Devises : La Chine soupçonnée de soutien à sa monnaie
La chute des réserves de change en août de 19 milliards de dollars est jugée comme un probable signe d’interventions sur le yuan.
Le yuan, communément surnommé renminbi, faisait, samedi 1er octobre, son entrée officielle dans la cours des grands en rejoignant le panier composant les droits de tirage spéciaux (DTS), l’unité de compte du Fonds monétaire international. Elle a rejoint dans ce panier le dollar, l’euro, la livre britannique et le yen japonais. Si cette adhésion est une bonne nouvelle pour la Chine, la publication des statistiques des réserves de la Banque centrale chinoise a poussé les Occidentaux à songer à un soutien du cours du yuan juste avant cet ajout. En effet, les réserves de devises étrangères de la Chine ont chuté de 19 milliards de dollars en août, selon un chiffre officiel publié vendredi. Cette annonce est interprétée comme un «probable signe que la Banque centrale (PBOC) vend massivement des dollars pour défendre le cours du yuan sous forte pression». «Les colossales réserves de changes chinoises, les plus importantes du monde, sont tombées à 3.166 milliards de dollars fin septembre, a indiqué la PBOC sur son site internet. C’est en-deçà du niveau de 3.180 milliards anticipé par les analystes sondés par Bloomberg. «Ces réserves avaient déjà plongé de 16 milliards de dollars en août, glissant à leur plus bas niveau depuis 2011», rappelle l’AFP. Pour les analystes, c’est le signe que la Banque centrale a fortement musclé ses interventions sur le marché des changes, pour racheter des yuans et donc renforcer le cours vacillant de la monnaie face au dollar. Une question d’image, alors que la Chine accueillait début septembre le sommet annuel des dirigeants du G20, et surtout juste avant l’entrée, scrutée de près, la semaine dernière du renminbi dans les droits de tirage spéciaux (DTS), l’unité de compte du Fonds monétaire international. Elle rejoint dans ce panier le dollar, l’euro, la livre britannique et le yen japonais, parmi les «devises de réserve» internationales. Certes, «le renminbi s’est bien maintenu face au dollar ces derniers mois, mais c’est seulement parce que la PBOC a continué d’intervenir massivement sur le marché des changes», déclarait vendredi Julian Evans-Pritchard, analyste de Capital Economics à l’AFP.
Lutte contre la fuite des capitaux
La raison de ces interventions n’avait pas réellement comme but de contrecarrer le dollar, mais plutôt faire face aux fuites des capitaux hors de la Chine, estime l’analyste. Selon lui, c’est environ 40 milliards de dollars qui ont quitté le pays en septembre. Ces fuites exercent une forte pression à la baisse sur le yuan. «La recrudescence des achats de dollars et autres devises étrangères par les touristes chinois, juste avant les longues vacances nationales du 1er octobre, a intensifié le phénomène», ajoutait de son côté Yang Zhao, de la banque Nomura. Les fuites de capitaux, alimentées par le vif ralentissement de la croissance dans la deuxième économie mondiale, pénalisent durement le yuan depuis l’an dernier. Les réserves de changes de la Chine, qui ont plafonné à quelque 4.000 milliards de dollars en 2014 avant de chuter, s’étaient justement fortement repliées à fin 2015 et début 2016 en raison des efforts de la PBOC pour enrayer la dépréciation trop rapide du renminbi. Le yuan n’est pas pleinement convertible, ne pouvant fluctuer face au dollar que dans une fourchette de 2% autour d’un cours-pivot fixé par la Banque centrale. Or celle-ci souffle le chaud et le froid : elle avait ainsi orchestré en août 2015 une soudaine dépréciation de 5%, attisant les craintes de dévaluations compétitives. Pékin est régulièrement soupçonnée, notamment aux États-Unis, de manipuler sa devise pour doper ses exportations, ce dont la Chine se défend farouchement.
Vers 10% des réserves de devises mondiales
Depuis sa création en 1969, la composition de ce panier n’avait jamais changé de façon si importante, à part le remplacement des monnaies allemande et française par l’euro. Cette entrée est une reconnaissance des progrès effectués par la Chine pour s’intégrer dans un système monétaire international dominé depuis des dizaines d’années par les économies développées. Selon le système de paiement international SWIFT, 1,72% de toutes les transactions internationales conclues en juin l’étaient en yuans, contre 41% pour le dollar, 31% pour l’euro, 8,7% pour la livre sterling et 8,09% pour le yen. Pour Eswar Prasad, chercheur à l’Institut Brookings et ancien chef de la division Chine au FMI, si la Chine entreprend davantage de réformes financières et que son économie continue de croître comme aujourd’hui, le Yuan pourrait représenter jusqu’à 10% à 15% des réserves de devises mondiales d’ici 10 à 15 ans, devenant un sérieux challenger pour d’autres monnaies telles que le yen japonais ou la livre britannique.