Maroc

Déclarations rectificatives/TVA : fin du délai de récupération durant le mois du paiement

Depuis 2023, la DGI impose une lecture implacable de l’article 101-3° CGI : le délai de récupération de TVA s’achève désormais dans le mois du paiement, non à sa fin. Explications.

De plus en plus d’entreprises marocaines reçoivent des mises en demeure de la DGI leur enjoignant de déposer des déclarations rectificatives, suite au non-respect du délai légal de récupération de la TVA. C’est dans ce contexte qu’il faut rappeler qu’un courrier officiel de la Direction générale des impôts (DGI), daté du 23 juin 2023, éclaire sur le délai légal de récupération de la TVA. Une clarification qui impacte directement la gestion fiscale des entreprises marocaines et la procédure des déclarations rectificatives. Analysons ce document qui révèle des implications majeures. Le cœur de la clarification de la DGI réside dans l’interprétation de l’article 101-3° du Code général des impôts (CGI).

Cet article stipule que le droit à déduction de la TVA «naît à l’expiration du mois du paiement» et que «le délai d’un an court à compter de ce mois». Historiquement, cette formulation pouvait laisser entendre que le délai d’un an courait jusqu’à la fin du mois anniversaire du paiement.

La DGI a formellement rectifié cette interprétation dans son courrier de 2023 et l’a réaffirmée pour 2024 : «Le délai d’un an ne court plus jusqu’à la fin du mois anniversaire, mais s’achève dans le mois même du paiement».

Disons que l’évolution sémantique dans l’interprétation de l’article 101-3° du CGI représente un tournant décisif pour les entreprises. Prenons l’exemple concret cité par la DGI : une société procède au paiement de TVA le 24 juillet, avec un débit bancaire effectif le 1er août.

Selon l’ancienne interprétation défendue par la société, le droit à déduction naissait à l’expiration du mois d’août, soit le 1er septembre. Une lecture qui impliquait que le délai d’un an courait jusqu’au 31 août N+1, rendant légitime la déduction sur la déclaration relative au mois d’août N+1.

Cependant, la nouvelle interprétation officielle de la DGI, clarifiée en 2023 et réaffirmée pour 2024, invalide radicalement cette approche. En substituant la notion d’«expiration du mois» par «dans le mois», l’administration fiscale établit que le droit à déduction prend naissance durant le mois même du paiement, et non à sa clôture. Par conséquent, le délai d’un an s’achève strictement dans le mois d’août N+1, fixant la date limite au 31 juillet N+1.

Dans ce cadre, toute déduction reportée sur la déclaration d’août N+1 devient irrecevable, car intervenant après l’expiration du délai légal. Une précision qui transforme fondamentalement la gestion des crédits de TVA : un décalage d’un mois dans l’imputation déclarative, autrefois toléré, se mue désormais en une forclusion définitive du droit à récupération, exposant les entreprises à des rectifications coercitives et à des pénalités substantielles.

Impact opérationnel et financier de la nouvelle doctrine
Le cas concret de la société cité par la DGI révèle avec acuité la cascade de conséquences découlant de la nouvelle interprétation. La forclusion immédiate du droit à déduction constitue le premier choc : la TVA payée en août de l’année N devient irrécupérable après le 31 juillet N+1, invalidant rétroactivement toute déduction ultérieure. Une nullité qui déclenche mécaniquement une injonction administrative, matérialisée par des lettres de rappel émanant de la Direction régionale des impôts (DRI) sur le fondement de l’article 221-bis-I du CGI.

L’administration exige alors le dépôt d’une déclaration rectificative pour annuler la déduction indûment prise en août N+1, qualifiant cette erreur de «matérielle» au sens fiscal. Malgré une argumentation solide de la société s’appuyant sur l’ancienne doctrine de «l’expiration du mois» – selon laquelle le délai courait jusqu’au 31 août N+1 –, la Direction de l’étude de la législation et du recouvrement (DELR) des impôts oppose une fin de non-recevoir catégorique.

Dans un avis sans ambiguïté, elle rappelle que «le délai d’une année commence à courir à compter du mois du paiement de la TVA ouvrant droit à déduction», explicitant que «la TVA payée le 1er août de l’année N peut être déduite jusqu’au 31 juillet N+1». Un rejet ferme qui scelle définitivement la perte du droit à récupération. L’ultime sanction réside dans l’application inéluctable de l’article 204-II du CGI.

Lorsque la société propose, pour limiter les pertes, de reporter la déduction sur une déclaration antérieure, cette régularisation tardive déclenche automatiquement une pénalité de 15% sur le crédit de taxe rectifié. La DELR confirme cette rigueur procédurale en subordonnant explicitement le bénéfice de la rectification à «l’application de la sanction prévue à l’article 204-II», transformant ainsi toute tentative de régularisation en un calcul financier à somme nulle pour le contribuable.

Les enseignements à tirer : vigilance et adaptation
Le courrier de la DGI et l’analyse du litige associé révèlent plusieurs points fondamentaux pour les entreprises.

Le premier enseignement à tirer est le strict respect du délai réduit. La notion «dans le mois» raccourcit concrètement la fenêtre de récupération.

La TVA payée dans un mois donné (M) doit impérativement être déduite dans une déclaration relative à une période (mois ou trimestre) se terminant au plus tard le dernier jour du même mois de l’année suivante (M+12). La déduction ne peut plus attendre la déclaration du mois anniversaire du paiement (M+12) si celle-ci est déposée début M+13.

Le deuxième enseignement à tirer est l’impossibilité de contourner la forclusion par simple rectification. L’administration admet théoriquement la possibilité de rectifications symétriques pour corriger des erreurs (comme une déduction oubliée puis reportée hors délai).

Cependant, la DELR souligne qu’en cas d’erreur au détriment du contribuable (comme une déduction tardive), la régularisation ne peut se faire que sous contrainte (contentieux ou procédure de rectification initiée par l’administration) et entraîne systématiquement la pénalité de 15% si la rectification est tardive. La rectification ne restaure pas le droit perdu par forclusion ; elle ne fait que corriger l’erreur comptable en appliquant la sanction.

Le troisième enseignement à tirer est le coût élevé du non-respect. La pénalité de 15% sur le crédit TVA concerné représente un coût financier direct et significatif, en plus des droits principaux non récupérés si la déduction est purement et simplement rejetée.

Le quatrième et dernier enseignement à tirer est la nécessité d’une comptabilité rigoureuse et proactive. Le suivi méticuleux des dates de paiement effectif de la TVA (date de débit bancaire pour les chèques) et l’imputation immédiate dans le délai légal raccourci deviennent impératifs. Les systèmes de gestion doivent intégrer cette nouvelle temporalité.

Pas de place à l’ambiguïté

En définitive, le courrier de la DGI du 23 juin 2023 ne laisse place à aucune ambiguïté. L’interprétation «dans le mois» pour le démarrage du délai d’un an de récupération de la TVA est désormais la règle absolue. Comme le souligne un professionnel du chiffre, il s’agit d’une «évolution à bien intégrer dans vos pratiques pour éviter toute remise en cause du droit à déduction».

Le cas pratique détaillé par la DGI démontre avec force les conséquences financières lourdes du non-respect de ce délai strict et la rigueur de l’administration sur l’application de la pénalité de 15% lors des régularisations tardives.

Pour les entreprises marocaines, la vigilance dans la gestion des crédits TVA et le respect scrupuleux de cette temporalité contractée ne sont plus une option, mais une nécessité économique vitale.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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