Traiteurs-Relance économique : la mayonnaise ne prend pas
«Grands oubliés» des mesures de lutte contre la crise sanitaire, les traiteurs n’ont que leurs yeux pour pleurer, à l’heure de la reprise économique. En plus d’un manque de visibilité, la profession, qui n’attire plus les talents, fait face à une pénurie de main- d’œuvre.
Après trois ans de crise «salée», l’heure n’est toujours pas à la fête chez les traiteurs qui continuent à se tourner les pouces. Alors que les réservations se font rares, les clients, peu nombreux, se font encore désirer. En un mot, la reprise économique, devenue une réalité dans certains secteurs, n’est toujours pas au rendez-vous dans les métiers de la restauration.
«Les gens sont toujours dubitatifs du fait du contexte actuel marqué par la cherté de la vie», remarque Hassan Douch. Pour appuyer son propos, le secrétaire général de la Fédération marocaine des traiteurs (FMT) soutient que les denrées alimentaires sont devenues hors de prix. À titre d’exemple, le prix du kilogramme de poulet, qui était de 20 DH il y a quelques jours, est passé à 27 DH/kg.
Par ailleurs, le moral des ménages s’est fortement dégradé au premier trimestre 2022. Ainsi, l’indice de confiance des ménages (ICM) a enregistré son niveau le plus bas depuis 2008, date du début des enquêtes menées par cet organisme, selon une récente enquête du Haut-Commissariat au Plan (HCP).
Selon ce dernier, l’ICM -dont les composantes portent sur la perception de l’évolution du niveau de vie, du chômage, de l’opportunité à effectuer des achats de biens durables et de la situation financière des ménages- s’est établi à 53,7 points fin T1-2022, au lieu de 61,2 points enregistrés le trimestre précédent et 68,3 points une année auparavant.
Si les activités festives, comme les mariages, ont repris, après la levée de l’interdiction des rassemblements récréatifs, l’industrie évènementielle, qui a subi de lourdes pertes durant les deux voire trois années de crise sanitaire, s’attache peu aux services des traiteurs.
«Les rares clients qui font appellent à nos services se limitent à la location de salles et de matériels. Peu de gens sollicitent les traiteurs», explique le secrétaire général de la Confédération marocaine des métiers de bouche (CMMB).
Même la moisson du Ramadan, habituellement bonne, a déçu cette année avec une demande en produits de confiserie, sablés, crêpes et autres pastillas qui a connu un ralentissement important. On le voit bien, les métiers de la restauration ont du mal à sortir la tête de l’eau alors que beaucoup tablaient sur une reprise forte et rapide après la levée de la quasi-totalité des gestes barrières, l’ouverture des frontières et le redémarrage de certaines activités souvent adossées à ces métiers.
Hélas, c’est plutôt le contraire qui semble s’être produit ! «Nous avons récupéré à peine 10 à 15% de nos activités de 2019», constate Douch avec amertume. Et de poursuivre : «Aujourd’hui, les traiteurs n’ont aucun espoir. J’ai vu des gens fuir, divorcer d’avec leurs épouses, mettre la clé sous la porte. Certains sont même allés en prison parce qu’acculés par leurs créanciers.»
Douch enfonce le clou en rappelant que cette corporation n’a bénéficié d’aucune aide de la part de l’État. Selon lui, «ces aides ont bénéficié seulement à celles et ceux qui sont affiliés à la CNSS». Ce qui s’apparente à un manque de considération, conjugué aux effets dévastateurs de la crise qui pèsent encore sur l’activité des traiteurs, menace désormais toute la profession.
En effet, les traiteurs, tout comme les restaurateurs, sont confrontés à un manque de personnel. «On a du mal à trouver des serveurs pour gérer le peu de commandes que nous avons. Tous nos collaborateurs sont partis se reconvertir dans d’autres métiers», déplore notre interlocuteur.
En réalité, c’est tout le secteur de l’hôtellerie-restauration qui est concerné par la pénurie de main d’œuvre. Une situation qui s’explique par un recrutement moindre de nouveaux salariés alors que les besoins sont importants. Le manque d’attractivité et la nouvelle tendance chez les chercheurs d’emplois -de plus en plus en quête de flexibilité- ne jouent pas en faveur des employeurs.
Pour attirer les jeunes talents, les professionnels vont devoir offrir des opportunités d’épanouissement et un environnement de travail positif et souple, en plus de disposer d’une vision d’avenir claire. Au plus fort de la crise, ils avaient demandé au gouvernement d’adopter des décisions sociales et économiques dans le cadre du projet de loi de Finances 2022 afin de préserver les emplois et d’atténuer les impacts sociaux et économiques subis par le secteur en raison des mesures restrictives. Avec, là encore, une fin de non recevoir.
«Les rares clients qui font appellent à nos services se limitent à la location de salles et de matériels. Peu de gens sollicitent les traiteurs».
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO