Maroc

Conseil national de la presse : Cherche médiateurs désespérément

L’agence Maghreb arabe presse (MAP) et une partie de ses journalistes se sont positionnés, dès le départ, contre l’actuel processus de constitution du Conseil national de la presse (CNP). Retour sur les raisons d’un désaccord professionnel transformé en litige judiciaire.

C’est un fait rare dans le paysage médiatique marocain! La MAP, connue pour la discrétion de sa communication institutionnelle, fait parler d’elle. L’agence est au cœur d’une polémique avec le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM). Les deux parties s’affrontent à coup de communiqués virulents. À l’origine de ce désaccord, la constitution du CNP. «Ce processus est illégal», accusent des journalistes de la MAP. Dans ce bras de fer, la justice aura son mot à dire. Déjà, le 26 juillet dernier, le Tribunal administratif de Rabat a rendu son premier verdict à propos d’un recours de journalistes de l’agence «pour contester les résultats des élections CNP. Cette plainte repose notamment sur le fait que ces élections sont illégales en raison de nombreuses violations commises, rendant le processus de vote subjectif», peut-on lire dans la dépêche MAP du 21 juin relayant cette information. La justice administrative s’est déclarée «non compétente» pour statuer sur ce litige et a renvoyé l’affaire en civil.

Crise des intermédiaires
«Nous émettons trois principaux griefs sur ce processus», nous explique une source à la direction de la MAP. Le premier concerne l’impossibilité, pour les correspondants de la MAP à l’étranger, de voter. «Il s’agit de 70 journalistes qui n’ont pas eu la possibilité de voter car ils ne pourront pas faire le déplacement au Maroc. Un tiers des journalistes de la MAP travaille à l’étranger», précise cette source autorisée. Le deuxième grief porte sur le choix de la «Carte de presse de 2017» comme critère de vote aux élections du 22 juin. «Ce choix est incompréhensible. En mars 2018, la commission chargée de la délivrance des cartes avait déjà clôturé ses travaux. Donc la Commission de supervision des élections du CNP pouvait bien adopter la carte de 2018 comme critère de vote. Ce qu’elle n’a pas fait pour des raisons inexpliquées». Le troisième grief «est l’exclusion pure et simple de la MAP de la Commission de supervision des élections. Pourtant, tous les secteurs des médias étaient présents, sauf la MAP». Avant le lancement de la campagne électorale, la MAP a transmis ses remarques au président de la Commission de supervision des élections. «Nos doléances sont restées lettre morte», regrette notre source à la direction de la MAP. Depuis les élections du 22 juin, ce processus a connu un enlisement sans précédent. Une crise amplifiée par la démission du 8e éditeur membre du CNP le 21 juillet et le gel de la participation des éditeurs à cette instance (Cf Les ÉCO du 23 juin 2018). «Ces décisions nous confortent dans nos choix de départ. Nous ne nous réjouissons nullement de la situation actuelle, mais les collègues se rendent compte, après coup, que les remarques émises par la MAP étaient judicieuses», affirme ce responsable de la MAP. La MAP, comme un certain nombre de journalistes, avait dès le début de ce processus ouvertement critiqué le mode de scrutin de liste. «L’identification du statut d’électeur était en totale contradiction avec la loi en vigueur du CNP, et la Commission a défini un mode de scrutin dit de liste fermée qui ne reflète aucunement la volonté des électeurs, en plus d’écarter de manière flagrante les journalistes accrédités à l’étranger et d’adopter un modèle de vote hybride», dénonçait la MAP dans un précédent communiqué. La situation actuelle, marquée par un enlisement caractérisé par les recours judiciaires, des guerres intestines au sein du Syndicat national de la presse marocaine et le silence de la Commission de supervision, pose la question de l’absence d’instance d’intermédiation crédible au sein de la profession journalistique et, globalement, dans le champ des médias au Maroc pour dénouer un dossier devenu inextricable. «Pour notre part, nous sommes favorables à marquer une pause dans ce processus de constitution du CNP. Pour partir sur des bases saines et pouvoir rectifier le tir, il est nécessaire d’ouvrir un dialogue serein entre les composantes de la profession sur ce processus», appelle la source de la MAP. Et d’ajouter: «Ce débat est en train de ternir l’image de la profession. Nous envoyons des messages peu rassurants sur la profession aux autres collègues comme à l’environnement extérieur». Jamal Mouhafid, ex-directeur de l’information à la MAP et observateur avisé du champ médiatique, est amer: «l’enjeu électoral a pris le dessus sur le débat de fond et la capacité d’agir pour le bien des médias au Maroc». 


MAP-SNPM: Petite histoire d’une relation houleuse

La tension entre l’agence et le syndicat de la presse est à son comble. Pourtant, les deux institutions étaient des partenaires historiques. «Le SNPM est présent au Conseil d’administration de la MAP depuis 1998. Certes, les représentants du syndicat avaient un rôle consultatif, mais cette présence montre le poids du syndicat au sein de l’agence officielle», rappelle Jamal Mouhafid, retraité de la MAP et auteur du livre «Les journalistes marocains et le travail syndical dans les métiers de l’information». Mouhafid a d’ailleurs été dirigeant syndical à la MAP et au SNPM avant de démissionner en 2009. «Le SNPM avait un poids significatif au sein de la MAP. Les relations avec la direction se sont détériorées les dernières années», déplore Mouhafid. En juin 2015, cette tension était à son comble suite à la suspension, par la direction, de Fatima Hassani, journaliste à la MAP, membre du bureau exécutif du SNPM. Aujourd’hui, Hassani est la cheffe de file du mouvement de frondeurs, face à ses camarades, le duo Bekkali-Moujahid, respectivement président et secrétaire général du SNPM.


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