Dynamiques touristiques : comment Casablanca se démarque sous les projecteurs d’Airbnb

La redistribution des flux touristiques vers de nouvelles destinations se poursuit et illustre une décentralisation active des retombées économiques du tourisme, bénéficiant désormais aux territoires périphériques. C’est dans cette dynamique que Casablanca se hisse à la 4e place du Top 10 mondial des destinations internationales plébiscitées par les voyageurs canadiens, devançant des géantes comme Paris, São Paulo ou Los Cabos.

Une récente publication par Airbnb, le 27 août 2025, de ses données du premier semestre 2025, offre un prisme révélateur des transformations structurelles du tourisme mondial. L’analyse croisée de cette publication avec les récentes évolutions législatives marocaines en matière de taxation numérique (Loi de finances 2025) et les performances touristiques nationales permet d’identifier des enjeux stratégiques majeurs pour l’économie du pays.

Décryptage des données Airbnb
Les données publiées par Airbnb pour le premier semestre 2025 révèlent un mouvement structurant de l’industrie touristique mondiale, offrant des enseignements précieux pour le positionnement international. On observe un rebond significatif des voyages internationaux hors États-Unis, marqué par une augmentation à quasiment deux chiffres des réservations vers des pôles aussi diversifiés que le Japon, le Brésil, la France, les Philippines, la Thaïlande et le Mexique. L’analyse du palmarès des destinations «tendance» est particulièrement révélatrice des nouvelles dynamiques à l’œuvre.

Dans ce contexte, la position stratégique de Casablanca émerge comme un signal fort. La métropole marocaine se hisse à la 4e place du Top 10 mondial des destinations internationales plébiscitées par les voyageurs canadiens en 2025, devançant des géantes touristiques comme Paris, São Paulo ou Los Cabos, et se classant immédiatement après Sumida, Naniwa Ward (Japon) et Rio de Janeiro (Brésil).

Une visibilité exceptionnelle d’autant plus remarquable que Casablanca représente la seule destination africaine dans ce classement exclusif, soulignant son attractivité singulière et son potentiel en tant que pôle d’attraction majeur pour un marché émetteur exigeant et à fort pouvoir d’achat. Une percée qui offre au Maroc un atout géostratégique dans la reconfiguration des flux touristiques mondiaux post-crise.

Convergence des performances et opportunités stratégiques
Les données officielles du ministère du Tourisme (11 août 2025) corroborent et amplifient les tendances identifiées par Airbnb, révélant une dynamique touristique robuste et diversifiée. Avec 2,7 millions de touristes accueillis en juillet 2025 (+6% vs juillet 2024) et un cumul de 11,6 millions de visiteurs à fin juillet (+16% sur un an), le Royaume confirme son attractivité résiliente.

La ministre Fatim-Zahra Ammor souligne cette dualité. «Le Maroc continue d’être une destination de cœur autant que de découverte… La dynamique positive se poursuit, portée autant par les touristes locaux, les Marocains résidant à l’étranger, ou les touristes étrangers». La prépondérance des MRE (52% des arrivées) reste un pilier structurel, mais l’émergence de nouvelles clientèles internationales – comme les Canadiens – ouvre des perspectives stratégiques.

Dans ce contexte, la consécration de Casablanca comme 4e destination mondiale «tendance», selon Airbnb – pour les voyageurs canadiens en 2025 – constitue un signal géoéconomique majeur. La métropole marocaine s’impose comme la seule représentante africaine du Top 10, validant les politiques de diversification des marchés émetteurs et de modernisation de l’offre urbaine.

Un positionnement qui doit néanmoins être interprété avec nuance. Il reflète avant tout une croissance relative exceptionnelle («weighted growth score» intégrant le taux de progression pondéré par le volume initial de réservations), suggérant un décollage depuis une base encore modeste comparée aux poids lourds du classement.

Cette performance n’en reste pas moins une opportunité sur plusieurs plans. Elle offre au Maroc un levier inédit pour capitaliser sur la visibilité algorithmique des plateformes globales, attirer d’autres segments de voyageurs haut de gamme (notamment asiatiques ou latino-américains), et rééquilibrer la répartition géographique des flux au-delà des pôles traditionnels comme Marrakech ou Agadir.

L’enjeu réside désormais dans la transformation de cette reconnaissance numérique en retombées économiques territorialisées, notamment via un maillage accru entre l’offre Airbnb et les écosystèmes locaux (artisanat, restauration, tourisme expérientiel).

Ce que change concrètement l’exposition algorithmique
Pour les hôtes et professionnels du tourisme, la visibilité internationale inédite conférée par le classement d’Airbnb – notamment la présence de Casablanca au 4e rang mondial des destinations «tendance» pour les Canadiens – ouvre des perspectives substantielles de diversification clientèle.

Cette exposition algorithmique, couplée à la croissance continue du secteur (+16% de touristes à fin juillet 2025), facilite la captation d’une clientèle nord-américaine à fort pouvoir d’achat et complète efficacement l’offre hôtelière traditionnelle, notamment dans les territoires émergents.

Toutefois, cette opportunité s’accompagne d’un impératif de professionnalisation accrue : les hôtes locaux doivent adapter leurs standards aux exigences qualitatives internationales (équipements, services digitaux, expériences authentiques) tout en maîtrisant les nouvelles obligations fiscales liées à la déclaration des revenus locatifs, dans un cadre réglementaire désormais clarifié par la LF 2025.

Pour les plateformes numériques comme Airbnb, les ajustements apportés par la réforme fiscale marocaine constituent une avancée opérationnelle significative. Le pragmatisme réglementaire de cette réforme fiscale consolide la pérennité des plateformes en formalisant leur contribution économique (reversement de la TVA sur les transactions des résidents marocains) sans compromettre leur compétitivité. Pour l’État marocain, ces évolutions cristallisent une stratégie.

La LF 2025 parachève la souveraineté fiscale en permettant une taxation équitable des services numériques étrangers «conformément aux recommandations de l’OCDE», captant ainsi une juste part de valeur sur les transactions locales. Une ambition qui s’articule autour d’une volonté de compétitivité.

Enfin, la gouvernance des données émerge comme un levier stratégique sous-exploité. L’analyse des flux anonymisés issus des plateformes (origine des réservations, durée des séjours, préférences saisonnières) offre un potentiel d’optimisation inédit pour les politiques de développement territorial touristique de l’offre aux tendances globales et pour répliquer les succès locaux à l’échelle nationale.

Reste à tirer pleinement profit de la visibilité et des flux

La publication d’Airbnb met en lumière deux réalités interconnectées pour le Maroc. D’une part, son attractivité touristique internationale est confirmée et amplifiée par la plateforme, comme en témoigne la place de choix de Casablanca auprès des voyageurs canadiens.

D’autre part, le Royaume s’inscrit résolument dans le mouvement mondial de régulation et de taxation de l’économie numérique, comme le démontrent les ajustements pragmatiques de la LF 2025. L’enjeu stratégique réside désormais dans la capacité à maintenir cet équilibre dynamique : tirer pleinement profit de la visibilité et des flux générés par les plateformes globales comme Airbnb, tout en garantissant un cadre fiscal clair, équitable et compétitif qui sécurise les acteurs et profite au développement économique territorial.

La vigilance reste de mise pour que cette régulation évolutive continue de servir à la fois la souveraineté fiscale, la compétitivité de la destination Maroc et les intérêts de ses multiples acteurs économiques, des plus petits hôtes aux plus grandes plateformes internationales.

B.C. / Les Inspirations ÉCO