Maroc

Énergie, eau, agriculture : la canicule teste la résilience économique du Maroc

Un effet domino se propage à travers l’économie marocaine sous l’effet de la canicule. Du réseau électrique saturé par la climatisation à la pression accrue sur les barrages pour l’irrigation, la vague de chaleur révèle l’interdépendance critique des secteurs et l’urgence d’une réponse systémique et intégrée.

Le Maroc fait face à une vague de chaleur d’une intensité et d’une précocité inhabituelles, plaçant l’ensemble de ses secteurs stratégiques sous une pression considérable. Loin de n’être qu’un simple inconfort estival, cet épisode caniculaire agit comme un révélateur des tensions croissantes sur les ressources en eau, l’agriculture et le réseau énergétique national. Les indicateurs sont formels avec des consommations électriques à des niveaux record bien avant le pic estival habituel, illustrant l’ampleur des défis d’adaptation auxquels le pays est confronté.

Le secteur agricole face au triple stress climatique
L’agriculture, pilier de l’économie marocaine, se retrouve en première ligne. Face à des températures extrêmes, l’organisation du travail a été repensée dans de nombreuses exploitations pour protéger la main-d’œuvre. Les journées de travail débutent désormais à l’aube pour s’achever avant les heures les plus chaudes, limitant ainsi les risques d’insolation et de coups de chaleur.

Au-delà de l’aspect humain, c’est la santé des cultures qui est en jeu. Kamal Aberkani, expert en sciences de l’agriculture, décrit un effet combiné de trois facteurs de stress : la chaleur intense, le manque d’eau dans des sols déjà éprouvés par des années de sécheresse, et une salinité accrue due à la faible dilution par les pluies.

Cette accumulation de contraintes physiologiques a un impact direct sur les productions de juillet. On observe une augmentation de l’avortement des fleurs sur les cultures maraîchères comme la tomate ou le melon, une accélération de la maturation qui réduit le calibre des fruits, et des désordres physiologiques comme l’éclatement, déclassant une part significative de la récolte.

Une gestion critique des ressources en eau
La canicule exacerbe la tension sur des ressources hydriques déjà fragiles. L’augmentation des besoins pour l’irrigation agricole, vitale pour tenter de sauver les cultures, se heurte à un niveau de remplissage des barrages qui demeure critique malgré les pluies printanières. La forte évapotranspiration annule rapidement les bénéfices de ces précipitations, imposant un recours accru aux systèmes de pompage, eux-mêmes très consommateurs en électricité.

Cette situation contraint les autorités à opérer des arbitrages délicats entre les besoins de l’agriculture, l’approvisionnement en eau potable des populations et les exigences du secteur industriel.

La stratégie nationale de gestion de l’eau, axée sur des projets structurants comme le dessalement de l’eau de mer et la généralisation de techniques d’irrigation économes tel que le goutte-à-goutte, devient plus pertinente que jamais. Cependant, la mise en œuvre de ces solutions à grande échelle demande du temps, alors que la crise est immédiate.

La facture énergétique, un indicateur de la surchauffe
La pression climatique se traduit directement sur le réseau électrique. Le 19 juin 2025, la consommation a atteint un pic historique. Cette hausse de plus de 15% par rapport à l’année précédente est principalement due à l’utilisation massive des systèmes de climatisation dans les secteurs résidentiel et tertiaire et à la forte sollicitation des systèmes de pompage d’eau pour l’irrigation agricole.

Pour les entreprises, l’impact est double. Parallèlement, les industries dépendant d’une chaîne du froid rigoureuse doivent sur-solliciter leurs circuits de réfrigération.

Dans les stations de conditionnement de fruits et légumes, par exemple, le coût de l’électricité nécessaire pour faire fonctionner les chambres froides augmente de manière significative, impactant directement la compétitivité et les marges du secteur agro-industriel.

Vers des stratégies d’adaptation intégrées
Cet épisode caniculaire souligne l’interdépendance des défis auxquels le Maroc est confronté. La sécurité hydrique, énergétique et alimentaire sont intrinsèquement liées.

Selon des opérateurs dans des secteurs à risque, la situation actuelle impose une accélération de la transition vers un modèle de développement plus résilient. Cela implique une planification agricole rigoureuse, favorisant des cultures moins gourmandes en eau, et une réflexion stratégique sur la chaîne de valeur, de la production à la commercialisation.

La maîtrise de la demande énergétique et la diversification du mix électrique sont également des leviers essentiels. Les réponses ne peuvent plus être sectorielles, mais doivent s’inscrire dans une vision intégrée ayant pour ambition d’adapter l’ensemble de l’économie et de la société aux nouvelles réalités climatiques.

Cette vague de chaleur se distingue par son intensité et son extension, portant la signature caractéristique du phénomène du «chergui».

Pour la tendance des jours à venir, les prévisions météorologiques montrent que notre pays demeurera toujours sous l’influence de la dépression thermique saharienne, acheminant de l’air chaud «chergui» principalement sur les régions intérieures du Royaume selon la direction générale de la météorologie.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO



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