Fatima Arib : “Nous souhaitons porter une parole africaine crédible et exigeante dans les arènes où se discutent les grands enjeux”

Fatima Arib
Présidente-fondatrice de l’Institut international pour la transition durable en Afrique
Après la tenue de sa première assemblée générale ordinaire en mai dernier à Marrakech, l’Institut international pour la transition durable en Afrique, think tank spécialisé dans les questions liées à l’énergie, souhaite accélérer la cadence. Son objectif : s’imposer comme un acteur de référence de la transition verte sur le continent. Fatima Arib, présidente-fondatrice de l’institution, livre sa vision.
L’Institut international pour la transition durable en Afrique a tenu, le 17 mai 2025 à Marrakech, sa première assemblée générale ordinaire. Peut-on connaître les principales initiatives menées par votre think tank depuis son lancement en octobre 2024 ?
L’Institut connaît une dynamique très forte depuis le lancement de ses activités, marqué par la première édition de l’Africa Transition Forum à Marrakech. En l’espace de quelques mois, nous avons pu poser des bases solides, aussi bien sur le plan institutionnel qu’opérationnel. Nous avons activé nos principales instances de gouvernance.
Ainsi, après l’installation du bureau exécutif lors de l’assemblée générale constitutive, nous avons mis en place le conseil consultatif, qui joue un rôle stratégique important dans l’orientation de nos travaux. En parallèle, nous avons mené un travail approfondi sur l’élaboration et la finalisation de notre stratégie de développement 2025-2027, officiellement dévoilée lors de notre première assemblée générale ordinaire, en mai dernier à Marrakech.
Dès le départ, notre objectif était clair : ne pas être un simple think tank, mais plutôt un think tact tank, c’est-à-dire un espace qui combine la réflexion stratégique à l’action concrète sur le terrain. Cela s’est traduit par le lancement de plusieurs initiatives structurantes : le programme Africa Transition Youth qui vise à mobiliser les jeunes autour des enjeux de durabilité, le cycle de conférences RiseShift qui réunit experts et acteurs de terrain pour croiser les regards, ou encore l’initiative Femmes Africaines 2063 qui vise à renforcer le leadership féminin dans les processus de transition à l’échelle du continent.
Et en dehors des évènements que vous organisez ?
Nous avons également participé à de nombreux événements scientifiques, stratégiques et politiques à l’échelle nationale, continentale et internationale. Nos membres ont animé des conférences, pris part à des panels de haut niveau, et surtout, nous avons noué des partenariats dans une quinzaine de pays africains.
Ces échanges témoignent de notre volonté de fédérer, connecter et faire émerger des solutions concrètes pour une Afrique résiliente, inclusive et durable. Un autre pilier important de notre action concerne la production de savoir stratégique. Nous avons lancé une série de policy briefs et de policy papers, conçus spécifiquement pour les hauts responsables et décideurs publics africains.
L’objectif est clair : offrir des analyses ciblées, contextualisées et opérationnelles pour nourrir les politiques publiques, renforcer la prise de décision et accompagner les transitions dans des domaines clés. Ce ne sont là que quelques exemples, mais ils illustrent bien l’élan qui porte aujourd’hui l’Institut. Cette première année a été marquée par une montée en puissance collective, une structuration solide, et une volonté partagée de bâtir un espace utile, crédible et engagé au service de la transition durable en Afrique.
Quels sont les pays clés dans le déploiement de vos activités ?
Notre démarche est clairement panafricaine, mais avec un ancrage fort au Maroc. C’est ici que l’Institut a vu le jour, et c’est depuis le Maroc que nous construisons cette dynamique continentale. Nous considérons notre action comme une forme de diplomatie scientifique, au service de la stratégie africaine de notre pays. Le Maroc est donc au cœur de tout cela, à la fois comme plateforme de coordination, espace de production intellectuelle, et levier de coopération Sud-Sud.
Au-delà du Maroc, nous avons progressivement tissé un réseau de partenariats solides dans plusieurs pays africains, parmi lesquels le Bénin, le Kenya, le Sénégal, le Congo, le Burkina Faso, la Tunisie, la Mauritanie, la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou encore l’Éthiopie. Cela dit, ces pays ne sont que des exemples.
Aujourd’hui, les contacts que nous avons établis à travers nos activités couvrent déjà plus de 15 pays africains, et ce réseau ne cesse de s’élargir. Nous disposons aussi de relais en dehors du continent, notamment aux États-Unis, au Canada et en France. Ce maillage est essentiel, car il nous permet de croiser les expertises, d’adapter nos actions aux spécificités locales et de bâtir une coopération africaine et internationale fondée sur la science, le dialogue et l’action.
Lors de votre dernière assemblée générale ordinaire, vous avez dévoilé votre stratégie de développement 2025-2027. Quels en sont les axes prioritaires ?
La stratégie que nous avons présentée lors de notre assemblée est le fruit d’un travail collectif approfondi. Elle fixe le cap de notre action pour la période 2025-2027, avec une ambition claire : faire de l’Institut un acteur de référence de la transition durable en Afrique. Notre stratégie repose sur cinq axes structurants, pensés pour contribuer à répondre aux défis du continent, tout en adoptant une posture lucide et engagée.
