Maroc

Anass Kettani. ‘‘10% des étudiants de l’Université Hassan II créent leur entreprise : le modèle gagnant du Pôle Insertion et Entrepreneuriat décrypté’’

Anass Kettani
Directeur du Pôle insertion et entrepreneuriat de l’Université Hassan II de Casablanca (UH2C)

Anass Kettani, directeur du Pôle insertion et entrepreneuriat (PIE) de l’Université Hassan II de Casablanca, décrypte le succès d’un modèle unique qui démocratise l’entrepreneuriat étudiant. De l’inclusion record des femmes (60%) à la transformation d’idées en prototypes et entreprises viables, en passant par la promotion de projets collectifs et innovants (85%), le PIE, grâce à des partenariats stratégiques et des outils de pointe comme le FABLAB, s’impose comme un acteur clé du développement socio-économique marocain.

Le Pôle insertion et entrepreneuriat a réussi à rendre l’entrepreneuriat accessible à tous les étudiants, avec une forte participation des femmes (60%). Quels sont les leviers qui ont permis cette réussite en matière d’inclusion et de parité? Et comment envisagez-vous de renforcer cet impact dans les prochaines années ?
Le Pôle insertion et entrepreneuriat de l’Université Hassan II de Casablanca (UH2C) a placé l’entrepreneuriat au cœur du parcours de tous les étudiants, en le considérant avant tout comme une expérience enrichissante, y compris pour les filières traditionnellement moins engagées dans cette dynamique (sciences, lettres, médecine, ingénierie).

Cette approche inclusive et multidisciplinaire a joué un rôle clé dans l’augmentation de la participation des femmes, qui atteint aujourd’hui 70%. Parmi les leviers ayant favorisé cette progression, la sensibilisation ciblée et le développement des centres d’accompagnement universitaires ont permis d’instaurer un climat de confiance propice à l’initiative entrepreneuriale chez les étudiantes.

Pour renforcer cet impact dans les années à venir, nous prévoyons d’intensifier ces actions en diversifiant les formats d’accompagnement, en renforçant les synergies avec des mentors et des réseaux féminins, et en développant des dispositifs spécifiques favorisant l’inclusion et la pérennisation des projets portés par les femmes.

Parmi les étudiants accompagnés, 10% passent au stade de création d’entreprise. Quels mécanismes ou dispositifs spécifiques mettez-vous en place pour faciliter cette transition ?
Le Pôle insertion et entrepreneuriat de l’UH2C accompagne efficacement les étudiants entrepreneurs, avec 10% d’entre eux franchissant le cap de la création d’entreprise dans le cadre du Statut national étudiant entrepreneur.

Pour faciliter cette transition, plusieurs dispositifs clés sont mis en place, dont notamment un suivi individualisé en collaboration avec le Centre régional d’investissement Casablanca-Settat et l’ANAPEC, permettant aux porteurs de projets de choisir le statut juridique le plus adapté à leur activité. On a aussi mis en place un espace dédié à la mise en relation avec les bailleurs de fonds, offrant aux étudiants un accès facilité aux opportunités de financement.

En plus d’un dispositif de valorisation des meilleurs projets, où les 10 projets les plus prometteurs sont proposés à nos partenaires financiers afin d’accélérer leur lancement. Ces initiatives visent à optimiser l’accompagnement des étudiants et à maximiser leurs chances de succès dans leur parcours entrepreneurial.

Les projets accompagnés sont majoritairement collectifs (85%). Comment encouragez-vous la collaboration entre les étudiants issus de différentes filières académiques ? Quels avantages cela apporte-t-il en termes d’innovation et de viabilité des projets ?
Les projets collectifs offrent un véritable levier de succès grâce à la complémentarité des compétences et à l’apprentissage du travail en équipe. Nous encourageons la collaboration entre étudiants de différentes filières académiques en favorisant des synergies entre les écoles de gestion, les facultés d’économie, les écoles d’ingénieurs et les facultés des sciences.

Par exemple, les étudiants en gestion et en économie apportent leur expertise en montage de projet, finance, étude de marché et marketing, tandis que ceux issus des filières scientifiques et d’ingénierie sont une source précieuse d’innovation technologique. Cette complémentarité renforce non seulement la viabilité des projets, mais stimule également la créativité et l’émergence de solutions innovantes.

Les premières promotions ont d’ailleurs démontré, à travers plusieurs success stories, que ce modèle collaboratif constitue un facteur clé de réussite, permettant aux étudiants de développer des projets.

Avec 90% des projets axés sur des produits et 10% sur des services, comment assurez-vous l’adéquation entre ces initiatives entrepreneuriales et les besoins réels du marché du travail marocain ? Quel rôle jouent les partenariats stratégiques (ANAPEC, EFE Maroc, etc.) dans ce processus ?
La stratégie du Pôle insertion et entrepreneuriat de l’UH2C vise à offrir à un maximum d’étudiants l’opportunité de tester leur potentiel innovant, en développant une idée qui les passionne, indépendamment de leur domaine de formation. L’accompagnement proposé repose sur un modèle flexible et immersif, notamment grâce à un site annexe de l’Université Hassan II de Casablanca, un espace vert en plein centre-ville, facilement accessible par le tramway et favorisant un environnement propice à la créativité.

