Maroc

Contrats d’insertion ANAPEC : de nouvelles réformes fiscales et sociales

La Loi de Finances 2025 met à jour les contrats d’insertion ANAPEC. L’on observe ainsi une durée variable et des exonérations IR étendues pour les diplômés. Cependant, il est à déplorer un flou juridique pour les non-diplômés. Décryptage.

La récente mise à jour des Contrats d’insertion ANAPEC, impulsée par la Loi de Finances 2025 et les amendements du Code général des impôts (CGI), révèle des disparités significatives entre les dispositifs destinés aux diplômés et ceux réservés aux non-diplômés.

Ces ajustements, bien que visant à simplifier l’insertion professionnelle, soulèvent des enjeux fiscaux, sociaux et réglementaires distincts selon le profil des bénéficiaires. À travers une analyse comparative, décryptons les implications de ces réformes pour les deux populations.

Durée des contrats et indemnités
Les diplômés bénéficient d’un contrat d’insertion pouvant s’étendre sur 24 mois maximum, avec une exonération totale de l’IR pendant les 12 premiers mois (plafonnée à 6.000 DH/mois). En cas de salaire net imposable annuel inférieur à 40.000 DH, l’exonération IR se prolonge sur les 12 mois suivants. Une flexibilité qui répond à un objectif clair : favoriser une transition progressive vers l’emploi stable, notamment via un CDI.

Pour les non-diplômés, le contrat est limité à 12 mois, avec une indemnité mensuelle strictement encadrée entre 1.600 et 6.000 DH. Bien que l’exonération IR soit maintenue, les autres avantages (CNSS, TFP, AMO) restent conditionnés à l’amendement de la loi 16-93.

Ainsi, pour les non-diplômés, la mise en œuvre effective des dispositifs sociaux est suspendue à la révision législative. Une incertitude réglementaire qui pourrait retarder leur intégration socio-professionnelle. Disons que la différence de durée reflète une logique économique duale : les diplômés, perçus comme ayant un potentiel productif immédiat, bénéficient d’une période d’adaptation plus longue. Les non-diplômés, en revanche, font face à un cadre plus rigide, accentuant les risques de précarité.

Exonérations CNSS/TFP
La distinction entre diplômés et non-diplômés concernant les exonérations CNSS (cotisations à la Caisse nationale de sécurité sociale) et TFP (Taxe de formation professionnelle) illustre une fracture juridique et économique majeure, révélatrice des lacunes du cadre législatif.

Pour les diplômés, les exonérations des cotisations patronales et salariales (CNSS et TFP) sont pleinement applicables, conformément aux dispositions en vigueur.

Concrètement, cela signifie une réduction directe du coût du travail et une incitation à l’embauche durable. Des exonérations, couplées à l’exonération IR, qui rendent le recrutement de diplômés financièrement attractif, surtout dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre qualifiée (IT, ingénierie). Disons que le dispositif crée un effet de levier. En réduisant le coût marginal du travail, il encourage les entreprises à opter pour des profils diplômés, perçus comme un investissement à moyen terme.

Non-diplômés : un régime provisoire source d’insécurité juridique
Pour les non-diplômés, le maintien des exonérations CNSS/TFP est conditionné à l’amendement de la loi 16-93, toujours en suspens. Une situation qui génère des risques majeurs : une incertitude légale pour les employeurs, et un frein à l’inclusion des populations vulnérables.

En effet, les employeurs ignorent si les exonérations actuelles seront maintenues, modifiées ou supprimées après l’amendement. Une incertitude qui pourrait dissuader les recrutements, notamment dans les PME, où la prévisibilité des coûts est cruciale.

En cas de modification rétroactive de la loi, les entreprises pourraient être redevables des cotisations non versées, grevant leur trésorerie. Les non-diplômés, souvent issus de milieux ruraux ou de l’économie informelle, sont majoritairement employés dans des secteurs à faible valeur ajoutée (BTP, agriculture, services non qualifiés).

