Maroc

Chèques sans provision : le gouvernement prépare une réforme “de rupture”

Attendue depuis plusieurs années, la réforme du régime juridique applicable aux chèques au Maroc est sur les rails. En optant pour une dépénalisation ciblée et des mécanismes de régularisation plus souples, le gouvernement entend moderniser un outil de paiement encore largement utilisé dans le tissu économique national.

Une profonde mutation du cadre juridique régissant l’usage du chèque se profile. En présentant les dernières mises à jour de la réforme de la loi sur les chèques devant la Chambre des représentants, lundi, Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, a tracé les contours d’une réorientation majeure du traitement judiciaire des incidents de paiement, dans le sens d’une dépénalisation ciblée et d’un assouplissement des poursuites.

Objectif affiché : alléger la pression sur les tribunaux, moderniser la gestion des litiges financiers et renforcer la confiance dans les instruments de paiement. Le ministre a assuré que seule une dernière session parlementaire reste à franchir pour que cette réforme entre en vigueur.

Une plus grande souplesse
Parmi les principales mesures annoncées par le ministre figure la dépénalisation de l’échange de chèques sans provision entre époux. Ainsi, lorsqu’un époux remet un chèque à son conjoint dans un cadre personnel et qu’un litige survient, la situation ne relèvera plus du droit pénal mais uniquement du contentieux civil.

Cette disposition vise à éviter la criminalisation des affaires familiales et à désamorcer les conflits domestiques, est-il souligné. Autre évolution notable, le règlement du montant dû par d’autres moyens entraînera l’abandon définitif des poursuites.

En cas de paiement du chèque en souffrance, toute mesure judiciaire, y compris les mandats d’arrêt en cours, sera annulée, et les personnes en état d’arrestation seront libérées immédiatement. Pour les nouveaux incidents de paiement, le porteur de chèque ne sera plus arrêté automatiquement suite à une plainte. Il bénéficiera d’un délai de grâce d’un mois pour régulariser la situation.

Durant cette période, il sera soumis au port du bracelet électronique pour empêcher toute tentative de fuite, annonce Ouahbi. Si la dette n’est pas apurée à l’expiration du délai, la victime pourra demander une prorogation d’un mois supplémentaire.

Par ailleurs, le ministre a indiqué qu’à l’étude figure l’exclusion des saisies pour les incidents de paiement portant sur des montants inférieurs à un seuil compris entre 10.000 et 20.000 dirhams, un point encore en discussion.

Des impacts économiques à anticiper
Cette réforme de la loi sur les chèques pourrait entraîner des retombées économiques significatives. En limitant le recours systématique aux poursuites pénales, elle devrait permettre de décongestionner les tribunaux et de réduire les délais de traitement des litiges financiers. Les acteurs économiques, en particulier les PME, pourront ainsi bénéficier d’une justice plus rapide et plus efficace.

L’instauration de mécanismes de régularisation amiable, comme le délai de grâce et la suspension des poursuites en cas de paiement, renforcera la confiance entre partenaires commerciaux, levier clé de l’amélioration du climat des affaires.

En ciblant une exonération des saisies pour les incidents de paiement de faible montant, la réforme vise aussi à protéger les petites entreprises et les travailleurs indépendants, souvent les premiers touchés par les contraintes financières liées à des incidents minimes.

Toutefois, cette plus grande souplesse pourrait poser un risque : celui de diminuer l’effet dissuasif du chèque comme instrument de crédit.

«La suppression de la crainte d’une sanction immédiate pourrait inciter certains à une moindre vigilance dans leurs engagements de paiement. Une surveillance accrue sera donc nécessaire pour prévenir les dérives», estime un expert. (67,4 M€), l’huile de soja (47,3 M€) et les bouchons en plastique (27,8 M€).

Ce que prévoit la loi actuelle

En vertu de la loi n°1996-15 relative au chèque, l’émission d’un chèque sans provision est actuellement considérée comme une infraction pénale. Elle expose son auteur à une peine d’emprisonnement allant de un à cinq ans, ainsi qu’à une amende proportionnelle au montant du chèque impayé.

Le dépôt d’une plainte entraîne immédiatement une procédure judiciaire pouvant aboutir à une arrestation, même en cas de régularisation ultérieure du paiement. Cette approche à dominante répressive visait à protéger la crédibilité du chèque comme instrument de paiement, mais est aujourd’hui jugée inadaptée à l’évolution du contexte économique.

H.K. / Les Inspirations ÉCO



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