, dont le mode de versement des aides sociales, à travers la digitalisation et des comptes de paiement, a contribué à leur développement.

«La digitalisation des aides sociales a été un véritable catalyseur pour l’inclusion financière», souligne Mehdi Benbachir.

De même, l’impact de l’éducation financière, «socle commun des différentes dimensions de l’inclusion», a été mis en avant.

La microfinance, levier de développement
La Fondation marocaine d’éducation financière a été créée par Bank Al-Maghrib en 2013, rappelle Hakima Alami. Cette action était l’aboutissement d’une réflexion lancée dès 2007, devant un certain nombre d’initiatives disparates dont il fallait regrouper et coordonner les acteurs afin d’en tirer profit.

«Mais toute la complexité de l’éducation financière ne pourra pas être portée par une seule institution», souligne la représentante de Bank Al-Maghrib.

C’est pourquoi la fondation travaille en priorité à la «formation des formateurs» sur les produits, la segmentation de ces produits, etc. L’objectif est que l’ensemble des acteurs, publics et privés, portent cette question d’éducation financière.

Par ailleurs, un partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale a permis d’intégrer l’éducation financière dans le curriculum du primaire, car les enfants vont porter ce développement. Il s’agit enfin d’amener les banques et les établissements de paiement à sensibiliser leurs clientèles sur un certain nombre de sujets. L’éducation financière est pensée comme un pilier transversal, car les besoins des modèles alternatifs, des TPE, ou de la microfinance sont différents.

De son côté, Xavier Reille estime qu’au Maroc les institutions de microfinance jouent un rôle très important dans l’accès, l’usage et la qualité de service pour les TPE. Mais la performance de ce secteur est limitée à un socle de 800.000 clients, ce qui correspond à 3% de la population adulte du Maroc.

«Pourtant, dans une économie à critères comparables, la microfinance devrait couvrir 10% de la population, soit un marché de 3 millions de personnes», indique Reille.

Notons que le total actif, d’à peu près 8 milliards de dirhams, est géré par des associations (AMC), dont une grande partie n’a peut-être pas le capital et la gouvernance pour pouvoir innover et faire grandir ce marché. Ce qui rend d’autant plus nécessaire la loi sur la microfinance.

«Mais, plus que cela, les associations devraient se transformer en banques qui pourront offrir, en plus du microcrédit, des comptes de paiement, d’épargne ou de l’assurance», estime Xavier Reille.

Les AMC pourront ainsi déployer plus de services et capter l’épargne pour la transformer. Pour cela, ces structures auront besoin d’accompagnement et d’incitations afin de les aider à réussir la transition.

Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO


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