Filière de la tomate : le manque de main-d’œuvre se fait ressentir !

En plus des effets néfastes de la sécheresse qui menacent sa rentabilité et sa compétitivité, la filière de la tomate fait face depuis quelque temps à un phénomène inquiétant : la rareté de la main-d’œuvre. Celle-ci est désormais attirée par une autre filière, celle des fruits rouges. Et curieusement, ce ne sont pas que les ouvriers agricoles qui se reconvertissent.
«Être producteur dans la filière de la tomate est devenu un métier à risque. Il y a beaucoup de gens qui sont en train de se reconvertir, et c’est une réalité. Les producteurs de tomates se dirigent désormais vers d’autres cultures plus rentables comme les fruits rouges, notamment les myrtilles et les framboises». Ces propos sont de Khalid Saïdi, président de l’Association marocaine des producteurs et exportateurs des fruits et légumes (APEFEL).
Et ce sont des propos qui sonnent comme une vraie alerte par rapport à la situation prévalant dans cette filière. Une filière extrêmement gourmande en eau, et toujours décriée pour son impact environnemental, dans un contexte de stress hydrique qui prévaut depuis sept ans. Une sécheresse qui sévit notamment dans la région du Souss Massa, principale zone de culture des tomates.
Selon Saïdi, ces reconversions n’épargnent pratiquement aucune catégorie d’intervenants. Autant les producteurs sont à la recherche de cultures plus rémunératrices, autant les simples ouvriers agricoles cherchent eux aussi des activités à même de leur assurer de meilleures rentrées.
Au finish, poursuit le président de l’APEFEL, «il est devenu très difficile, pour les producteurs de tomates, de trouver de la main-d’œuvre lorsque vient la saison de la récolte et de la cueillette dans la filière des fruits rouges».
Ministère de tutelle
Cette tendance vient ainsi compliquer la donne, à l’heure où trouver de l’eau relève déjà du «miracle» pour les agriculteurs, en raison bien évidemment de la rareté des pluies, mais aussi à cause de l’épuisement de la nappe phréatique.
«La situation aurait été catastrophique, si, dans la région d’Agadir et ses environs, il n’y avait pas eu les ressortissants subsahariens qui donnent un «coup de main». C’est grâce à eux que nous parvenons à gérer la situation de la pénurie de main-d’œuvre», poursuit le président de l’APEFEL.
Il précise toutefois que «les autorités, notamment au niveau du ministère de l’Agriculture, sont sensibles à cette réalité» et que des actions ont été enclenchées dans ce sens. «Il y a de cela deux ans, le ministère de l’Agriculture, conscient de la situation que nous vivons, avait décidé d’intervenir à travers un programme de soutien. Une subvention dédiée avait été accordée aux producteurs de tomates, à hauteur de 40.000 à 70.000 DH par hectare, et ce, selon le mode de production. Cela représente moins de 10% des coûts de production, mais c’est quand même une soupape bienvenue pour encourager les producteurs à persévérer dans la production de tomates».
Top 3 mondial
Malgré ces difficultés, il faut noter que le Maroc continue d’exporter massivement des tomates. Ce qui, d’ailleurs, crée une certaine incompréhension, au regard des défis relatés plus haut. Mais pour le président de l’APEFEL, qui s’exprimait lors d’une émission télévisée, «c’est grâce à cette moitié de la production qui est exportée que les producteurs parviennent à s’en sortir. En effet, le prix de vente du kg de tomates sur le marché national ne couvre même pas le prix de revient».
En tout cas, le Royaume continue de figurer en bonne place parmi les plus grands exportateurs de tomates. Ainsi, selon les derniers chiffres de Morocco Foodex, le Maroc en est le troisième exportateur mondial, avec un volume de 621.000 tonnes atteint au cours de la campagne 2024-2025. Celles-ci sont essentiellement destinées aux marchés du Vieux continent. Quant au chiffre d’affaires correspondant, il dépend des sources, mais dépasserait les 15 MMDH, selon la plateforme spécialisée, HortoInfo.
D’ailleurs, le Royaume en a profité pour dépasser le voisin espagnol, avec un niveau de production de tomates qui «fait rougir» ses concurrents européens.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO