Maroc

Gestion de l’eau : la Cour des comptes sort le stylo rouge

Face à une pénurie d’eau qui s’aggrave, le dernier rapport de la Cour des comptes jette une lumière crue sur les défaillances de la gestion hydrique au Maroc. Retards dans les projets, infrastructures vétustes, surexploitation des ressources, autant de signaux d’alarme qui soulignent l’urgence d’une réforme en profondeur.

«La rationalisation des dépenses publiques reste une priorité majeure», souligne la Cour des comptes dans son rapport annuel, appelant à une réforme ambitieuse des mécanismes de contrôle et de gouvernance. Parmi les points saillants, le rapport consacre une large part à la gestion de l’eau, un secteur stratégique où les défaillances risquent de compromettre la sécurité hydrique, agricole et industrielle du pays.

Des réponses immédiates attendues
Le rapport de la Cour des comptes tire la sonnette d’alarme sur les pressions croissantes exercées sur les ressources en eau. Avec une disponibilité moyenne annuelle par habitant tombée en dessous du seuil critique de 500 m³, le Maroc est désormais classé parmi les pays souffrant d’un stress hydrique sévère.

«La rareté croissante de la ressource exige des réponses immédiates et coordonnées», lit-on dans le document, qui dénonce un manque de cohérence dans la planification stratégique.

En effet, la coordination entre les agences de bassin hydraulique, les collectivités locales et les ministères concernés reste insuffisante.

«L’absence d’une vision intégrée retarde la mise en œuvre des projets nécessaires à la préservation et à la valorisation de cette ressource essentielle», souligne la Cour.

Ces retards ont des conséquences lourdes, particulièrement dans les régions déjà confrontées à des sécheresses récurrentes. Malgré un plan national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI) renforcé, avec un budget qui est passé de 115 à 143 milliards de dirhams, des retards dans l’exécution des projets structurants, comme le raccordement des bassins hydrauliques ou la construction de nouveaux barrages, freinent les efforts. Les capacités de stockage, qui devraient atteindre 24 milliards de m³ d’ici 2027, restent limitées face aux besoins grandissants.

Infrastructures dégradées et gestion inefficace
Parallèlement, l’état des infrastructures hydrauliques amplifie les pertes en eau. Selon le rapport, une part significative des ressources disponibles est gaspillée en raison d’équipements vétustes et d’une gestion technique inadéquate.

«Une proportion significative des pertes en eau est due à l’état dégradé des équipements», souligne la Cour, citant notamment des dysfonctionnements dans les réseaux d’irrigation et d’approvisionnement en eau potable.

En milieu rural, où les besoins agricoles sont particulièrement critiques, les initiatives visant à moderniser l’irrigation ont permis d’équiper près de 794.000 hectares en systèmes localisés. Cependant, ces efforts restent largement insuffisants pour répondre aux défis actuels, exacerbés par la surexploitation des nappes phréatiques.

«La surexploitation des eaux souterraines, souvent sans autorisation, menace l’équilibre des écosystèmes aquatiques», avertit le rapport, ajoutant que cette pratique compromet sérieusement la disponibilité de l’eau pour les générations futures.

Des politiques tarifaires à revoir
Le rapport s’attarde également sur les faiblesses des politiques tarifaires actuelles. «La tarification de l’eau ne reflète pas les coûts réels de production et d’entretien, ce qui limite les investissements dans les infrastructures modernes et durables», critique la Cour.

Ce déséquilibre prive les autorités des ressources financières nécessaires pour développer des solutions innovantes, comme le dessalement ou la réutilisation des eaux usées. Malgré des avancées notables dans le domaine du dessalement, avec une capacité de production portée à 192 millions de m³ en 2023 grâce à la mise en service de nouvelles stations, les objectifs à long terme peinent à être atteints.

La future station de Casablanca, qui doit produire 300 millions de m³ par an, incarne ces ambitions, mais illustre également les lenteurs administratives qui freinent leur réalisation.

Pour une gestion plus résiliente
Face à ces constats alarmants, la Cour des comptes formule des recommandations précises pour remédier aux défaillances structurelles.

«La planification à long terme doit être au cœur des politiques publiques dans ce domaine», insiste le rapport, qui plaide pour une stratégie nationale de l’eau plus intégrée.

Cela passe notamment par une meilleure coordination entre les acteurs, mais aussi par une accélération des investissements dans les infrastructures de stockage et de distribution. L’interconnexion des bassins hydrauliques, à travers des projets tels que le raccordement entre les barrages de Sebou et Bouregreg ou ceux de Dar Khrofa et Oued El Makhazine, est également jugée prioritaire.

Par ailleurs, la Cour appelle à renforcer les mécanismes de contrôle pour lutter contre les prélèvements illégaux et améliorer la transparence dans la gestion des ressources. Enfin, le rapport insiste sur l’importance de sensibiliser les citoyens et les entreprises à une utilisation rationnelle et durable de l’eau.

«Une gestion durable de cette ressource passe par un changement de comportement collectif», conclut la Cour, rappelant que l’eau est un bien commun dont la préservation est indispensable au développement économique et social du Maroc.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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