Maroc

Fès-Meknès : la nouvelle gouvernance du CRT ne fait pas l’unanimité

La création récente du Conseil régional du tourisme (CRT) Fès-Meknès, visant à fédérer le secteur, est remise en cause par le CRT de Fès. L’instance qui existe depuis 2005 dispose de son propre programme de promotion. Cette cohabitation ambiguë de deux instances aux missions similaires fait craindre une confusion des rôles et une rivalité contre-productive pour obtenir des subventions, nuisant à l’émergence d’une stratégie touristique régionale unifiée.

La région de Fès-Meknès s’est récemment dotée d’un nouveau Conseil régional du tourisme (CRT) visant à fédérer les acteurs du secteur touristique dans l’ensemble des provinces et des préfectures. Cependant, le récent renouvellement du bureau du CRT de Fès et l’annonce de son propre programme de promotion touristique pour la ville de Fès et ses environs vient semer le trouble.

En effet, certains opérateurs craignent que cette situation provoque une confusion en matière de représentativité et de soutien aux institutions représentant le secteur au niveau régional. D’autant plus que les membres du CRT de Fès affirment ne pas avoir été consultés lors de la mise en place de cette nouvelle structure régionale.

«Cette situation ambiguë interroge sur les relations et la coordination entre ces instances, alors même que le secteur touristique régional nécessite plus que jamais une stratégie et des efforts conjoints pour se relancer après la crise sanitaire. La coexistence de deux organes de promotion et de développement touristique aux périmètres qui se chevauchent risque en effet de complexifier les politiques publiques dans ce domaine», estime un opérateur touristique à Fès qui requiert l’anonymat.

Une guerre prévisible des subventions entre les deux CRT
Avec deux instances en charge de la promotion touristique sur un même territoire, des querelles risquent d’éclater rapidement pour obtenir les financements des conseils locaux. Le nouveau CRT Fès-Meknès va certainement mettre en avant sa dimension régionale et sa stratégie globale pour justifier des budgets conséquents. Mais le CRT de Fès, créé en 2005 et qui couvre le territoire de la ville de Fès et sa région, mise sur son ancrage local et de sa connaissance fine du territoire pour légitimer ses propres demandes de subventions. Difficile dans ce contexte de prévoir quelle instance obtiendra le plus de soutiens financiers des collectivités locales. Ceci d’autant plus que le CRT Fès-Meknès, étant un organe récent, n’a pas encore fait ses preuves en termes d’actions et de résultats. Des logiques politiques et des jeux d’influence vont probablement prévaloir.

«On peut craindre que les double-emplois et les initiatives redondantes ne soient pas sanctionnés par les bailleurs publics», estime un opérateur de la région, soulignant que la rivalité entre ces structures touristiques risque ainsi de perdurer, au détriment d’une stratégie unifiée et lisible pour le secteur.

Khalid Bennamour succède à Aziz Labbar
Les membres du CRT de Fès ont élu, à l’unanimité, Khalid Bennamour au poste de président, succédant ainsi à Aziz Labbar. Seule cette candidature avait été déposée. Les membres du CRT, qui rassemble des professionnels locaux du tourisme, ont décidé de lui confier la mission de former le bureau ultérieurement.

Cette assemblée a également validé les rapports moral et financier du CRT sur la période 2020-2023. Le volet activités a mis en lumière les actions de promotion, marketing et animation réalisées ces dernières années pour valoriser le territoire, en dépit de moyens financiers limités.

Sur le volet financier, le CRT de Fès a enregistré plus de 6 MDH de recettes. Celles-ci proviennent des cotisations des membres, de certaines subventions publiques et du soutien de l’ONMT.

Par ailleurs, le rapport souligne les difficultés financières du CRT, peinant à payer les salaires et les charges sociales depuis six mois. Sa participation aux événements internationaux demeure également à la charge des membres.

Nouveau départ, nouvelles ambitions
À l’issue de son élection, Khalid Bennamour a affiché sa volonté de constituer un bureau solide et représentatif des différents métiers du tourisme local. Pour cela, il ambitionne de mixer jeunesse et expérience, en faisant appel à des profils issus de l’hôtellerie, des maisons d’hôtes, du guidage ou des transports touristiques.

Le nouveau président, lui-même propriétaire d’une maison d’hôtes fassie, mesure néanmoins l’ampleur des défis, dans un contexte de crise qui a lourdement frappé le secteur. Réaliste, Bennamour admet ne pas détenir de «baguette magique» pour résoudre toutes les difficultés, mais entend œuvrer à la consolidation des institutions touristiques locales, en commençant par un bureau légitime et représentatif des professionnels.Justifiant sa décision de ne pas briguer un nouveau mandat, l’ancien président Aziz Labbar a invoqué la nécessité d’insuffler du sang neuf au bureau du Conseil régional du Tourisme de Fès.

Par ailleurs, sa position de 2e vice-président au sein de l’exécutif de la commune urbaine de Fès semblait handicaper le CRT dans l’obtention de subventions publiques. Cette incompatibilité a ainsi précipité le retrait de Labbar, bien que ce dernier assure qu’il continuera à soutenir l’institution dont il fut le président durant le mandat écoulé. Son départ vise donc à la fois à ouvrir la porte à une nouvelle génération, et à lever les barrières réglementaires qui entravaient le financement du CRT-Fès, notamment de la part des collectivités locales.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO



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