Gestion d’actifs : Natixis et Generali s’unissent pour créer un géant européen
Quelque 1.900 milliards d’euros d’encours et une place parmi les leaders européens de la gestion d’actifs: c’est l’ambition du français Natixis IM et du numéro un italien de l’assurance Generali, qui ont annoncé mardi la signature d’un protocole d’accord.
BPCE et Generali Investments Holding, maisons mères des deux filiales, souhaitent créer une entité commune détenue à 50-50 pour construire «un leader européen de l’asset management», selon Philippe Donnet, directeur général de Generali.
L’asset management (gestion d’actifs) consiste à gérer les investissements financiers d’un tiers : l’entreprise place de l’argent ou des produits financiers pour le compte d’un client afin que celui-ci obtienne le meilleur retour sur investissement possible. Potentiel soutien à l’innovation et au développement des entreprises dans sa façon de mobiliser de l’épargne et de financer l’économie, la gestion d’actifs recèle d’une dimension stratégique. Les acteurs européens ne veulent pas être en reste face aux mastodontes américains, dans un marché dominé par BlackRock (11.475 milliards de dollars sous gestion à fin septembre), JP Morgan ou Goldman Sachs.
Dans ce projet d’accord, Natixis IM, qui appartient au groupe BPCE, apporterait l’ensemble de ses encours (actifs confiés par les clients), soit près de 1.300 milliards d’euros, Generali contribuant pour plus de 630 milliards d’euros, ont confirmé les deux entreprises lors d’un point presse téléphonique. Nicolas Namias, président du directoire de BPCE, a indiqué lors d’une conférence de presse prévoir une finalisation de l’opération «début 2026». Avec 1.900 milliards d’euros d’actifs, la nouvelle entité pourra rivaliser avec Amundi, filiale du Crédit Agricole et leader européen du secteur, forte d’un encours de 2.192 milliards d’euros au troisième trimestre 2024.
Bonne nouvelle
Le secteur est en ébullition depuis l’annonce l’été dernier de la reprise par BNP Paribas de la filiale de gestion d’actifs de son compatriote Axa, pour 5,4 milliards d’euros. Les analystes ont salué le projet Generali/Natixis. Il «aide à donner de l’envergure dans un marché de plus en plus compétitif» et «élargit l’offre», selon UBS.
Banca Akros parle d’une «bonne nouvelle» en raison des «économies d’échelle, des synergies, de l’amélioration des rendements et des opportunités d’investissement pour les clients».
À l’heure où les banques centrales appellent à la création de géants bancaires européens, le rapprochement de métiers, comme la gestion d’actifs, est moins complexe que des fusions à l’échelle de groupes entiers. Selon Nicolas Namias, la co-entreprise devrait permettre «200 millions d’euros par an» de synergies. Philippe Donnet a salué la «puissante» émulation «des forces» des deux entreprises qui servira la nouvelle entité, dont la gouvernance sera «très bien équilibrée».
Un poids lourd de 4,1 milliards d’euros
Cet accord est cependant vu d’un mauvais oeil par deux actionnaires importants de l’assureur italien, le magnat de la construction Francesco Gaetano Caltagirone (6,92%) et Delfin, la holding de la famille Del Vecchio (9,93%). Ils redoutent une perte de contrôle de Generali sur l’épargne nationale en cas de fusion avec des actifs français et pourraient demander la convocation d’une assemblée générale extraordinaire des actionnaires pour examiner l’accord, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier. Les trois représentants que compte ce camp adverse au conseil d’administration (sur treize membres) ont voté contre l’accord, selon cette source. Le gouvernement de droite et d’extrême droite de Giorgia Meloni suit cet accord franco-italien de très près et pourrait avoir recours au «golden power», qui lui confère des pouvoirs spéciaux dans des secteurs considérés comme stratégiques pour le pays.
Mardi matin, Philippe Donnet a balayé les «soi-disant» risques d’un revers de la main: «il s’agit d’une plaisanterie car notre processus d’investissement n’a pas été modifié», a-t-il expliqué. «L’épargne des Italiens se trouve dans les compagnies d’assurances italiennes» qui «resteront en Italie» et «décideront de leurs investissements». «Nous créons un nouveau champion de la gestion d’actifs. Mais en fin de compte, les propriétaires d’actifs restent les assureurs, c’est-à-dire Generali, BPCE Assurances ou CNP Assurances. Et ce sont eux, et non les gestionnaires d’actifs, qui décident de l’allocation stratégique des actifs», a abondé Nicolas Namias.
Selon BPCE et Generali, la co-entreprise deviendrait même le premier gestionnaire d’actifs en Europe en termes de revenus, qu’ils évaluent à 4,1 milliards d’euros. Ils estiment le bénéfice net ajusté de la future entité à 700 millions d’euros.
Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO