Commerce extérieur : les métiers mondiaux entament l’année 2023 “masqués”
Les six métiers mondiaux du Maroc, automobile, aéronautique, agro-alimentaire, textile-cuir, électronique et offshoring affichent des indicateurs au vert au terme de 2022, notamment pour leurs chiffres d’affaires à l’export. Cela dit, leurs dynamiques divergent.
Tous les métiers mondiaux du Royaume n’applaudissent pas avec la même ferveur les indicateurs de croissance à deux chiffres que publie l’Office des change sur le commerce extérieur : 26,031 milliards de dirhams (MMDH) de revenus supplémentaires pour les exportations du secteur automobile à fin novembre 2022, soit une hausse de 35% ; hausse de 18,3% (+11,439 MMDH) des exportations du secteur agricole et agroalimentaire ; hausse de 22,2% (+7,430 MMDH) des ventes de celle du textile et cuir ; idem pour le secteur aéronautique qui enregistre une hausse de ses exportations de 39,8% (+5,552 MMDH).
Puis, une hausse de 38,3% (+4,637 MMDH) des ventes du secteur électrique et électronique. Autant dire que les métiers mondiaux du Royaume sont performants à l’export. C’est, du moins, le constat que l’on fait au premier abord. Mais en y regardant de plus près, d’autres éléments se dégagent.
Sachant que les chiffres de l’Office des changes intègrent la valeur des intrants, même en régime AT sans paiement, certains analystes préfèrent les prendre avec des pincettes, car pour eux, ceux-ci «risquent de refléter un positionnement qui est loin de la réalité, de ne pas lancer le vrai débat pour les secteurs et que nous dormions sur nos lauriers». Cela dit, les métiers mondiaux du Maroc montrent des dynamiques différentes.
Secteur électrique et électronique : la Mobilité électrique commence à susciter l’intérêt !
Pour les professionnels du secteur électrique et électronique, l’année 2022 était porteuse de beaucoup d’espoirs dont certains se sont concrétisés et d’autres pas encore. Elle s’achève néanmoins sur la note positive d’une loi de Finances 2023 concertée avec les professionnels et la circulaire du Chef du gouvernement n°09/2022 du 18 avril 2022 relative aux nouvelles mesures pour atténuer l’impact de la hausse des prix sur les engagements contractuels. Les professionnels signalent tout de même une recrudescence des cas de Covid-19 palpable au niveau des entreprises.
À fin novembre 2022, les composants électroniques (transistors) affichent plus de 6,041 MMDH de chiffre d’affaires à l’export, en hausse de 64,9% par rapport à l’an dernier. Viennent ensuite les exportations de fils et câbles dont les ventes à l’export ont progressé de 63,5% pour se hisser à 6,541 MMDH. Et les appareils de coup (ou connex) des circuits électriques dont les exportations ont grimpé de 12,7% à 1,787 MMDH.
Par ailleurs, c’est en session extraordinaire que l’Assemblée générale de la FENELEC, réunie le 8 décembre 2022, a décidé à l’unanimité la mise en place d’une entité dédiée à la Mobilité électrique. Il faut dire que plusieurs acteurs économiques importants ont commencé à mettre en place une structure dédiée à cette filière d’avenir qui, à coup sûr, apportera un potentiel de développement important pour les entreprises des secteurs de l’électrique et électronique.
D’après ce qui nous revient de la FENELEC, son président a proposé, lors de son conseil d’administration de début décembre, la création de l’Association marocaine pour la mobilité électrique (6e Association membre de la FENELEC) qui s’occupera du développement de cette filière. Proposition qui a été acceptée par les administrateurs de la Fédération, lesquels s’accordent sur la pertinence de cette proposition.
Secteur agricole et agroalimentaire : la demande européenne de fruits et légumes marocains repart à la hausse
Agrumes, produits maraîchers, produits agricoles transformés, le dynamisme que connaît le secteur des exportations des produits agricoles et agroalimentaire marocain permet au Royaume de se positionner comme un fournisseur de choix de produits agricoles, et ce malgré le stress hydrique et la sécheresse.
En Allemagne, par exemple, si 2022 enregistre une chute de plus de 10% des importations de fruits et légumes frais de la première économie européenne, le Maroc réussit à se classer parmi les trois pays qui ont livré davantage à l’Allemagne en 2022 (avec +15 %), aux côté de l’Afrique du Sud (+7 %) et du Pérou (+8 %).
Les chiffres d’Eurostat révèlent aussi que la première économie d’Europe a importé beaucoup moins de tomates en 2022, sauf celles venues du Maroc. Soulignons que les tomates sont le deuxième produit importé par l’Allemagne. Si le pays en a importé 642.000 tonnes en 2022, ce volume est inférieur de 15% aux 756.000 tonnes importées de 2021.