Le flou juridique actuel pourrait décourager les formalisations. Les employeurs pourraient être tentés de préférer un recours à des contrats informels pour éviter les engagements sociaux. Sans exonérations CNSS/TFP sécurisées, les non-diplômés restent exclus de la couverture maladie (AMO) et des droits à la retraite. Comme le souligne un analyste, «ce statut quo crée une zone grise où les non-diplômés sont doublement pénalisés : par leur absence de diplôme et par un système qui tarde à leur offrir des garanties».

Conséquences macroéconomiques
Ce clivage réglementaire aggrave les déséquilibres du marché du travail marocain. Les diplômés bénéficient d’un «package» complet (exonérations, CDI facilité, protection sociale), tandis que les non-diplômés restent cantonnés à des emplois précaires. Impact sur la productivité : les secteurs employant majoritairement des non-diplômés (exemple l’agriculture) voient leur modernisation ralentie par le manque d’incitations à la formalisation. A cela s’ajoute un coût social latent.

L’absence de couverture CNSS pour les non-diplômés reporte sur l’État le fardeau des dépenses de santé et de lutte contre la pauvreté. Ainsi, l’enjeu n’est pas seulement fiscal, mais systémique.

En effet, intégrer les non-diplômés dans le circuit formel est un impératif pour une croissance inclusive. Le traitement différencié des exonérations CNSS/TFP entre diplômés et non-diplômés reflète une réalité plus large : celle d’un marché du travail marocain encore segmenté par le niveau de qualification.

Si les diplômés sont clairement identifiés comme des acteurs clés de la valeur ajoutée nationale, les non-diplômés paient le prix d’un cadre législatif inachevé. Combler ce fossé nécessite une volonté politique affirmée, alignée sur les impératifs de justice sociale et de compétitivité économique.

Exonérations de l’IR : Un levier fiscal à double tranchant entre diplômés et non-diplômés
Le traitement différencié de l’exonération de l’Impôt sur le revenu (IR) entre diplômés et non-diplômés dans le cadre des Contrats d’insertion ANAPEC révèle aussi des inégalités structurelles. Ce dispositif, bien qu’efficace pour stimuler l’emploi qualifié, accentue les déséquilibres sur un marché du travail déjà fragmenté.

En cas de recrutement en CDI, les diplômés bénéficient d’une exonération IR de 24 mois supplémentaires, plafonnée à 10.000 DH de salaire brut mensuel. Concrètement, cela constitue un avantage pour l’employeur. Le maintien de l’exonération réduit le coût total de l’emploi, rendant le CDI financièrement viable même dans des secteurs à marges serrées. Exemple dans les secteurs des services, ou encore celui de la logistique.

Sur le volet de l’impact sur le marché de l’emploi qualifié, les entreprises seront incitées à convertir les stagiaires diplômés en CDI pour prolonger les avantages fiscaux, réduisant ainsi le turnover. Les secteurs technologiques (TIC, énergies renouvelables) et industriels, gourmands en main-d’œuvre qualifiée, ont tout intérêt à profiter de ce dispositif.

Non-diplômés : une exonération IR minée par l’insécurité sociale
Si les non-diplômés sont exonérés d’IR sur leur indemnité de stage (plafonnée à 6.000 DH/mois), cet avantage est neutralisé par l’absence d’autres garanties. L’amendement non finalisé de la loi 16-93 laisse les employeurs dans l’incertitude quant aux cotisations sociales, augmentant le risque juridique.

La prise en charge sanitaire par l’État, cruciale pour les travailleurs précaires, reste conditionnelle, réduisant l’attractivité des contrats.

Ainsi, l’exonération IR prolongée pour les diplômés en CDI, bien qu’efficace pour stimuler l’emploi qualifié, agit comme un miroir grossissant des inégalités structurelles. Les non-diplômés, exclus des mécanismes de protection sociale et tributaires de réformes en suspens, voient leur précarité s’ancrer dans le temps.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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