Maroc

Bourse : l’immobilier n’a plus la cote

Le Masi affiche une santé insolente. L’immobilier coté, lui, continue de lasser les investisseurs. Malgré la relance du secteur via les aides à l’acquisition, le marché peine à séduire. Les capitaux se déplacent vers des segments jugés plus dynamiques.

Avec une capitalisation qui tutoie les 1.000  milliards de dirhams et un indice Masi en progression/ascension de plus de 26% depuis le début de l’année, la Bourse de Casablanca se laisse gagner par une douce euphorie. L’indice phare a même tutoyé 19.000 points, porté par les valeurs bancaires, industrielles et télécoms, dans un climat où la détente des taux et le retour de la liquidité attirent à nouveau les investisseurs. Mais cette embellie ne profite pas à tous les compartiments du marché.

L’indice sectoriel «Participation et promotion immobilières» affiche sur la même période une hausse timide de 1,26%. Ce léger rebond intervient après le long décrochage amorcé en 2022, et confirme le désintérêt constaté des investisseurs pour l’immobilier coté. Un repli que Bank Al-Maghrib n’a pas manqué de relever dans son dernier rapport sur la politique monétaire. L’institution pointe la persistance d’un écart de performance entre l’immobilier coté et le reste du marché, malgré un environnement monétaire plus souple.

« Au niveau de la Bourse de Casablanca, les cours ont poursuivi leur tendance haussière, portant la performance de l’indice MASI à 21,7% depuis fin décembre 2024. Cette évolution recouvre en particulier des progressions des indices sectoriels… de 17,6% pour la «Participation et promotion immobilières», peut-on lire dans la publication.

Assèchement de la demande
En témoigne l’évolution des trois principales valeurs du secteur qui oscillent désormais autour de seuils relativement bas. Résidences Dar Saada, autrefois plébiscitée pour sa spécialisation dans le logement social, subit de plein fouet l’assèchement de la demande sur ce segment, dans un contexte où le marché poursuit son repli.

Selon les dernières données de Bank Al-Maghrib, les prix ont reculé de 1,8% au premier trimestre 2025, entraînés par des baisses notables dans le résidentiel (–2,1%), le foncier (–2,5%) et, dans une moindre mesure, les biens à usage professionnel (–0,7%).

Pour sa part, Alliances Développement Immobilier, qui se négocie à 480 DH l’action, affiche pourtant des signaux positifs sur le plan opérationnel  avec un volume d’affaires en progression de 10% au premier trimestre 2025, tandis que les préventes ont bondi de 40% par rapport à la même période de l’an passé et un endettement net qui recule sur la même période de 36% ! Malgré un carnet de commandes solide et la reprise des livraisons, notamment à Marrakech, Safi et Béni-Mellal, le marché continue de sanctionner une action au passif lourd.

Quant à Addoha, le titre a perdu plus de 30% en deux ans, victime d’une défiance persistante malgré des tentatives de redressement. Le groupe, engagé dans une dynamique de rationalisation, multiplie les annonces de recentrage et de discipline financière. Mais ces ajustements tardent à produire leurs effets, en l’absence de signaux tangibles sur le désendettement ou la reconstitution de la trésorerie. L’action évolue désormais autour de 36 dirhams, bien en deçà de ses niveaux historiques.

Cycles lents
Il faut dire que la tendance reflète une recomposition des arbitrages boursiers. L’investisseur type ne semble plus vouloir s’exposer à un secteur perçu comme peu rentable à court terme et tributaire d’un cycle de financement devenu plus ardu. Les effets d’annonce du programme d’aide directe à l’accès au logement, entré en vigueur début 2024, n’ont pas suffi à infléchir la trajectoire boursière des valeurs immobilières.

«Le marché anticipe sans doute une montée en charge lente du dispositif, couplée à des marges encore comprimées par les coûts de construction et le foncier», explique un analyse.

Dans la même lignée, l’indice des Sociétés de placement immobilier (SPI), dont le modèle repose sur la détention d’actifs locatifs générateurs de revenus récurrents, offrent une meilleure visibilité pour les investisseurs, bien qu’il affiche une contre-performance de 4,6% depuis le début de l’année. Portées par des flux stables, souvent indexés sur des baux commerciaux, ces structures bénéficient d’un environnement de taux plus accommodant, tout en étant perçues comme plus résilientes.

À la Bourse de Casablanca, Aradei Capital, valeur emblématique de ce segment, enregistre une performance positive sur les douze derniers mois, dans un marché pourtant peu propice. Cela dit, la tendance observée dans le compartiment action traduit un shift dans les préférences des investisseurs. Plutôt que de miser sur des promoteurs confrontés à des cycles longs et incertains, les capitaux se repositionnent sur des foncières adossées à des actifs matures, offrant une visibilité plus grande sur les cash-flows.

Le secteur immobilier n’est pas boudé en soi, mais l’allocation de capital épouse désormais des formats plus liquides et des temporalités moins exposées aux cycles longs de la promotion.

Les OPCI, marché encore limité aux initiés

Malgré leur essor, les OPCI demeurent pour l’heure un marché d’initiés dominé principalement par les institutionnels. Selon l’AMMC, le secteur reste concentré entre des mains professionnelles, avec seulement quelques personnes physiques investissant à la marge. Un premier OPCI grand public a bien vu le jour fin 2023 – Syhati Immo SPI, dédié à l’immobilier de santé –, mais sa levée de plus de 1 milliard de DH s’est réalisée essentiellement auprès d’institutionnels (groupe Akdital, fonds Al Ajial, Aradei Santé, CMR, etc.) plutôt que du grand public.

Si plusieurs acteurs envisagent des véhicules plus accessibles, tels que des OPCI cotés en bourse ou intégrés à l’épargne salariale, leur démocratisation demeure pour l’heure freinée par un manque de liquidité et une fiscalité jugée contraignante. Rappelons qu’à fin 2024, l’actif net sous gestion a dépassé la barre symbolique de 100 milliards de dirhams fin 2024.

D’après les données de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), les OPCI totalisent ainsi 109,3 MMDH d’encours à cette date, soit une progression annuelle de +27,9 %. Cette performance porte la capitalisation des OPCI à environ un sixième de celle des OPCVM classiques.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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