À titre de comparaison, toutes les années précédentes ont systématiquement affiché des volumes bien au-dessus de 700.000 tonnes importées. En particulier en provenance des Pays-Bas, les volumes de tomates importés ont diminué, avec 295.000 tonnes cette année contre 387.000 tonnes en 2021. Les importations espagnoles sont également inférieures de 5% d’une année à l’autre.
Cette tendance à la baisse a été compensée par une augmentation d’un tiers des tomates venues du Maroc, mais les 72.000 tonnes de produits marocains restent bien inférieures aux importations des Pays-Bas et de l’Espagne. Parlant d’Espagne, les patates douces marocaines exercent une pression sur les espagnoles.
Si les prix actuels sur les marchés sont si bas, c’est à cause de l’offre importante ainsi que de la pression exercée par les pays tiers producteurs comme l’Égypte, le Maroc et d’autres origines d’Amérique latine. Grosso modo, après un rythme lent en novembre, la demande européenne de fruits et légumes marocains est repartie à la hausse en décembre.
Asmaa Baibane, responsable des exportations pour BL Agri, exportateur basé à Agadir, explique ce phénomène par la disponibilité abondante des fruits et légumes produits localement en Europe en novembre. Selon elle, la demande européenne continuera d’augmenter et les volumes ne changeront pas beaucoup cette année. Pour la dirigeante, «les piments forts, les piments doux, les courgettes, les concombres et les haricots verts, la demande reste élevée en Europe, et les volumes d’exportation marocains resteront au même niveau que l’année dernière».
En revanche, elle prévoit une baisse des volumes de pastèques en raison de la sécheresse prolongée au Maroc. Tous ces éléments expliquent pourquoi à fin novembre 2021, les exportations du secteur agricole et agroalimentaire marocain se sont établies à plus de 73,807 MMDH à fin novembre 2022, en augmentation de 18,3% par rapport à la même période de 2021.
Industrie du textile et cuir
L’on ne peut pas dire que tous les métiers mondiaux du Royaume entament 2023 dans le vert. Dans le secteur du textile et cuir, notamment, la dépendance des opérateurs au géant Espagnol Inditex vire au cauchemar. Dans l’industrie du textile et cuir marocain, l’on veut que les chiffres affichés par l’Office des changes soient beaucoup plus affinés.
En effet, pour un secteur qui exporte à hauteur de 60% vers l’Espagne, exclusivement pour le Groupe Inditex qui, comme nous avons eu à le dire dans Les Inspirations Éco du 16 décembre 2022, sollicite des prix de sous-traitance de plus en plus bas.
Sachant que ce secteur est dominé par la sous-traitance pure et dure, que les chiffres de l’Office des changes intègrent la valeur des intrants, même en régime AT sans paiement, certains analystes préfèrent prendre ces chiffres avec des pincettes, car pour eux, ceux-ci «risquent de refléter un positionnement qui est loin de la réalité, de ne pas lancer le vrai débat pour les secteurs, et que les acteurs dorment sur leurs lauriers».
Secteur aéronautique. Les activités à plus forte valeur ajoutée en ligne de mire !
Avec 142 entreprises actives et 20.000 emplois créés, le secteur a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 2 milliards de dollars. À fin novembre, les exportations de ce secteur s’élèvent à 19,499 MMDH, en hausse de 39,8%. Lors de l’inauguration de la nouvelle usine d’assemblage de la société anonyme belge de constructions aéronautiques (SABCA) à Nouaceur, le secrétaire général du ministère de l’Industrie et du commerce, Taoufiq Moucharraf, a souligné la bonne santé de cette industrie.
Selon Moucharraf, le Maroc dispose «d’une des plateformes aéronautiques les plus compétitives au monde», affichant un taux d’intégration locale de plus de 40%. «Nous avons réalisé un succès commun et nous entendons poursuivre cette deuxième phase de développement de la plateforme aéronautique marocaine axée sur des activités à plus forte valeur ajoutée, résilientes au changement et en phase avec les tendances du secteur», déclare Moucharraf aux membres du conseil d’administration du Groupe Orizio, de la SABCA et aux représentants de Pilatus.
Le secrétaire général a également exprimé l’ambition du Maroc d’aller «plus vite» afin d’attirer davantage d’industries et de secteurs, tels que la défense et l’espace. «Le secteur aéronautique au Maroc est plein de possibilités. Il s’est renforcé et a gagné en valeur ajoutée, notamment grâce aux partenariats public-privé», a-t-il expliqué. «Ensemble, nous allons poursuivre notre chemin vers d’autres nouveaux succès», a-t-il ajouté.
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO