Impôt : est-ce la fin de la Contribution sociale de solidarité ?
La Contribution sociale de solidarité, un impôt temporaire mais récurrent, fera une pause pour l’exercice fiscal 2026. Son abolition temporaire allégera la pression fiscale sur les grandes entreprises, mais ce répit pourrait n’être que de courte durée.
2025 marque la fin d’un cycle pour la Contribution sociale de solidarité (CSS), une taxe temporaire mais récurrente, imposée aux sociétés et aux personnes physiques les plus aisées. Institution fiscale à part entière, la CSS a connu des périodes d’application et de disparition au gré des besoins de financement de l’État. Son abolition temporaire en 2026 allégera la pression fiscale sur les grands contributeurs, notamment les sociétés réalisant un bénéfice supérieur ou égal à un million de dirhams. Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne.
«Je dirais que l’impact de l’abolition de la CSS n’est pas très élevé pour les sociétés dont le résultat est compris entre 1 et 5 millions, car le taux de la CSS n’est que de 1,5% pour cette tranche. Donc avec l’effet de la baisse récente du taux d’IS et cette imposition de 1,5% au titre de la CSS, l’impact n’est pas majeur», explique Mohammed Belkhayat, expert-comptable et commissaire aux comptes.
Et d’ajouter : «En revanche, pour les très grandes sociétés dont le bénéfice dépasse 100 millions de dirhams, et qui étaient donc soumises au taux maximal de 5% de la CSS, l’abolition de cette contribution représentera un allègement fiscal significatif pouvant aller jusqu’à 5% de diminution de leur pression fiscale globale. Ce sont les grandes entreprises qui bénéficieront le plus de la suppression de la CSS à partir de 2026. Il y aura une économie d’impôt, en tout cas de contribution pour ces sociétés-là. Ce qui va alléger la pression fiscale sur elles».
Parmi les gagnants, on trouve en premier lieu les grandes banques du Royaume, qui dégagent des bénéfices colossaux malgré un environnement économique parfois difficile. Les compagnies d’assurances marocaines y figurent également. Le secteur des télécommunications, dominé par quelques opérateurs historiques très profitables, bénéficiera lui aussi de cet allègement fiscal temporaire.
Enfin, les grandes entreprises pétrolières et gazières, qui ont vu leurs bénéfices s’envoler avec la flambée des cours mondiaux, profiteront pleinement de la disparition de la CSS. Cependant, rien ne garantit qu’elle ne reviendra pas sous une autre forme lors d’un prochain exercice budgétaire.
Un phénix fiscal
Comme l’a souligné Mohammed Belkhayat, «c’est une disposition prévue dans le Code général des impôts. Lorsque le législateur pensera que cette contribution devra reprendre cours, il n’est pas exclu que dans une autre Loi de finances, on remette en marche cette contribution sociale». En effet, la CSS a déjà connu plusieurs renaissances sous diverses appellations.
«Au départ, elle a été instituée par l’article 9 de la Loi de finances pour l’année budgétaire 2012 sous le nom de «Contribution pour l’appui à la cohésion sociale», rappelle Belkhayat.
Puis elle fut intégrée au CGI de 2013 sous l’appellation «Contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et revenus».
Un outil de financement des politiques sociales
La justification de la CSS réside dans sa vocation à financer les politiques sociales et la généralisation de la protection sociale.
Comme ont eu à le dire plusieurs membres du gouvernement, «les entreprises qui génèrent un certain niveau de revenus doivent apporter une contribution supplémentaire au titre de l’impôt sur les bénéfices, laquelle servira à financer le chantier de la protection sociale».
En 2023, les recettes issues de la CSS ont permis notamment de financer la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire aux catégories vulnérables, nécessitant une enveloppe de 14 milliards de dirhams, selon Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget.
Mohammed Belkhayat
Expert-comptable, commissaire aux comptes
«Concernant la Contribution sociale de solidarité (CSS), je voudrais rappeler que cette contribution au départ a été instituée par l’article 9 de la Loi de finances pour l’année budgétaire 2012. Et à cette époque elle était valable pour une année et s’appelait «Contribution pour l’appui à la cohésion sociale», mise à la charge uniquement des sociétés.
Par la suite, cette contribution a intégré le Code général des impôts et elle a concerné les exercices 2013 à 2015. Après, c’est l’année 2019 et 2020, puis aujourd’hui elle est applicable au titre des années 2022 jusqu’à 2025.
Pour les exercices 2022 à 2025, elle a pris l’appellation de «Contribution sociale de solidarité». Cette contribution concerne toutes les sociétés qui sont soumises à l’impôt à l’exclusion de celles qui sont exonérées de l’Impôt sur les sociétés (IS) de manière permanente. Les personnes physiques sont concernées également. Ceux qui ont des revenus professionnels qui dépassent un revenu net imposable supérieur à 1 million de dirhams».
Une pause provisoire ?
Cependant, rien ne garantit que cet allègement soit pérenne. Comme le souligne l’expert-comptable, «c’est une disposition prévue dans le Code général des impôts. […] Il n’est pas exclu que dans une autre Loi de finances, on remette en marche cette contribution sociale».
La CSS semble ainsi être un outil fiscal cyclique, réactivé par les pouvoirs publics lorsque des besoins de financement des politiques sociales se font ressentir. Son avenir dépendra des arbitrages budgétaires futurs et de l’évolution des priorités de l’État en matière de dépenses sociales.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO