Fès/Cuir Traditionnel : bouclier “anti-capitaliste” et moteur de relance économique
À l’occasion de la 2e édition du Salon national du cuir de Fès, qui se déroule jusqu’au 14 janvier, on relève l’évolution remarquable de cette filière qui a su préserver son caractère «traditionnel», neuf siècles durant. Malgré les défis persistants du secteur moderne et de la concurrence industrielle, cette filière a réussi, tant bien que mal, à maintenir ses racines ancrées dans les pratiques artisanales séculaires.
La filière traditionnelle du cuir à Fès demeure l’une des rares bastions ayant réussi à échapper aux «griffes du capitalisme» et à la concurrence féroce de l’industrialisation qui a transformé en profondeur de nombreux métiers artisanaux. Face aux menaces provenant des tanneries industrielles, cette filière a non seulement survécu, mais elle a également démontré une capacité remarquable à persister et à se reproduire, une qualité étonnante.
Aujourd’hui, la filière traditionnelle du cuir émerge comme un pilier essentiel de la relance économique de la ville de Fès, avec un chiffre d’affaires représentant 29,6% du total du secteur de l’artisanat, soit une somme conséquente de 6,9 MMDH.
Le nombre d’artisans actifs dans cette filière dépasse les 27,9% du total des artisans impliqués dans l’artisanat productif à Fès, constituant ainsi une force économique significative, qui regroupe quelque 79.000 artisans. Les tanneries traditionnelles de Fès jouent un rôle primordial en matière d’emploi, avec plus de 800 maîtres artisans et tanneurs. Ce chiffre représente 45% du total des artisans tanneurs traditionnels au niveau national.
188 MDH d’investissement pour la filière
«Le secteur du cuir dans la région de Fès et Meknès a connu un essor significatif grâce à un investissement total de 188 millions de dirhams», souligne Abderrahim Belkhayat, directeur régional de l’artisanat à Fès. La ville spirituelle, en particulier, a bénéficié d’un soutien de plus de 172 MDH à travers divers programmes de développement. Dans le cadre du programme de délocalisation visant à éloigner les activités polluantes de la médina de Fès, près de 14 MDH ont été alloués à la construction du marché des peaux brutes au pôle artisanal Ain Nokbi.
De plus, un montant de plus de 97 MDH a été investi dans le programme de restauration des monuments historiques de la médina, ciblant spécifiquement la réhabilitation des trois tanneries traditionnelles emblématiques de Chouwara, Sidi Moussa et Ain Azliten. Plus de 50 MDH ont été dédiés à la construction d’une tannerie traditionnelle complémentaire au pôle artisanal Ain Nokbi, bénéficiant aux tanneurs des tanneries Ain Azliten et Sidi Moussa. Elle vise à améliorer le développement de leurs produits, leurs conditions de travail et leur niveau de vie. En outre, une enveloppe de 9,5 MDH a été allouée dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), permettant la création et l’équipement d’un centre d’appui technique au profit des tanneurs de la tannerie Chouwara.
Labellisation de plus de 250 artisans
La labellisation joue un rôle crucial dans la reconnaissance et la préservation des savoir-faire artisanaux. Dans le cadre de la Stratégie nationale du ministère visant à promouvoir les signes distinctifs de qualité, la filière du cuir à Fès se distingue par la labellisation de 251 artisans. Le label «Cuir naturel» a été attribué à 71 artisans qui travaillent avec des matières végétales naturelles. Le label «Babouche ziwani» a été décerné à 65 artisans, tandis que 79 artisans ont été honorés du label «Babouche marocaine».
En ce qui concerne les selles traditionnelles, 16 artisans ont reçu les label «Selle traditionnelle marocaine» et «Selle traditionnelle marocaine authentique». De plus, 18 artisans ont reçu le label national «Fabriqué à la main», tandis que deux artisans ont été reconnus par le label régional de Fès-Meknès. À noter que ces 251 artisans de la filière du cuir traditionnelle représentent 53% du total des artisans traditionnels certifiés dans la ville.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO