Antidumping : coup de chaud sur les fours turcs
Suite à l’examen d’une requête déposée par les sociétés Deha Electromenager et Sultangaz, les ministères du Commerce et des Finances ont jugé nécessaire l’application d’un droit antidumping, à titre provisoire, sur les importations de fours électriques originaires de Turquie.
Un droit antidumping provisoire sur les importations de fours électriques originaires de Turquie a été acté conjointement par les ministères du Commerce et des Finances, un an après le dépôt d’une requête de deux producteurs nationaux, ayant présenté des preuves suffisantes de pratique de dumping de la part des producteurs/exportateurs turcs. Des pratiques qui auraient occasionné des dommages conséquents à la production nationale.
Prix anormalement bas
Contacté par nos soins, le cabinet Esytrad représentant les deux requérants, qui produisent à eux deux 100% des fours électriques marocains, se félicite de cette décision, soulignant que, dans ce dossier, il ne s’agissait pas d’une simple menace de dommage.
En effet, selon les études menées par le cabinet, «les fournisseurs turcs vendent mois cher à l’export que dans leur propre pays». En analysant les données relatives à la période allant de 2019 à 2022, les importations de Turquie ont augmenté très sensiblement, passant de 63,77 millions de dirhams (MDH) à 82,82 MDH, avec un pic de 105,85 MDH en 2021.
Selon le cabinet, «cette pénétration accentuée du marché marocain par les opérateurs turcs n’a été rendue possible que grâce aux niveaux anormalement bas des prix pratiqués par ces derniers».
«Au cours de cette période, cette branche de production nationale a été empêchée d’augmenter ses prix de vente pour atteindre des marges de profitabilité raisonnables, ce qui se serait produit sans la pression des prix anormalement bas des importations en dumping du produit considéré, originaire de Turquie, sur le marché marocain (….) Le prix moyen des importations turques représente à peine 35 à 45% de celui des importations provenant du reste du monde. Les prix anormalement bas des importations turques de ce produit sur le marché marocain ne peuvent s’expliquer que par des pratiques de dumping sévères, de nature à éliminer toute concurrence sur le marché marocain», lit-on dans la requête déposée en juillet 2023.
Le préjudice causé à la production nationale a été confirmé par le calcul de la marge de dumping de 34% et d’une sous-cotation de l’ordre de 62%, nous explique le cabinet, notant que ces deux facteurs démontrent «clairement une concurrence déloyale, une distorsion au niveau du marché domestique et une production nationale aux abois, car ne pouvant pas s’aligner sur des prix aussi anormalement bas».
Selon le cabinet, «la situation de cette branche est actuellement très inquiétante au vu de la dégradation des indicateurs de dommage – en particulier de sa marge de profitabilité négative – qui pourraient continuer de plonger à des niveaux critiques au cours des prochains mois si les conditions d’une concurrence loyale sur le marché marocain ne sont pas rétablies au plus vite».
Pérennité de l’industrie locale
La consommation nationale est en hausse, et elle «devrait faire profiter la production locale d’abord», estime notre interlocuteur au sein du cabinet. Mais la présence de produits turcs sur le marché marocain depuis de nombreuses années «menace directement l’émergence et la pérennité d’une industrie locale», poursuit la même source, soulignant que malgré la demande, «aucun opérateur national n’a vu le jour, et ce, contrairement à ce qui existe dans d’autres secteurs industriels nationaux», relève-t-on de même source.
Néanmoins, cette nouvelle mesure ministérielle «encouragera tout un secteur à se développer localement et stimulera les investissements au Maroc». Ironie du sort, les deux requérants, Electromenager et Sultangaz sont en réalité des sociétés turques installées au Maroc et détenues toutes les deux par un Turc. Pour rappel, le Maroc et la Turquie ont signé un accord de libre-échange en 2004.
Ce dernier a été modifié en 2020 pour introduire des droits d’importation sur certains produits turcs à la suite de plaintes déposées par des fabricants de textile marocains. Depuis, d’autres produits ont également été soumis à des mesures anti-dumping.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO