Maroc

Déchets ménagers : beaucoup reste à faire sur le tri sélectif

Les communes et les sociétés délégataires s’appuient sur une loi inadaptée, en l’occurrence la loi 28.00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination, pour bloquer tout projet de tri sélectif des déchets ménagers. Pourtant, des expériences réussies existent. 

Décidément, le Royaume risque encore d’accuser du retard, beaucoup de retard, pour entrer de plain-pied dans l’économie circulaire. «Même le tri sélectif, qui est le b.a.-ba de l’économie circulaire, nous ne sommes pas capables de l’instituer dans notre pays», s’insurge Abderrahim Ksiri, coordonnateur de l’Alliance marocaine pour le changement climatique et le développement durable (AMCDD). Pourquoi ? Parce que les communes et les sociétés délégataires s’appuient sur une loi inadaptée pour bloquer tout projet allant dans ce sens. Il s’agit de la loi 28.00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination.

Ce texte ne parle pas de traitement et de valorisation des déchets, mais plutôt de leur gestion et élimination. Dès lors, les communes s’y réfèrent pour interdire toute forme de tri des déchets ménagers, d’autant que leur gestion (ramassage et enfouissement) est attribuée à des tiers, notamment les sociétés de gestion déléguée telles que Géocycle Maroc à Casablanca, Pizzorno Maroc à Rabat-Salé-Kenitra, Arma, Mecomar à Tanger-Tétouan-Al Hoceima… Ces sociétés vont dans le même sens que les communes, estimant qu’en autorisant le tri sélectif des déchets, on diminue leur tonnage sur lequel elles sont payées et ce, conformément aux contrats qu’elles ont signés avec les attributaires des marchés de gestion des déchets. Autrement dit, la loi, les communes et les sociétés privées chargées de la gestion des déchets sont toutes contre le tri sélectif. Pourtant, le principe en est apparemment bien accepté et intégré par les Marocains.

En effet, les projets pilotes conduits dans plusieurs villes par l’Association des enseignants des sciences de la vie et de la terre (AESVT), avec l’appui de la coopération internationale, ont tous brillamment réussi.

Expérience réussie
Présentation du mode opératoire : «Partant du principe que les Marocains ne mélangent jamais le pain sec avec leurs autres déchets, nous avons commencé par installer des bacs dédiés à la collecte du pain. Nous nous sommes ainsi retrouvés avec des montagnes de pain sans moisissures à collecter dans des quartiers fermés. Une fois ces pains revendus, la recette était reversée aux concierges et gardiens des quartiers concernés», détaille Ksiri. Lorsque ceux-ci ont compris qu’ils pouvaient gagner quelque 100 dirhams par jour grâce à la bonne gestion de ce projet, le coordonnateur de l’Alliance marocaine pour le changement climatique et le développement durable explique qu’ils se sont tous mobilisés avec le soutien des habitants.

«Les Marocains des quartiers que nous avions ciblés n’avaient pas la fibre environnementale comme en Europe, mais ils étaient disposés, plutôt, à faire du tri sélectif pour aider le gardien. Il s’agissait donc d’une fibre sociale, mais ceci étant, notre projet était en marche», ajoute notre interlocuteur. C’est ainsi que l’Alliance a pu étendre l’expérience au papier et au plastique. «Les syndics se sont appropriés le projet, et bon nombre d’entre eux parviennent, encore aujourd’hui, à payer leurs factures d’eau et d’électricité grâce à la revente des déchets», explique Ksiri.

Changer la loi… vite !
Que faire alors pour changer les choses ? «Il faut changer la loi 28.00», répond tout de go Ksiri, qui ajoute que l’AESVT a travaillé avec des experts sur un projet de réforme de cette loi sur les déchets ménagers en une loi sur l’économie circulaire. Le travail a été par la suite présenté au ministère à travers des ateliers organisés en 2019 à Fès. Depuis le chantier est ouvert et rien n’a été fait à ce jour. Pourtant, la valorisation des déchets ménagers et celle des eaux usées figurent en bonne place dans la CDN du Maroc. Ces deux filières de l’économie circulaire devront contribuer à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Royaume de 7,6% à l’horizon 2030.

Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO


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