Boulangerie : un jour sans pain au Maroc ?
Les boulangers et pâtissiers broient du noir . Durement impactés par la crise liée à la Covid-19, les professionnels, qui se disent oubliés par la tutelle, n’ont plus aucune visibilité sur leurs activités. Faut-il s’attendre à un jour sans pain dans les prochaines semaines?
Sur la liste des grands oubliés de la Covid-19, figurent, en bonne place, les propriétaires de boulangeries et pâtisseries. Les professionnels du pain ont vu toutes leurs recettes et tous leurs rêves fondre comme neige au soleil. «Pour la première fois dans leur carrière, des employés de boulangeries ont vu des fourneaux éteints», commente un chef boulanger. Pour les initiés, l’image est terrifiante sachant qu’un four tourne quasiment 24h/24. Et les fourneaux mis à l’arrêt ne se compteraient plus sur le doigt d’une main. Les pertes sont ainsi immenses pour les chefs d’entreprise. En parallèle, des milliers d’emplois ont été ainsi suspendus. Avec des pertes d’activé estimées à 50%, voire 80% au plus fort de la crise, plus de 50% des entreprises ne cotisent plus pour leurs employés déclarés à la CNSS, tandis que plus de 15% ont fermé boutique à cause notamment du confinement, l’interdiction des cérémonies de mariage, entre autres fêtes familiales et traditionnelles.
Piles de factures impayées
Du coup, si les Marocains continuent de consommer du pain, le gros client du secteur, à savoir l’évènementiel, malmené par les effets pervers de la pandémie, a fait défaut dès les premières heures de la crise. À cela, il faut ajouter l’adoption de nouveaux horaires de travail imposés par l’État, réduisant ainsi le temps de travail et le gagne-pain des boulangers et pâtissiers. Résultat, de nombreuses entreprises se sont retrouvées sur le carreau avec des piles de factures d’eau et d’électricité impayées, sans parler du loyer et des salaires. Pour sortir du creux de la vague, les professionnels ont adressé une demande d’aide à la tutelle, début juin, misant ainsi sur le soutien de l’État. Mise en place d’une caisse de soutien dédiée au financement des entreprises en difficulté, prêts bancaires à taux préférentiels, contraints de baisser le rideau, mesures incitatives pour les professionnels souhaitant restructurer et moderniser leur entreprise…, la liste des revendications est longue.
«Aucune réponse»
Après une longue attente, c’est la douche froide. «Nous n’avons reçu aucune réponde favorable de la part de notre ministère», martèle Lahoucine Azaz, amer, mais compréhensif, pour «l’instant». «Aujourd’hui, nous sommes conscients des enjeux, sachant que le pain au Maroc est un aliment de base et gage de paix et de stabilité sociale, mais la solidarité à des limites», avertit le président de la Fédération nationale de la boulangerie et pâtisserie du Maroc (FNBPM). Faut-il s’attendre dans les prochaines semaines à une grève des boulangers ? «Tout est possible», répond le professionnel. Mais pour l’heure la priorité pour les boulangers et pâtissiers demeure le dialogue, temporise-il. «Tout ce que nous souhaitons pour le moment, c’est une rencontre autour d’une table avec nos interlocuteurs pour leur réitérer nos doléances», insiste le président de la FNBPM.
«Sans cela, non seulement il nous sera impossible d’évaluer les pertes exactes du secteur, mais également et surtout, il nous sera difficile d’avoir de la visibilité pour les mois à venir», affirme Azaz, qui se dit par ailleurs déçu de la loi de Finance 2021. De fait, dans le cadre de la préparation du PLF2021, les professionnels avaient demandé une réduction de la TVA de 20% à 10%, ainsi que la suppression du droit de timbre. «Malheureusement, cette demande n’a pas été prise en compte», affirment-ils. Alors quid des batteries de mesures prises par l’État afin d’encourager la relance économique et venir en aide aux entreprises en difficulté, notamment les PME ? «Il y a une grosse propagande autour des produits bancaires ainsi que des prêts “Damane Relance“ en faveur des entreprises mais pour notre part, nous n’avons rien reçu», soutient notre interlocuteur. Selon lui, le modèle des banques marocaines ne leur permet pas de prêter de l’argent aux «petites mains». « Ceux qui bénéficient des prêts bancaires, ce sont les grandes entreprises et les promoteurs immobiliers et non les petites entreprises », déplore, avec amerturme, Lahoucine Azaz.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco