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Investment Grade : le retour de la confiance

En retrouvant son statut Investment Grade, le Maroc signe un retour remarqué sur la scène financière internationale. La décision de S&P Global Ratings, récompense quatre années d’efforts budgétaires et de réformes structurelles. Elle ouvre une nouvelle ère de confiance, marquée par la baisse du coût de la dette, la réévaluation des actifs marocains et l’émergence du Royaume comme hub financier de référence en Afrique.

Le Maroc vient de regagner une place qu’il convoitait depuis quatre ans. S&P Global Ratings a récemment relevé la note souveraine du Royaume à BBB-/A3 (perspective stable), lui restituant son statut Investment Grade perdu au plus fort de la pandémie.

Cette décision, rare parmi les économies émergentes, marque un tournant stratégique dans la trajectoire financière du pays. Pour BMCE Capital Global Research (BKGR), ce retour à l’Investment Grade «illustre la confiance retrouvée des marchés mondiaux après quatre années de consolidation budgétaire et de réformes structurelles soutenues».

Une reconquête fondée sur la rigueur et la résilience
Ce relèvement de note n’est pas le fruit du hasard. Il consacre une séquence de réformes budgétaires et monétaires qui ont permis au Maroc de redresser ses comptes publics tout en stabilisant son cadre macroéconomique. Après un déficit qui avait culminé à –7% du PIB en 2020, le ratio devrait revenir à –3% dès 2026, tandis que la dette publique, actuellement proche de 70% du PIB, devrait retomber sous 60% à l’horizon 2028.

Selon BKGR, cette évolution «traduit une trajectoire crédible de redressement des finances publiques, soutenue par une croissance robuste et une inflation maîtrisée». Les projections tablent sur une croissance moyenne de 4% entre 2025 et 2028, portée par la consommation, l’investissement et la montée en puissance des exportations dans l’automobile, l’aéronautique, l’électronique et le tourisme.

L’inflation, redescendue autour de 2%, se situe désormais «nettement en dessous de la moyenne des pays émergents comparables», souligne BKGR.

La crédibilité de Bank Al-Maghrib, engagée dans une transition vers le ciblage de l’inflation, a également pesé dans la décision de S&P. À cela s’ajoutent la diversification industrielle et la création du Fonds Mohammed VI pour l’Investissement, considéré comme un levier central pour financer des projets à fort impact et soutenir l’innovation.

Le retour à l’Investment Grade a produit un effet immédiat sur les marchés obligataires. Les spreads souverains se sont compressés de près de 120 points de base depuis le début de 2025, et certaines lignes d’Eurobonds ont vu leur prix progresser de 9 à 10% sur six mois. BKGR note que cette détente du risque souverain s’est traduite par «un allègement concret du coût de financement du Trésor».

En mars 2025, le Maroc avait levé des fonds sur les marchés internationaux à un spread de 220 pbs ; désormais, les émissions pourraient se faire autour de 110 à 120 pbs, soit deux fois moins. De plus, le Maroc devient le seul émetteur africain noté Investment Grade par S&P, ce qui lui confère une prime de rareté régionale très recherchée par les investisseurs internationaux.

«Ce statut unique renforce l’attractivité du Royaume face à ses pairs, tels que l’Afrique du Sud, la Turquie ou l’Égypte, encore classés non-IG», analyse BKGR.

Cette amélioration de la perception du risque ne se limite pas au souverain, elle entraîne un effet halo pour les grands émetteurs comme OCP ou les banques, susceptibles de bénéficier d’un coût de financement plus bas sur les marchés internationaux.

Des retombées attendues sur la Bourse de Casablanca
La reconnaissance du profil macro-financier du Maroc se reflète également dans le marché actions. Le reclassement en catégorie IG permet de réduire la prime de risque actions, ce qui soutient mécaniquement les valorisations. L’expérience internationale plaide en ce sens : quand l’Indonésie avait retrouvé son statut Investment Grade en 2011, son indice boursier avait progressé de 12% en trois mois.

Selon BKGR, cette dynamique pourrait «ouvrir la voie à un re-rating progressif de la place casablancaise». Des fonds multi-actifs auparavant exclus du marché peuvent désormais renforcer leur exposition, améliorant ainsi la liquidité d’un marché historiquement étroit.

À moyen terme, cette attractivité pourrait favoriser la réintégration du Maroc dans l’indice MSCI Emerging Market, aujourd’hui réservé aux marchés les plus matures. Les secteurs les plus exposés devraient être les premiers à en bénéficier, notamment les banques, grâce à un environnement de taux plus favorable, le BTP et les infrastructures, soutenus par les chantiers de la CAN 2025 et de la Coupe du monde 2030, l’automobile et l’énergie, qui profitent de la reprise des investissements et de la confiance des investisseurs étrangers.

BKGR estime que «ce positionnement consolide le rôle du Maroc comme hub Investment Grade africain, doté d’un poids économique et d’un marché financier bien plus significatifs que ceux de Maurice ou du Botswana».

Une trajectoire à préserver
Pour autant, le rapport reste prudent. Le principal défi désormais est de maintenir ce nouveau statut dans la durée. BKGR prévient que «la durabilité de la note dépendra de la continuité des réformes, de la stabilité macroéconomique et de la capacité à approfondir les marchés financiers domestiques». Les risques ne manquent pas, volatilité internationale, chocs climatiques, ralentissement de la croissance mondiale. Mais la crédibilité reconquise, soutenue par un cadre institutionnel solide et une vision d’investissement à long terme, offre au Maroc un avantage comparatif rare dans le paysage africain.

Ce retour à l’Investment Grade ne se limite pas à une distinction symbolique. Il abaisse durablement le coût de la dette, améliore la perception du risque souverain et renforce l’attractivité du pays auprès des capitaux étrangers. Le Royaume s’installe ainsi dans le club très fermé des économies émergentes jugées stables et prévisibles.

En conclusion, BMCE Capital Global Research résume cette étape comme «la reconnaissance d’une trajectoire crédible et soutenable où discipline budgétaire, résilience économique et attractivité internationale se conjuguent». L’enjeu, désormais, est de transformer cette reconquête de la confiance en levier de croissance durable, afin que le Maroc conserve durablement sa place dans la cour des économies Investment Grade.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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