Cette approche a révélé une nette préférence pour les projets axés sur des produits, notamment grâce au cadre pédagogique du Statut national étudiant entrepreneur (SNEE), qui se prête particulièrement bien aux prototypes physiques et tactiles.
Les partenariats stratégiques sont essentiels pour aligner les initiatives entrepreneuriales sur les besoins du marché marocain. L’UH2C a donc tissé un réseau de collaborations clés.

L’ANAPEC UH2C, avec son équipe dédiée, offre une plateforme d’employabilité et d’entrepreneuriat, incluant des formations spécifiques pour la viabilité des projets étudiants. Le Centre d’employabilité francophone (CEF) de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), implanté à l’UH2C, apporte une expertise internationale en insertion professionnelle et entrepreneuriat.

Le Career Center, un projet de l’USAID, outille les étudiants pour leur intégration professionnelle, notamment via des préparations aux entretiens. Enfin, des ONG comme EFE Maroc et Injaz Al Maghrib offrent un coaching entrepreneurial pragmatique avec l’appui des mentors issus du monde socio-économique. Grâce à cet écosystème riche et varié, chaque étudiant peut composer son propre parcours, en bénéficiant d’un large éventail de programmes complémentaires axés sur le développement personnel et l’entrepreneuriat, assurant ainsi une meilleure insertion sur le marché du travail.

Le FABLAB et le service de Propriété intellectuelle et brevet sont des composantes clés du Pôle. Comment ces outils contribuent-ils à transformer les idées des étudiants en prototypes fonctionnels et, éventuellement, en entreprises viables ?
Le Pôle insertion et entrepreneuriat de l’UH2C accorde une importance majeure à la protection et à la valorisation des idées innovantes développées par ses étudiants entrepreneurs, en particulier les doctorants.

Après une évaluation rigoureuse des projets soumis, nous collaborons avec notre partenaire, l’OMPIC (Office marocain de la propriété intellectuelle et commerciale), afin d’identifier les innovations méritant un dépôt de brevet avant leur présentation au grand public. L’Université prend en charge les frais de protection au niveau national, garantissant ainsi un cadre sécurisé pour les étudiants souhaitant développer et commercialiser leurs inventions.

Le FABLAB pédagogique du Pôle joue un rôle central dans la transformation des concepts en prototypes concrets. Doté d’imprimantes 3D, d’un scanner 3D et d’une thermo-formeuse, cet espace permet aux étudiants de concevoir, tester et améliorer leurs innovations dans un cadre technologique avancé. Ce laboratoire a déjà prouvé son efficacité en contribuant à l’impression de 150 pièces adaptatives pour des masques connectés avec des respirateurs artificiels, utilisées dans plusieurs grands hôpitaux de Casablanca.

Dans le cadre du Statut national étudiant entrepreneur (SNEE), un atelier de formation pratique sur le prototypage est organisé chaque année pour permettre aux étudiants de développer leurs compétences techniques et de donner vie à leurs idées.

Grâce à cette combinaison entre accompagnement en propriété intellectuelle et accès à un FABLAB performant, le Pôle favorise l’émergence d’entreprises viables et innovantes, tout en assurant une protection juridique et un encadrement technique aux futurs entrepreneurs.

Le PIE s’est imposé comme une référence depuis sa création en 2019. Quelle est votre vision pour les cinq prochaines années en termes d’expansion des programmes, de renforcement des partenariats internationaux (comme avec le Centre Confucius), et de contribution au développement socio-économique du Maroc ?
Notre vision pour les cinq prochaines années repose sur trois axes majeurs : l’expansion des programmes, le renforcement des partenariats internationaux et l’impact socio-économique. Nous ambitionnons de démocratiser davantage l’entrepreneuriat en diversifiant les parcours d’accompagnement et en intégrant de nouvelles filières.

L’objectif est d’augmenter le taux de passage à la création d’entreprise, notamment en développant de nouveaux modules spécialisés en innovation technologique, entrepreneuriat social et économie verte. Nous souhaitons également proposer des formations hybrides combinant présentiel et digital afin de toucher un plus grand nombre d’étudiants. Une meilleure intégration des doctorants est également prévue à travers des dispositifs dédiés à la valorisation de la recherche appliquée. Les collaborations avec des acteurs internationaux sont essentielles pour assurer un accompagnement de haut niveau et un accès à des opportunités globales.

À ce titre, nous prévoyons de renforcer nos liens avec le Centre Confucius pour développer des formations sur l’entrepreneuriat international et les opportunités avec l’Asie. Nous comptons également élargir notre réseau de partenaires académiques et industriels en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord, notamment à travers des programmes d’échange et des incubateurs internationaux.

Par ailleurs, nous souhaitons développer des compétitions entrepreneuriales internationales afin de donner plus de visibilité aux projets portés par nos étudiants. L’impact du Pôle insertion et entrepreneuriat sur le tissu économique local est un levier clé de notre stratégie. Pour les prochaines années, nous comptons multiplier les collaborations avec les entreprises et institutions publiques pour favoriser l’insertion professionnelle et la création de startups alignées sur les besoins du marché marocain. Nous voulons également encourager les initiatives axées sur la transition écologique, l’innovation sociale et la digitalisation, afin de développer des projets à impact social et environnemental.

Enfin, nous envisageons de renforcer l’ancrage territorial du PIE en ouvrant des centres d’incubation universitaires décentralisés, accessibles à un plus large public. En consolidant notre positionnement en tant que référence nationale et régionale, nous souhaitons faire du PIE un véritable hub d’innovation et d’entrepreneuriat, contribuant activement à la transformation économique et sociale du Maroc.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO



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