Maroc

Détention provisoire : Le rappel à l’ordre de Ramid

 

Le ministre de la Justice et des libertés vient de se fendre d’une circulaire très critique à l’égard de la pratique de la détention provisoire dans les tribunaux du royaume. El Mostapha Ramid requiert un changement dans la pratique rappelant le caractère exceptionnel de cette décision.

Lorsque l’exception devient la règle, un rappel à l’ordre s’impose. Le ministre de la Justice et des libertés vient de publier une circulaire très critique à l’adresse des parquets des tribunaux de première instance et des Cours d’appel du royaume. Dans ce document, le ministre déplore l’utilisation abusive de la détention provisoire par les représentants du ministère public. EL Mostafa Ramid souligne que «plus de 40% de la population carcérale est constituée de personnes emprisonnées dans le cadre de procédures de détention provisoire».

Malgré la publication de plusieurs circulaires et de notes explicatives adressés aux différentes instances concernées, la pratique semble toujours résister. En réponse à cette situation persistante, le département de la Justice a procédé à la réforme du Code de procédure pénal actuellement dans le circuit d’adoption (voir encadré). En attendant l’entrée en vigueur du texte, le ministre de la Justice exhorte les procureurs et les juges d’instruction à mettre en application les principes contenus dans ce nouveau texte. «Nous vous demandons de vous inspirer des orientations générales contenues dans ce texte qui visent à réduire la détention préventive et de n’y recourir que dans le cas où les conditions juridiques sont réunies», précise le ministre en s’adressant aux différentes instances concernées dans sa récente circulaire.

TOP 7 des crimes suivis d’emprisonnement
à fin décembre 2015

Pour endiguer un, tant soit peu, la déferlante, le ministre demande aux procureurs généraux du royaume d’«accorder aux affaires concernant les détenus provisoires la priorité dans le traitement et d’y trancher dans les plus brefs délais tout en évitant de multiplier les retards pour des raisons de procédure». El Mostafa Ramid rappelle également aux instances judiciaires l’obligation de motiver leurs décisions de détention. Le ministre entend ainsi réduire le nombre de détenus dans le cadre de cette procédure préventive qui atteint environ 4.000 personnes par an. Parmi les nouveautés du texte en cours d’adoption la clarification des conditions pouvant mener à une détention préventive.

Ainsi le texte justifie cette détention lorsque les procédures de contrôle et de surveillance judiciaires paraissent insuffisantes ou lorsque l’inculpé aurait fait part d’aveux de crimes passibles de prison. C’est le cas également en cas de présence de preuves irréfutables de la culpabilité du détenu. Le texte accorde également la possibilité aux avocats de la défense d’engager un pourvoi en vue de casser cette décision devant les instances compétentes.

En outre, le juge d’instruction ne sera habilité à prononcer un ordre de détention que dans un cadre bien verrouillé par le texte de loi. Celui-ci impose notamment la présence de preuves claires permettant au juge d’instruction de craindre une récidive ou une dégradation ou suppression des preuves y compris le risque de pressions sur des témoins ou victimes. Seul petit bémol, l’application de ces nouvelles règles dépendra toujours du bon vouloir du procureur et du juge d’instruction. Il faut dire que devant l’absence de texte en vigueur, rares seront les représentants du ministère public qui oseront franchir le pas. 


 

Une version «light» du Code pénal

L’importance des dispositions sur la détention provisoire est telle que le ministre a dû revoir sa copie des textes sur le Code pénal et le Code de procédure pénale, présentés début 2015 et qui avaient provoqué l’ire de la société civile. Les protestations concernaient notamment la question de l’avortement et des libertés publiques. Dans son dernier bilan autour de la réforme de la justice, le ministre avait exprimé sa volonté de faire passer une version allégée de ses deux textes. «Étant donné la fin imminente du mandat de ce gouvernement, nous avons décidé d’introduire d’abord des modifications spécifiques en vue d’adapter la législation marocaine aux exigences de la Constitution de 2011 et à nos engagements internationaux en matière de lutte contre la criminalité et aux garanties d’une justice équitable», expliquait El Mostafa Ramid en février dernier. «Au lieu de faire passer en un seul bloc l’ensemble des réformes prévues, le ministère a choisi d’adopter les dispositions les plus urgentes avant la fin du mandat de ce gouvernement et ajourner celles qui peuvent encore attendre», précise une source proche du dossier au sein du ministère de la Justice. Parmi ces dispositions, les plus importantes sont vraisemblablement celles concernant la détention provisoire.



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