Maroc

Diplomatie : à la reconquête d’un ancrage continental !

Longtemps en retrait de l’arène continentale, le Maroc a opéré, sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, un retour spectaculaire au cœur de l’Afrique. Du discours historique d’Addis-Abeba en 2017 à l’émergence d’une diplomatie économique et religieuse proactive, le Royaume assume pleinement son identité africaine et déploie une stratégie d’influence fondée sur la coopération Sud-Sud, l’investissement et la solidarité.

«Il est beau, le jour où l’on rentre chez soi, après une trop longue absence ! Il est beau, le jour où l’on porte son cœur vers le foyer aimé ! L’Afrique est Mon Continent, et Ma maison. Je rentre enfin chez Moi, et vous retrouve avec bonheur. Vous M’avez tous manqué». En prononçant ces mots mardi 31 janvier 2017 à Addis-Abeba, devant l’assemblée de l’Union africaine, le Roi Mohammed VI n’a pas seulement marqué l’histoire diplomatique du Maroc.

Il a résumé en quelques phrases la vision profonde qui guide la politique africaine du Royaume depuis vingt-cinq ans. Ces mots, soigneusement choisis, traduisent un retour bien plus complexe qu’un simple acte symbolique. Ils incarnent une reconquête, une réconciliation et une projection.

En réalité, tout est dit. L’Afrique n’est pas une option, mais une maison, un espace naturel d’appartenance et un horizon stratégique. Car avant ce moment solennel à Addis-Abeba, le Maroc avait vécu plus de trois décennies de retrait, conséquence directe du différend autour du Sahara et du départ fracassant de l’Organisation de l’unité africaine en 1984. Revenir «chez soi» impliquait donc bien plus qu’une réintégration administrative. Il s’agissait de rebâtir des ponts, de tisser des alliances nouvelles et de réaffirmer, haut et fort, que le Royaume ne se définit pas seulement par sa façade atlantique ou méditerranéenne, mais aussi et surtout par ses racines africaines profondes.

Une diplomatie du concret
Depuis son accession au Trône, le Roi Mohammed VI a fait de l’Afrique l’un des axes majeurs de sa diplomatie. Le politologue Moussaoui Ajlaoui le rappelle : la «politique africaine» du Maroc sous Mohammed VI s’est distinguée par sa cohérence, sa transparence et son pragmatisme. Tout commence en réalité par un discours inaugural prononcé à Khartoum, où le Souverain affirmait déjà la volonté du Royaume de renforcer ses liens avec sa profondeur africaine. Très vite, cette déclaration d’intention s’est traduite par une diplomatie de terrain.

En vingt-six ans de règne, le Roi a multiplié les déplacements officiels, parcourant plus de 51.000 kilomètres, visitant 28 pays, signant plus de 1.000 accords bilatéraux, tous secteurs confondus. Ces visites ne se sont jamais limitées à des déclarations de principe. Chacune d’elles a été ponctuée par des accords tangibles, des lancements de projets structurants et des engagements partagés.

Lors des trois périples majeurs entre octobre 2016 et mars 2017, le Souverain a relié 12 capitales africaines, consolidant l’influence marocaine de Kigali à Abidjan, en passant par Abuja, Lusaka, Conakry ou encore Antananarivo. Dans ses discours, à Dakar, Bamako, Abidjan ou Addis-Abeba, le Roi n’a eu de cesse de marteler le même message. L’Afrique doit croire en elle-même, libérer ses potentiels et construire des partenariats «gagnant-gagnant».

Le pragmatisme est devenu la règle. À chaque escale, de nouvelles conventions ont été signées dans des secteurs variés : agriculture, télécommunications, énergies renouvelables, infrastructures, transports, habitat, formation professionnelle. Derrière ces signatures, le Maroc a avancé avec ses champions nationaux. Attijariwafa bank, BMCE Bank of Africa, Maroc Telecom, le Groupe OCP, Saham, pour ne citer qu’eux. Ces entreprises incarnent le «soft power» économique du Royaume, contribuant à financer, bâtir et moderniser des pans entiers d’économies locales.

Le retour du Maroc à l’Union africaine a aussi ouvert une nouvelle page dans la gestion de la question du Sahara. Là où certains voyaient une faiblesse, Rabat a transformé ce dossier en levier diplomatique. En multipliant les partenariats, le Royaume a progressivement élargi le cercle des soutiens à son plan d’autonomie. Plusieurs pays africains ont officiellement reconnu la souveraineté marocaine, ouvrant des consulats à Laâyoune et Dakhla, matérialisant ainsi sur le terrain cette dynamique.

Le Sahara, dans cette nouvelle lecture, n’est plus seulement une revendication territoriale. Il devient le trait d’union entre le Maroc et sa profondeur africaine. Le projet du gazoduc Nigeria-Maroc, salué comme «structurant» par le Roi lui-même lors de son discours pour le 47e anniversaire de la Marche Verte, en est la démonstration la plus frappante. Ce chantier ambitieux vise à relier le Nigeria, premier producteur de gaz d’Afrique, à l’Europe via le Sahara marocain, tout en desservant une quinzaine de pays de la côte ouest-africaine. À la clé, sécurité énergétique, intégration économique régionale et renforcement des interdépendances Nord-Sud.

Un Sud-Sud consolidé par l’économie
La politique africaine de Mohammed VI ne se limite pas à l’action politique ou symbolique. Elle s’appuie sur des leviers économiques solides. Le Maroc est devenu en quelques années le premier investisseur étranger en Afrique de l’Ouest, tous secteurs confondus. La présence du Groupe OCP est exemplaire. En Ethiopie, l’implantation d’une méga-usine d’engrais pour un coût total de près de 4 milliards de dollars répond à un enjeu stratégique. Il s’agit de garantir la souveraineté alimentaire d’un géant agricole.

