France : Carrefour continue de céder la gestion de nombreux magasins au grand dam des syndicats
Le distributeur Carrefour a annoncé vendredi aux syndicats prévoir de céder la gestion d’une quarantaine d’hypermarchés et supermarchés en 2025, dans la continuité d’un vaste plan engagé en 2017, poussant la CFDT à attaquer cette décision en justice.
Chaque année depuis l’arrivée du PDG Alexandre Bompard à la tête du distributeur Carrefour en 2017, la direction informe les organisations syndicales d’une nouvelle vague de passage de magasins en franchise et location-gérance, généralement autour de la quarantaine.
À chaque fois, ce sont plusieurs milliers de salariés – près de 4.300 cette année selon CFDT et CGT, cette dernière dénonçant «un carnage» – qui sortent ainsi des effectifs du groupe. Ces salariés perdent après une période de transition tout ou partie de leurs avantages sociaux en rejoignant de plus petites entités juridiques. Vendredi, la direction du groupe a déclaré que «depuis 2018, la location-gérance a prouvé sa capacité à redresser la performance de magasins fortement déficitaires» et qu’aucun hypermarché Carrefour n’avait fermé depuis cette date.
«Nous poursuivrons en 2025 le rythme du passage en location-gérance de magasins que nous ne parvenons pas à redresser dans un mode de gestion intégré», indique Carrefour.
Une tendance qui inquiète
Depuis 2017, ce sont «344 magasins (95 hypermarchés et 249 supermarchés) qui ont ainsi été cédés à des repreneurs et plus de 27.000 salariés qui sont sortis des effectifs» de Carrefour, selon les estimations de la CFDT vendredi. La direction ne donne plus d’informations sur le nombre de salariés directs du groupe en France.
Concernant la performance des magasins passés en franchise et location-gérance, «les retours qu’on peut avoir, c’est que le magasin ne va ni mieux ni moins bien, mais que les effectifs baissent en moyenne de 10%», assure à l’AFP Sylvain Macé, secrétaire national chargé de la grande distribution à la CFDT services.
Cette politique permet aussi à Carrefour de sortir de ses comptes des magasins à la santé financière parfois fragile, retrouvant de la marge de manœuvre pour investir ou pour rémunérer ses actionnaires en dividendes et rachats d’actions. Mais la CFDT, qui dénonce un «plan de restructuration déguisé», a assigné en mars dernier le distributeur en justice. Vendredi, le syndicat a annoncé «assigner dans les jours qui viennent Carrefour en référé», afin d’«empêcher toute nouvelle cession de magasin» dans l’attente d’un jugement sur le fond.
Concernant cette procédure, «le juge a ordonné une médiation, dont le contenu est confidentiel et qui a pris fin le 26 décembre sur un constat d’échec», a indiqué Sylvain Macé.
Batailles juridiques
Ce ne sont pas les seuls procédures judiciaires ciblant le distributeur et son recours à la franchise. Des franchisés, généralement de magasins plus petit format, l’ont également assigné devant le tribunal de Rennes et ont reçu le soutien du ministère de l’Économie dont les services ont estimé que les pratiques de Carrefour vis-à-vis de ses partenaires franchisés sont «caractéristiques de pratiques restrictives de concurrence». L’entreprise conteste vigoureusement.
Par ailleurs, Carrefour et son important franchisé dubaïote Majid Al Futtaim avaient été épinglés en octobre 2024 par l’ONG Amnesty International au sujet de conditions de travail de migrants en Arabie Saoudite. Le distributeur et son franchisé ont diligenté des audits sur le sujet. Carrefour avait assuré que de «premières investigations n’ont pas confirmé les éléments désignés par l’alerte d’Amnesty mais ont révélé d’autres problèmes».
Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO