Cedric Abouchahla. “La soul n’est-elle pas le plus beau visage du jazz ?”
Stéphanie Gaou et Cedric Abouchahla, deux amoureux de la littérature et de la musique, ont décidé de créer un rendez-vous en marge du Festival Tanjazz alliant à la fois cadre et qualité des artistes. Ceux qui font déjà beaucoup pour la culture avec la librairie Les Insolites ont réussi le pari fou de donner du rythme dans toute la ville lors de la 19e édition du plus charismatique des festivals de jazz du 20 au 23 septembre derniers. Un mois plus tard, l’heure est au bilan avec Cédric Abouchahla.
Quel bilan faites-vous de cette première édition du Off Tanjazz ?
Pour une première édition, nous sommes très satisfaits. Près de 1.300 personnes sur les 4 jours si nous comptabilisons l’ensemble des personnes présentes sur 6 concerts. Un public au rendez-vous visiblement content de cette nouvelle proposition artistique à Tanger avec une programmation moderne et très éclectique où la Black Music avait toute sa place mais aussi avec des concerts gratuits à taille humaine.
Comment est née l’idée de créer ce rendez-vous ?
Je voulais depuis déjà un moment organiser des concerts Soul Jazz et funk à Tanger mais je voulais que ces concerts soient spéciaux, organisés dans des lieux ayant une âme avec une ambiance intimiste qui favorise aussi la qualité du son. J’ai essayé de rejoindre l’équipe d’organisation du festival Tanjazz. Sans succès. L’idée du OFF vient de ma femme Stéphanie Gaou. Nous avions envie de faire venir des artistes issus de milieux musicaux tels que la new soul, le new jazz, la bossa, habités par leur art et qui nous faisaient tout simplement vibrer. J’ai toujours eu l’idée d’organiser un événement en privilégiant le cadre (une librairie, une terrasse de restaurant, le patio d’un hôtel, une place de kasbah, etc.) et la qualité dans les choix des artistes. Les artistes du OFF ont déjà participé à de nombreux festivals dans le monde. Myles Sanko, par exemple, est un habitué des scènes jazz du moment : on l’a vu à Tanger, mais il était aussi à Marciac, à Montreux, à Nice Jazz Festival. Tanger mérite de recevoir ces artistes. L’idée du OFF, c’est de permettre une découverte du jazz dans ces différentes expressions et dans différents lieux. Le OFF, c’est un jazz club ambulant.
Pourquoi l’orienter soul en plein festival de jazz ?
Soul signifie âme. Comment envisager le jazz sans la Soul ? La soul n’est-elle pas le plus beau visage du jazz ? Le plus humble, tant les artistes soul sont à nu, leurs voix ouvertes sur nos âmes quand bien des jazzmen se cachent derrière des accords, des chorus qui ne nous parlent pas toujours. Devant une Soulwoman ou un Soulmen, il faut avoir un cœur de pierre pour ne pas être saisi par les émotions. Et les soulmen sont souvent de grands jazzmen.
Comment s’est fait le choix des artistes ?
Je suis allé rencontrer les artistes soit à la fin des concerts où je les avais vus, soit en les contactant directement. L’idée était de proposer une programmation correspondant à un certain esprit du jazz ouvert sur un public pas forcément initié. Je voulais (et je veux toujours) partager une passion et il m’a semblé que la façon la plus adaptée était de donner envie en montrant que le jazz peut être «fun», chic, glamour, élégant avec des artistes qui savent aussi faire le spectacle et entraîner le public avec eux. Beaucoup d’organisateurs de festival se disent ouverts mais en fait ils ne connaissent pas le rapport que le public entretient avec le jazz. Être ouvert n’est-ce pas accepter que le regard des autres soit différent de celui que nous portons sur le jazz ? Pour beaucoup, le jazz est une musique ou d’ascenseur ou d’élite. Face à ces accusations, je réponds souvent que le jazz est une musique d’initiés. Les amateurs de jazz continuent une histoire avec cette musique qui a commencé par un déclic lors d’un concert, une émission de radio, un disque. Il s’agit alors pour chaque nouvel initié d’assouvir quelque chose, de poursuivre une quête, un voyage initiatique.
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Nous avons réussi l’organisation grâce au professionnalisme des lieux accueillants et de leurs équipes et grâce à l’équipe du OFF qui a été réactive, très organisée et d’une grande générosité. Nous n’avons donc pas rencontré de difficultés majeures grâce à l’engagement de nos sponsors.
Pensez-vous déjà à la 2e édition ?
Oui. nous sommes déjà en train d’y travailler.