Au Nigeria, un accord avec le groupe Dangote illustre la même logique, soit allier ressources, expertise et besoins locaux pour développer des solutions africaines aux défis africains. À côté de l’économie, le Maroc mobilise un autre ressort. Son soft power religieux.

En tant que Commandeur des croyants, le Roi Mohammed VI incarne un islam du juste milieu, tolérant et structuré, perçu comme un rempart contre l’extrémisme. Les visites royales ont été ponctuées de gestes forts. Formation d’imams, construction de mosquées, distribution de milliers de Corans… Dans un continent où la radicalisation menace encore certains États, cette dimension conforte le Maroc comme un acteur fiable de la stabilité spirituelle.

Une vision humaniste 
Le Maroc ne se positionne pas uniquement comme investisseur ou médiateur. Il se veut aussi force de proposition sur les questions sociales et migratoires. À ce titre, le message royal adressé au 30e Sommet de l’UA à Addis-Abeba, en janvier 2018, reste marquant. À rebours du discours alarmiste dominant, le Souverain a défendu une approche positive de la migration : levier de co-développement et pilier de la coopération Sud-Sud. Il a proposé la création d’un Observatoire africain de la migration, que le Maroc accueille désormais, ainsi qu’un Agenda africain sur la migration visant à déconstruire les mythes et à promouvoir une gestion concertée.

Cette dynamique dérange parfois. La percée du Maroc dans certaines régions, naguère dominées par d’autres puissances ou sous influence de réseaux rivaux (Algérie, Afrique du Sud), a bousculé des équilibres. L’offensive diplomatique vers l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, marquée par les visites au Nigeria, en Zambie et en Tanzanie, a fissuré l’axe traditionnel des soutiens du Polisario. Certaines puissances extra-africaines voient aussi d’un œil attentif la montée en puissance du «hub marocain», dont la stabilité et la capacité de médiation en font un acteur de référence.

Pour autant, la stratégie africaine du Maroc n’est pas exempte de défis. Sur le terrain, la concurrence est vive. La Chine, la Turquie, les Émirats Arabes Unis investissent massivement. Le Maroc doit aussi gérer l’équilibre entre ambitions extérieures et exigences sociales internes. Chaque projet doit se traduire par un retour tangible afin d’éviter la perception d’un effort à sens unique. Mais sur le temps long, la cohérence du modèle fait sa force.

Avec plus de 1.024 accords signés depuis 1999, contre seulement 515 entre 1956 et 1999, le Royaume a démontré qu’il ne s’agit pas de diplomatie de façade, mais d’une stratégie ancrée dans le concret. Chaque discours royal s’est prolongé par une action, chaque projet structurant par une coopération suivie.

À l’heure où le monde s’interroge sur les nouvelles frontières de la coopération, le Maroc propose un modèle qui, sans être parfait, a l’immense mérite d’exister et d’être lisible. Un modèle d’équilibre entre souveraineté affirmée, solidarité active et ouverture pragmatique. En cela, le Royaume confirme que le jour où l’on rentre «chez soi» est aussi le jour où l’on choisit d’y bâtir, de relier et de partager.

Afrique Atlantique: de la vision à l’action

Dix-huit mois après son lancement par le Roi Mohammed VI, en novembre 2023, l’Initiative Atlantique se matérialise progressivement, ouvrant une nouvelle ère de coopération entre le Maroc et les pays sahéliens enclavés. Plus qu’un simple projet, cette stratégie vise à transformer durablement la géopolitique et l’économie régionale, en offrant un accès stratégique à l’Atlantique.

Sur le terrain, les avancées sont tangibles. La transition du concept à l’action est bien amorcée. La diplomatie marocaine multiplie les échanges bilatéraux avec les États de l’Alliance du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger) ainsi qu’avec la Mauritanie, pivot indispensable à cette jonction sahélo-atlantique.

Sur le plan des infrastructures, le chantier est colossal. Le port en eaux profondes de Dakhla progresse rapidement, avec une mise en service prévue entre 2028 et 2029. Parallèlement, la route express reliant Tiznit à Dakhla est presque achevée, tandis qu’une nouvelle liaison transfrontalière vers la Mauritanie est finalisée. Le Maroc avance méthodiquement, posant d’abord des fondations solides sur les plans technique et politique avant de formaliser un cadre multilatéral d’intégration régionale. Cette démarche s’appuie sur un réseau dense d’acteurs publics et privés, nationaux et internationaux.

Sur le plan diplomatique, la stratégie marocaine séduit. En avril dernier, les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont officialisé leur engagement à Rabat. Face à l’ampleur des investissements, le Maroc ne porte pas seul le fardeau financier. Deux partenaires majeurs se distinguent, la France, via l’Agence française de développement (AFD) et ses entreprises comme Engie et Proparco, ainsi que les Émirats Arabes Unis, fortement investis dans les infrastructures portuaires et énergétiques.

La Chine, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement manifestent également un intérêt croissant. Si l’Initiative vise avant tout le développement économique, elle s’affirme aussi comme un levier crucial de stabilité dans un Sahel fragilisé. La stratégie mise sur la connectivité, la coopération régionale et la création d’emplois pour stabiliser indirectement la région.

Dans un contexte marqué par le retrait des puissances occidentales et la montée en puissance de groupes paramilitaires comme Wagner, le projet marocain s’impose comme une contre-offre africaine originale. Il ne s’agit pas de remplacer qui que ce soit, mais de construire une solution africaine aux défis africains, fondée sur l’intégration, la souveraineté partagée et la solidarité.

Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO



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