Guerre commerciale USA-Chine : le Maroc, futur hub de relocalisation des entreprises asiatiques

Redoutant les effets dévastateurs des taxes promises par Trump, de nombreuses entreprises asiatiques, principalement chinoises, envisagent de délocaliser certaines activités dans la région MENA. Et le Maroc figure parmi les destinations privilégiées, selon Allianz Trade.
Décrypter l’impact des décisions de Donald Trump sur la conjoncture économique internationale n’est pas chose aisée tant le personnage est imprévisible et, surtout, versatile. Allianz Trade s’est prêté à cet exercice périlleux, et en a présenté les conclusions, le 26 mai à Casablanca, par l’entremise de Lluis Dalmau Taulés, économiste pour l’Afrique et le Moyen-Orient chez l’assureur-crédit. Concernant le Royaume, pas de panique !
«L’impact direct de la guerre commerciale sur le Maroc est limité en raison de la faible exposition des exportations marocaines au marché américain et de l’exclusion des engrais de l’augmentation des tarifs», a rassuré le spécialiste.
«Cependant, il pourrait y avoir un impact plus important du fait de l’exposition indirecte du marché marocain aux États-Unis via l’économie européenne», prévient-il.
Une croissance résiliente
Ainsi, sauf cas de force majeure, le Royaume devrait enregistrer une croissance de 3,5% en 2025 et de 3,6% en 2026 «grâce aux avancées dans le secteur manufacturier et les services, ainsi qu’à la reprise du secteur agricole après plusieurs années de sécheresse». Ce qui le placerait dans le lot des économies ayant réalisé les plus fortes progressions en Afrique du Nord, avec l’Égypte.
Ces projections sont presque identiques à celles de la Banque mondiale – qui table sur une croissance marocaine de 3,6% en 2025 -, mais sont en deçà de celle du Fonds monétaire international (FMI) qui prévoit 3,9% cette année et 3,7% en 2026, ou de Bank Al-Maghrib (3,9% en 2025 et 4,2% en 2026). S’il y a des entreprises qui redoutent les effets de la nouvelle doctrine commerciale de Trump, c’est bien celles qui expédient d’importantes marchandises aux États-Unis.
Pour tâter leur pouls, Allianz Trade a sondé 4.500 exportateurs dans neuf pays représentant 60% du PIB mondial. Résultat : 60% des entreprises prévoient un impact négatif de la guerre commerciale, et 45% anticipent une baisse de leur chiffre d’affaires à l’export. On apprend aussi que 32% d’entre elles pourraient arrêter les importations ou la production offshore et 51% cherchent des routes alternatives.
Le Maroc potentiel hub clé de relocalisation
«Pour faire face à ces tensions, les entreprises adoptent des stratégies de «friendshoring», diversifiant leurs partenaires commerciaux et reconfigurant leurs chaînes logistiques. Elles explorent également des itinéraires maritimes alternatifs pour maîtriser les coûts douaniers. Le découplage entre les États-Unis et la Chine se poursuit, stimulant l’intérêt pour l’Europe et l’Amérique latine comme alternatives commerciales viables», a expliqué Lluis Dalmau Taulés.
D’après l’économiste, cette reconfiguration du commerce extérieur, matérialisée par les projets de relocalisation des entreprises européennes pour réduire les risques liés à la Chine et aux États-Unis, pourrait grandement profiter au Maroc. Elle le positionnerait en effet potentiellement comme un hub clé de relocalisation pour accéder au marché européen à des coûts plus bas que ceux pratiqué en Europe.
La proximité du Royaume avec le Vieux continent est un atout de taille pour séduire ces manufacturiers. Outre les Européens, de nombreuses entreprises asiatiques envisagent aussi de délocaliser leurs activités dans la région MENA et en Afrique subsaharienne, pour échapper aux taxes américaines.
«Il y a un intérêt grandissant des entreprises asiatiques envers le Moyen Orient et l’Afrique. Le Maroc figure parmi les premiers choix de celles qui prévoient de réorienter une partie de leur production vers la région MENA», révèle Lluis Dalmau Taulés.
Mieux, le Royaume, qui occupe la 20e place dans le Top 25 des futurs hubs commerciaux de nouvelle génération dressé par Allianz Trade, «devrait bénéficier de la diversification des chaînes de valeur hors Chine», notamment dans le secteur automobile, surtout pour ce qui est de l’industrie des batteries pour véhicules électriques.
Lluis Dalmau Taulés
Économiste pour l’Afrique et le Moyen-Orient chez Allianz Trade
«L’impact direct de la guerre commerciale sur le Maroc est limité en raison de la faible exposition des exportations marocaines au marché américain et de l’exclusion des engrais de l’augmentation des tarifs (…) Cependant, il pourrait y avoir un impact plus important du fait de l’exposition indirecte du marché marocain aux États-Unis via l’économie européenne.»
Délocalisation : le rôle des ports marocains
D’après Lluis Dalmau Taulés, les ports marocains auront un grand rôle à jouer dans cette future connexion. «Le port de Casablanca a bénéficié de manière significative de la fermeture du canal de Suez. Les ports marocains pourraient devenir des hubs commerciaux mondiaux connectant l’Europe, l’Afrique, l’Asie et les Amériques si des investissements sont réalisés», a-t-il déclaré.
Elimane Sembène / Les Inspirations ÉCO