Maroc

Décarbonation. Mohamed Taha El Ouaryachi : “L’énergie des vagues offre un facteur de charge supérieur à celui du solaire”

Mohamed Taha El Ouaryachi
Directeur général et cofondateur de la startup Atarec

Longtemps cantonnée à la composante R&D, l’énergie houlomotrice refait surface dans les débats sur la transition énergétique. Mohamed Taha El Ouaryachi, directeur général et cofondateur de la startup Atarec, défend une approche pragmatique, centrée sur l’intégration des dispositifs à des infrastructures existantes. Il détaille ici les enjeux de stabilité, les cas d’usage prioritaires et les objectifs de déploiement à moyen long-terme.

L’énergie houlomotrice est-elle une technologie mature ou reste-t-elle à l’état expérimental ?
Il s’agit d’un secteur encore jeune. Sur environ 700 brevets déposés dans le monde, seuls 5% à 10% ont franchi le cap du prototype. La commercialisation reste très limitée car il s’agit d’une technologie exigeante, à la fois en termes de fiabilité et d’intégration au réseau. Notre ambition chez Atarec est justement d’apporter une réponse technique qui soit à la fois efficiente et commercialisable.

Comment présentez-vous Atarec et votre démarche dans ce secteur, pour le coup, encore émergent ?
Atarec est une startup spécialisée dans l’énergie marine. Nous accompagnons nos partenaires dans leur processus de décarbonation, en mettant la priorité sur les solutions issues de l’environnement maritime. Depuis notre création en 2020, nous avons franchi plusieurs étapes, en R&D comme en démonstration. Le défi principal reste le financement et la mobilisation des parties prenantes. Nous avançons progressivement pour garantir une technologie solide et adaptée aux usages réels.

Où en est votre projet pilote avec Tanger Med ?
Tanger Med est le premier partenaire stratégique à nous avoir soutenus concrètement, en mettant à disposition les moyens opérationnels nécessaires. Nous avons validé un démonstrateur de 5.000 watts, qui a permis de produire une énergie stable à partir de la houle. Cette unité est la première du genre en Afrique. Elle produit une énergie directement injectable sur le réseau, avec un système de lissage qui permet d’épouser les exigences de stabilité du courant.

Votre technologie se distingue donc à la fois par la captation et par la qualité de l’injection ?
Exactement ! La houle est une ressource variable, mais régulière. Notre technologie permet de la lisser pour obtenir une sortie électrique compatible avec les standards du réseau. Cette capacité de stabilisation est, d’ailleurs, au cœur de notre solution.

Quels sont les autres cas d’usage identifiés au Maroc ?
Nous en identifions trois. Le premier, ce sont les ports, à l’image de Tanger Med. Le second, c’est le dessalement de l’eau de mer, qui est un processus très énergivore. Le troisième, c’est l’hydrogène vert. Dans chacun de ces cas, l’enjeu est le même, à savoir fournir une énergie propre, issue de la mer, pour réduire les coûts et renforcer l’autonomie énergétique des infrastructures.

Pourquoi le dessalement constitue-t-il un bon terrain d’application ?
Parce qu’il s’appuie sur des structures déjà exposées à la mer, comme des stations ou des digues, qui peuvent intégrer nos dispositifs. Ces infrastructures peuvent ainsi devenir partiellement autosuffisantes en énergie. C’est d’autant plus pertinent que le Maroc fait du dessalement un axe stratégique, avec une volonté claire de souveraineté technologique dans ce domaine.

Quid de l’hydrogène vert ?
C’est un secteur clé pour le Royaume, lequel investit massivement dans les électrolyseurs. Si l’on arrive à diversifier les sources d’alimentation électrique, en ajoutant à l’éolien et au solaire une ressource continue comme la houle, on prolonge le temps de fonctionnement des équipements et on optimise les investissements. Cela permet d’améliorer la rentabilité et de renforcer la compétitivité du secteur.

Peut-on installer vos dispositifs partout ou faut-il des infrastructures particulières ?
Notre technologie nécessite un support vertical. Elle est conçue pour s’adosser à des digues, des jetées ou des plateformes. Cela dit, nous développons aussi des versions autonomes, capables de fonctionner indépendamment, mais elles demandent encore à gagner en maturité technologique. À terme, deux modèles coexisteront, l’un intégré à des infrastructures existantes, l’autre totalement autonome.

Peut-on estimer la part que pourrait représenter l’énergie houlomotrice dans le mix énergétique national ?
La question est complexe. Chaque site a ses spécificités. Il y a des zones très ventées, d’autres très ensoleillées, et certaines où seule la houle est exploitable. Mais ce qui est certain, c’est que l’énergie des vagues est la plus stable des sources renouvelables. Elle peut permettre un gain d’autonomie d’un facteur deux à quatre selon les cas.

Le Maroc dispose d’un potentiel estimé à 80 GW en énergie houlomotrice, soit huit fois la capacité installée actuelle, tous secteurs confondus. Si nous parvenons à en exploiter ne serait-ce que 10%, cela représenterait déjà 8 GW. C’est considérable.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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