Maroc

Conjoncture : la croissance peine à décoller

La publication des comptes nationaux pour le 2e trimestre met en lumière un ralentissement de la croissance économique, marquée par une demande intérieure toujours sous tension et des performances sectorielles inégales.

Prise en tenaille entre la persistance des poussées inflationnistes et la sous-performance d’un secteur agricole affecté par des épisodes de sécheresse répétitifs, l’économie nationale voit planer une incertitude sur sa capacité à stimuler la croissance. La dernière note d’information émise par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) au sujet de la situation économique nationale relative au deuxième trimestre 2024 confirme le phénomène de contraction de l’économie réelle.

D’après le HCP, celle-ci affiche un ralentissement à 2,4% à la fin T2 – 2024, marquant un léger recul de 0,1% par rapport à l’année écoulée.

«Ce repli est essentiellement dû à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat des ménages», confie Oussama Ouasssini, expert en intelligence économique et en supply chain.

En effet, selon les dernières données du HCP, l’économie nationale a enregistré une croissance de 2,4%, contre 2,5% à la même période de l’année précédente.

Reprise fragile
L’agriculture, moteur de l’économie, a particulièrement souffert, affichant une contraction de 4,5% après une hausse de 1,5% en 2023. Ce recul s’explique principalement par les conditions climatiques défavorables qui ont affecté les récoltes, impacté, notamment par des épisodes récurrents de stress hydrique aigu, ces dernières années. La pêche, quant à elle, a subi une baisse drastique de 14,7%, amplifiant ainsi la fragilité du secteur primaire qui, dans son ensemble, a vu sa valeur ajoutée reculer de 5%.

Dans le secteur secondaire, la situation est plus contrastée. L’industrie extractive affiche une embellie notable de 23,6%, après une baisse de 9,6% par rapport à il y a un an. Ce rebond s’explique, notamment, par une augmentation de la demande mondiale pour certains produits miniers. De même, le bâtiment et les travaux publics ont progressé de 3,6% (contre une dépréciation de 2,4% un an plus tôt), sous l’effet du processus de reconstruction en cours dans la province d’Al Houaz et des perspectives prometteuses qui ont accompagné l’annonce de l’organisation du Mondial 2030. Les industries de transformation ont également connu une amélioration, avec une croissance de 2,9% après une baisse de 1,6% l’année précédente.

Cependant, le sous-secteur de l’électricité et de l’eau a enregistré une baisse de 6,3%, confirmant la volatilité de ce domaine clé pour l’économie. Le secteur tertiaire, affiche pour sa part un ralentissement, avec une progression de 3,1%, contre 5% au même trimestre de l’année écoulée.

Certaines activités ont particulièrement pâti de la baisse du pouvoir d’achat, à l’image de l’hébergement et de la restauration, qui ont connu une appréciation de 9,3%, bien en deçà des 32,8% enregistrés une année auparavant.

Les services financiers et les assurances ont également vu leur croissance ralentir, passant de 3,1% à 0,9%, de même que le secteur de l’information et de la communication, avec une progression de seulement 0,5% contre 4,2% en 2023. Ce ralentissement général reflète la difficulté du secteur des services à retrouver son dynamisme d’avant la pandémie.

Une demande intérieure sous pression
La demande intérieure a certes progressé de 5%, contre une hausse marginale de 0,1% en 2023, mais cette embellie reste fragile. Les dépenses de consommation finale des ménages ont augmenté de 3,1%, contre 0,6% l’année précédente, tandis que la consommation des administrations publiques a affiché un ralentissement, passant de 4,9% à 3,8%. Quant à l’investissement brut, il a bondi de 8,9%, après une chute de 4,2% en 2023.

Toutefois, cette reprise ne suffit pas à compenser la contribution négative des échanges extérieurs. En effet, les importations de biens et services ont progressé de 12,9%, contre une hausse modeste de 0,2% l’année précédente, pesant lourdement sur la balance commerciale avec une contribution négative de 6,3 points à la croissance.

À l’inverse, les exportations ont affiché une progression plus modeste de 7,8%, contre 5,5% en 2023, avec une contribution positive de 3,4 points, en hausse par rapport aux 2,6 points de l’année précédente. Cette situation continue de creuser le déficit commercial, amplifiant les difficultés de l’économie marocaine à retrouver un équilibre solide.

Inflation maîtrisée
Sur le plan des prix, l’inflation a été relativement maîtrisée, avec une hausse de 1,2% au deuxième trimestre 2024, loin des 7,3% observés à la même période de l’année précédente. Cette modération des prix a permis au Produit intérieur brut (PIB) en valeur d’augmenter de 3,6%, contre 9,8% un an plus tôt, limitant ainsi les effets négatifs sur le pouvoir d’achat des ménages. Avec l’atonie de la croissance, les besoins de financement aussi bien des ménages que des entreprises se trouvent logiquement amoindris.

Ainsi, note le HCP, le besoin de financement de l’économie nationale reste préoccupant, atteignant 1,1% du PIB, en dépit d’une épargne nationale légèrement en hausse à 32,1% du PIB. En clair, les marchés financiers exigent de la rigueur à un moment où la reprise économique est encore fragile. Si les chiffres laissent entrevoir une certaine résilience de l’économie marocaine, la reprise post-pandémique est loin d’être acquise.

Le ralentissement de la croissance, notamment dans les secteurs clés comme l’agriculture et les services, met en lumière des fragilités structurelles qui entravent toute tentative de relance. Les importations, bien que nécessaires pour soutenir la demande intérieure, continuent de peser sur la balance commerciale, tandis que les exportations peinent à compenser ce déficit.

L’économie peine à retrouver ses niveaux d’avant 2020

Si les chiffres laissent entrevoir une certaine résilience de l’économie, la reprise post-pandémique est loin d’être acquise. Le ralentissement de la croissance, notamment dans les secteurs clés comme l’agriculture et les services, met en lumière des fragilités structurelles qui entravent toute tentative de relance. Les importations, bien que nécessaires pour soutenir la demande intérieure, continuent de peser sur la balance commerciale, au moment où les exportations peinent à compenser ce déficit.

Rappelons qu’avant la pandémie, la croissance économique affichait des niveaux plus robustes (taux de croissance avoisinant les 3,5% en 2019).

Le secteur agricole, même soumis aux aléas climatiques, maintenait également un dynamisme relatif. Mais cette dynamique s’est rapidement essoufflée avec l’arrivée de la crise sanitaire, marquant un tournant pour l’économie nationale, qui depuis peine à retrouver ses niveaux d’avant 2020.

Ibnoulfassih Ayoub / Les Inspirations ÉCO

 


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