Maroc

David Khayat : “La collaboration entre les pays africains et les autres pays du Sud est malheureusement insuffisante”

David Khayat
Professeur de cancérologie, ancien président de l’Institut national du cancer en France et ancien conseiller de Jacques Chirac

Le Global Health Diplomacy Symposium, qui s’est tenu les 4 et 5 septembre à Casablanca, a atteint ses objectifs. Il a permis de tracer la voie vers un modèle africain de gouvernance sanitaire.

Comment évaluez-vous le niveau actuel de collaboration entre les pays africains et les autres pays du Sud en matière de réduction des risques ?
La coopération est malheureusement très insuffisante. En fait, nous assistons au début de quelque chose avec cet événement d’aujourd’hui. C’est important parce que la pertinence des modèles occidentaux des pays développés n’est peut-être pas aussi évidente que nous pouvons le penser. Il faut développer des modèles de réduction des risques et de prévention des grandes maladies appelées maladies non transmissibles.

Il faut développer des modèles de prévention qui soient adaptés et propres aux pays du Sud. C’est pour ça que toutes les expériences qui peuvent avoir lieu ici ou là vont permettre de montrer quels sont les systèmes qui fonctionnent et ceux qui ne fonctionnent pas. Partager cette information entre tous les pays qui font face aux mêmes risques et qui ont les mêmes modes de vie est quelque chose de fondamentalement important.

Quels enseignements peut-on tirer des initiatives régionales dans les pays du Sud ?
Pour l’instant, elles sont encore une fois, comme je l’ai dit, à leurs débuts. Nous n’avons donc pas encore de résultat. Cependant, nous voyons un certain nombre de pays qui se lancent dans des stratégies de réduction des risques. Je crois que c’est important de rappeler à vos auditeurs ce que cela veut dire : la plupart des maladies, 80% à peu près de celles responsables de la mortalité aujourd’hui dans le monde, sont ce que nous appelons les maladies non communicables.

Or, ces maladies, cardiovasculaires, cancer, diabète, etc. sont dues à notre mode de vie. Il s’agit de ce que nous mangeons, fumons… Restons-nous sous le soleil, exerçons-nous une activité physique ? Il est donc très important de modifier ces comportements, sauf que c’est très difficile. Un fumeur peut difficilement arrêter. De même, quelqu’un qui mange beaucoup aura du mal à manger moins. L’idée de la réduction des risques, c’est de dire, d’accord, on accepte que vous ayez besoin de nicotine, on va vous la donner, mais pas avec du tabac.

De cette manière, il n’y aura pas de risque de cancer. Idem, nous comprenons que vous vouliez manger, mais nous allons vous donner du GLP1 (hormone intestinale, ndlr) pour ne pas grossir, pour ne pas avoir d’obésité, et donc éviter toutes ses conséquences. C’est ça la réduction des risques, c’est accepter, d’une certaine manière, un peu de ces mauvais comportements, mais ensuite essayer de les modifier, notamment grâce aux innovations technologiques, pour aider les gens à ne pas subir leurs conséquences.

Comment la coopération Sud-Sud peut-elle accélérer l’adoption de stratégies de réduction des risques ?
Au fur et à mesure que tous ces pays du Sud vont tester des stratégies, nous verrons émerger des modèles qui marchent et, à ce moment-là, nous pourrons partager cette information et en faire une forme de leadership, de modèle pour que les autres pays fassent à peu près la même chose et profitent de cette expérience et des résultats.

Quels sont les principaux défis à relever pour élaborer une approche régionale unifiée de la réduction des risques liés au tabac ?
Le premier défi, c’est la prise de conscience. Parce que nous avons une tradition, dans les pays du Sud, de parler d’une mortalité liée aux maladies infectieuses, à la malnutrition, etc. Or, ce qui nous menace, nous dans le Sud, je m’inclus dedans, c’est aujourd’hui, et demain surtout, les maladies non infectieuses, non communicables, qui, elles, sont dues à nos modes de vie, et sur lesquelles il est beaucoup plus difficile de travailler. Les maladies infectieuses, vaccination des enfants, l’eau potable au robinet, les égouts pour enlever les déchets, les antibiotiques. Globalement, nous avons réglé le problème des maladies infectieuses.

Par contre, régler le problème des maladies chroniques, c’est autrement plus difficile. Ce sont là les vrais défis : c’est la prise de conscience que ce qui a été le credo de tous nos gouvernements, de tous nos pays pendant 20, 30 ans, qui relevait de la lutte contre les maladies infectieuses, a changé. Et maintenant, il faut lutter contre les maladies non infectieuses. Cela nécessite que nous changions les modèles de santé publique et même les modes de prise en charge des malades. Les systèmes actuels ne sont plus vraiment adaptés à ce qui est la vraie menace de demain.

Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ÉCO



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