Maroc

«Dans une famille, il faut faire attention à ce qu’on dit devant les enfants»

Dénis Ménochet, Comédien

Denis Ménochet fait partie de ces acteurs charismatiques qui peuvent tout jouer. Dans «Jusqu’à la garde» de Xavier Legrand qui rafle le Lion d’argent à la Mostra de Venise, le plus tarentinesque des comédiens français joue le rôle d’un pervers narcissique qui tente d’avoir la garde de son enfant. Face-à-face avec un comédien troublant.

Dès la première scène du film, la tension est palpable même si l’on veut croire en la bonne foi de ce père qui veut absolument rester dans la vie de ses enfants. La plus grande a bientôt 18 ans et sera émancipée, le petit Julien a 12 ans et les problèmes commencent là. Antoine Besson campé par Denis Ménochet tente d’avoir la garde de son enfant alors que son épouse jouée par Léa Drucker l’accuse de violences conjugales et demande la garde exclusive. «Jusqu’à la garde» a beaucoup touché et a raflé le Lion d’argent.

L’acteur qui a le mauvais rôle est à la fois effrayant et presque touchant des fois dans la peau de ce père violent. «On ne peut jamais juger un personnage ! On peut avoir de l’empathie, peut être, pas de la compassion. En France, il y a beaucoup de débats et de témoignages sur les pervers narcissiques. J’ai travaillé le personnage comme cela, à travers ces témoignages de femmes et là il y a comme un profil qui se dessine, qui se dégage de cela», confie le comédien qui avoue avoir beaucoup observé les gens dans la rue pour ce rôle : «Ce sont des hommes qui sont adorables en public, qui font rire, qu’on ne soupçonne pas de battre leurs femmes, d’être violents, de les vampiriser jusqu’à ce qu’elles soient soumises et détruites». Le comédien mène la danse dans le film face à une Léa Drucker terrorisée mais qui reste courageuse. «Je me place émotionnellement dans le récit ! Xavier nous a expliqué la genèse de cette famille. En se mettant à la place d’Antoine Besson, j’ai compris. Il ne peut pas perdre, c’est maladif. Un narcissique dans le côté vindicatif du terme». Un personnage que le comédien avoue avoir traîné même après le tournage.

Cette colère et cette violence se manifestaient lorsqu’on le bousculait dans la rue par exemple : «Il faut respirer, faire attention à cela. Ça ouvre des choses en soi». Dans «Jusqu’à la garde», le comédien a beaucoup de scènes avec le jeune Thomas Giora, véritable révélation du film. Le petit rappelle d’ailleurs un certain Benoît Magimel dans les rivières pourpres. «C’est génial de jouer avec des enfants. Les enfants vous forcent à être dans le moment. C’est le mieux pour jouer. On s’appuie sur tout ce qui se passe. Et jouer avec un comédien comme Thomas Giora, c’est un cadeau», confie Denis Ménochet qui avoue que les scènes de violence avec l’enfant ont été difficiles à jouer. C’est dire si Denis Ménochet joue avec ses tripes. On se souvient tous de cette magnifique scène de «Inglorious Basterds» de Tarentino où l’acteur français joue ce berger qui cache des juifs. «J’ai beaucoup de chance. Le fait de faire le Tarentino m’a donné accès à certains choix. Je ne pense pas bon acteur, je m’adapte à des univers différents et je vois si cela colle», continue celui qui joue un alcoolique dans «Le Skylab», un commando dans «Forces spéciales» et un amoureux impulsif dans «Les adoptés» où il est touchant à souhait. Une seconde peau pour celui qui a passé son enfance à voyager et dont le cinéma représentait une façon de comprendre les autres. Il se retrouve comédien par hasard grâce à plusieurs belles rencontres.

Bilingue, il peut jouer en France comme à l’international, sans accent et c’est important pour lui : «Mon âme est française, ma respiration est française, si je me coupe un doigt, je cirerai en français ! Mais je refuse de prendre un accent français quand on me le demande, je ne trouve pas ça moderne», assume le comédien polyvalent qui a besoin de comprendre l’histoire de son personnage pour mieux le faire vivre. Dans «Jusqu’à la garde !», il en donne même les frissons. Une très belle performance d’un acteur bien dans ses pompes qui donne beaucoup d’intensité à ses personnages. «Dans une famille, il faut faire attention à ce qu’on dit devant les enfants», avant d’ajouter : «Si les hommes se rendent compte qu’ils ont un problème, il faut qu’ils se fassent aider». Une belle leçon de cinéma sublimée par une belle leçon d’humanité.



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