Maroc

Commerce extérieur : une stratégie taillée pour inverser la balance

Le Maroc peine encore à rééquilibrer sa balance commerciale où les importations comptent pour 64%. En lançant une feuille de route inédite pour la période 2025-2027, le gouvernement espère changer la donne en misant davantage sur les potentialités inexploitées. Au menu : nouveaux marchés, diversification sectorielle, accompagnement des PME. La nouvelle stratégie, qui réunit a priori tous les ingrédients nécessaires, réussira-t-elle à transformer le commerce extérieur en moteur net de croissance ?

Le décor était soigné, les intentions clairement affichées. C’est en grande pompe que le ministère de l’Industrie et du Commerce a levé le voile sur la feuille de route du commerce extérieur pour la période 2025-2027. Une cérémonie officielle, à laquelle ont pris part plusieurs membres du gouvernement, des représentants du secteur privé ainsi que de nombreux partenaires nationaux et internationaux, venus témoigner de l’importance stratégique désormais accordée aux échanges extérieurs.

Dans son allocution d’ouverture, le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a dressé un tableau contrasté de la situation actuelle. Il a salué les efforts du Royaume pour renforcer ses partenariats à l’international et s’ouvrir à plus d’une centaine de marchés, tout en reconnaissant que des défis majeurs subsistent.

«Malgré des infrastructures de qualité et un positionnement géostratégique enviable, le commerce extérieur marocain reste confronté à des fragilités structurelles. Il devient plus que jamais nécessaire de transformer ce levier économique en un moteur de développement à part entière», a-t-il insisté, appelant à investir de nouveaux secteurs à plus forte valeur ajoutée.

Le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a quant à lui insisté sur le processus de longue haleine ayant caractérisé l’élaboration de la feuille de route. En effet, plusieurs séances d’écoute et de vastes tournées régionales ont permis de recueillir les attentes des opérateurs économiques.

«Une étude de terrain, menée en parallèle, a permis d’identifier le potentiel exportable de chaque produit et chaque destination. L’objectif est clair, bâtir une offre sur-mesure, mieux ciblée, à un moment où les flux commerciaux mondiaux se contractent et où le Maroc entend tirer son épingle du jeu», souligne le ministre.

Trois piliers
Mais pour bâtir un plan d’action cohérent, encore fallait-il dresser un diagnostic sans complaisance. Sur la dernière décennie, le pays a enregistré une progression soutenue de ses exportations qui ont atteint 455 milliards de dirhams de chiffre d’affaires en 2024, enregistrant une croissance moyenne annuelle de 9%. Ces échanges s’appuient sur 12 accords de libre-échange et concernent plus de 100 pays, représentant un marché potentiel de 2,3 milliards de consommateurs.

Cette performance masque toutefois des déséquilibres persistants. Ainsi, près de 70% des exportations marocaines restent concentrées sur le marché européen, et six secteurs seulement en captent plus de 90%. En parallèle, le tissu exportateur reste réduit, avec environ 6.000 entreprises, dont moins de la moitié (2.300) à vocation industrielle. Ce constat est d’autant plus préoccupant que le déficit commercial persiste, avec des importations qui dominent très nettement la balance commerciale où ellles pèsent 64% des échanges. Pourtant, les marges de progression existent.

Omar Hjira, secrétaire d’État au Commerce extérieur, a révélé que l’analyse menée par ses services a permis de dégager 200 produits à fort potentiel et 22 marchés prioritaires. À eux seuls, ces créneaux pourraient générer jusqu’à 120 MMDH supplémentaires, dont 12 milliards rien qu’en Afrique.

Pour exploiter ce potentiel sous-estimé, la feuille de route repose sur trois piliers : adapter les exportations marocaines aux mutations de l’économie mondiale, diversifier les destinations et les secteurs d’exportation, et renforcer leur contribution à la création d’emplois. Il est aussi question d’élargir la base des entreprises exportatrices, avec un objectif de 400 nouvelles entreprises chaque année, pour un gain espéré de 80 MMDH en chiffre d’affaires additionnel à terme.

Parmi les dispositifs phares annoncés figure le lancement imminent d’une plateforme numérique baptisée «One Shop Store Export» qui proposera un accompagnement à la carte, en particulier pour les PME, couvrant tous les volets critiques : étude de marché, prospection, logistique, certifications, diplomatie économique, transport. Autre volet central de la réforme, le renforcement de l’assurance à l’export dont ne bénéficient aujourd’hui que 850 entreprises.

Le nouveau programme prévoit une couverture complémentaire, en priorité sur les marchés africains, avec une généralisation progressive à d’autres zones à fort potentiel. L’accompagnement des entreprises se veut également plus actif sur le terrain, avec 27 missions de promotion programmées sur deux ans, ciblant les marchés identifiés comme prioritaires. Les Marocains du monde seront également intégrés à cette dynamique, en tant qu’ambassadeurs économiques du pays. L’artisanat, souvent relégué au second plan, bénéficiera d’un effort particulier afin de corriger les déséquilibres territoriaux et valoriser le savoir-faire local à l’export.

Outils d’accompagnement
La digitalisation du processus exportateur est un autre axe clé du programme. Deux plateformes d’intelligence artificielle, Tijaria et Trade.ma, seront mises en service pour centraliser l’information et simplifier les démarches. Un guichet unique du commerce extérieur sera également créé pour regrouper tous les services à destination des exportateurs. Ce dispositif sera décliné à l’échelle territoriale, à travers l’implantation de délégations dans les 12 régions du Royaume.

Parallèlement, des sociétés d’agrégation et d’exportation spécialisées verront le jour, pour appuyer les entreprises dans leur développement international. Présentant le programme comme «révolutionnaire», Omar Hjira a appelé à une mobilisation sans précédent du secteur privé. Il affirme que le plan a été conçu pour répondre aux attentes du terrain, avec pour ligne de mire la création de 76.000 nouveaux emplois. Les conseils régionaux joueront un rôle central dans le déploiement des actions.

De son côté, la CGEM, par la voix de son président, Chakib Alj, a salué l’intégration dans la feuille de route des propositions formulées par le patronat. Pour assurer sa mise en œuvre effective, plusieurs conventions ont été signées avec les parties prenantes. La dynamique est enclenchée. Reste désormais à la transformer en résultats tangibles.

Aziz Akhannouch
Chef du gouvernement

«Malgré des infrastructures de qualité et un positionnement géostratégique enviable, le commerce extérieur marocain reste confronté à des fragilités structurelles. Il devient plus que jamais nécessaire de transformer ce levier économique en un moteur de développement à part entière»

Ryad Mezzour
Ministre de l’Industrie et du Commerce

«Une étude de terrain, menée en parallèle, a permis d’identifier le potentiel exportable de chaque produit et chaque destination. L’objectif est clair, bâtir une offre sur-mesure, mieux ciblée, à un moment où les flux commerciaux mondiaux se contractent et où le Maroc entend tirer son épingle du jeu»

Omar Hjira
Secrétaire d’État au Commerce extérieur

«Ce programme est révolutionnaire. Toutefois, une forte mobilisation du secteur privé est requise. Car ce plan a été conçue de manière à répondre aux attentes du terrain, avec pour ligne de mire la promotion de nouveaux emplois. Les conseils régionaux joueront également un rôle central dans le déploiement des actions»

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



Assurance-vie : lutte à haute intensité dans le secteur


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page