Le premier axe concerne notre ancrage dans les grands cadres continentaux et internationaux, notamment les Objectifs de Développement Durable (ODD) et l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Nous les intégrons non pas comme des modèles figés, mais comme des référentiels que nous lisons de manière critique et constructive, à la lumière des réalités africaines.
L’enjeu est de proposer des contributions concrètes et adaptées, qui évitent les approches descendantes ou déconnectées des contextes locaux. Le deuxième axe vise le renforcement des capacités notamment des institutions africaines, et des collectivités territoriales. L’idée est d’accompagner les dynamiques existantes, d’outiller les acteurs de terrain, et de soutenir l’émergence de solutions innovantes, pensées par et pour les Africains.
La troisième priorité concerne la diversification de nos partenariats et de nos sources de financement. C’est une condition essentielle pour préserver l’indépendance de l’institut et sa capacité à travailler avec des partenaires publics, privés, académiques ou associatifs, sans cloisonnement.
Le quatrième axe porte sur la création de mécanismes solides de suivi, d’évaluation et d’apprentissage continu. Il ne s’agit pas simplement de lancer des projets, mais de mesurer leur impact réel, de capitaliser sur les réussites comme sur les limites, et d’ajuster nos méthodes au fil du temps.
Enfin, nous voulons renforcer notre positionnement à l’échelle continentale et internationale, en portant une parole africaine crédible et exigeante dans les arènes où se discutent les grands enjeux de demain. Cela passe par la participation à des réseaux de haut niveau, mais aussi par la production régulière de policy briefs et de policy papers, à destination des décideurs africains, pour nourrir des politiques publiques fondées sur la connaissance, la prospective et la responsabilité. En résumé, nous avançons avec une stratégie ambitieuse, exigeante et réaliste, conçue pour faire de l’Institut un espace de réflexion, d’action et d’influence au service d’une Afrique inclusive et souveraine.
Comment votre think tank compte-t-il promouvoir davantage la transition énergétique durable en Afrique au cours des cinq prochaines années. Avec quels partenaires institutionnels comptez-vous vous associer pour relever ces défis?
Les prochaines années seront déterminantes. La stratégie triennale 2025-2027, que nous avons adoptée, n’est pas un simple document de cadrage. C’est une feuille de route ambitieuse mais réaliste, à laquelle nous croyons profondément, et que nous nous sommes engagés à mettre en œuvre avec rigueur, méthode et humilité. En tant que think tact tank, notre force reposera sur notre capacité à articuler entre la pensée stratégique et l’action concrète.
Promouvoir une transition durable en Afrique suppose d’agir à plusieurs niveaux : produire une connaissance utile, renforcer les capacités locales, et déployer des projets à fort impact, basés sur des solutions innovantes, pragmatiques et ancrées dans les réalités du continent. Notre approche est pleinement intégrée : elle combine une mobilisation scientifique crédible, avec des initiatives de terrain dans des domaines cruciaux tels que la résilience climatique, la sécurité alimentaire, la transition énergétique ou la transformation économique.
Dans cette dynamique, comme je l’avais mentionné, nous avons lancé une série de publications stratégiques spécifiquement conçues pour les décideurs africains. Ces documents visent à éclairer la prise de décision par des analyses claires, contextualisées, et directement exploitables. Ils constituent pour nous un levier important pour accompagner les politiques publiques.
Dans les mois à venir, nous poursuivrons l’opérationnalisation de nos partenariats existants, notamment avec la Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF), et le Fonds Africain de Garantie et de Coopération Économique (FAGACE).
Renforcer les partenariats avec les grandes instances du continent
L’Institut international pour la transition durable en Afrique compte intensifier son dialogue et formaliser des partenariats avec les grandes instances décisionnelles du continent, telles que l’Union africaine, la Banque africaine de développement, ou encore la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA-ONU).
«Ces institutions jouent un rôle clé dans les transformations structurelles en cours et nous avons une volonté sincère de contribuer de manière constructive à leurs réflexions, orientations et actions concrètes. Nous continuerons à consolider notre réseau de partenaires tout en l’élargissant progressivement», a déclaré Fatima Arib.
«Ce qui nous anime, c’est d’agir de façon concrète, crédible et structurante pour accompagner les transitions africaines, et nous savons que cela ne pourra se faire qu’ensemble : par des alliances solides, une expertise partagée, et surtout une capacité collective à transformer les idées en résultats tangibles sur le terrain», a-t-elle ajouté.
Devenir un catalyseur de la transition durable en Afrique
L’Institut international pour la transition durable en Afrique est une organisation scientifique non gouvernementale à but non lucratif, de droit marocain, fondée par des experts et des leaders engagés dans la transition vers une économie inclusive et résiliente. Son siège social est basé à Marrakech, au Maroc. C’est une plateforme de réflexion, d’actions innovantes et de dialogue pour contribuer à façonner un avenir durable et prospère pour le continent africain.
L’institut aspire à devenir un catalyseur de la transition durable en Afrique, en offrant une plateforme d’excellence pour la réflexion et l’action collaboratives sur le continent, en vue de bâtir des économies et des sociétés inclusives, résilientes et durables. Outre la présidente-fondatrice Fatima Arib, le nouveau bureau de l’institut compte aussi en son sein Laila Mandi, secrétaire générale, et Abdelkarim Khatib au poste de trésorier.
Sami Nemli / Les Inspirations ÉCO