Éco-Business

Textile & habillement : “L’Inditexo-dépendance” vire au cauchemar !

Avec 60% de part de marché des textiliens marocains dirigés vers l’Espagne, exclusivement vers le groupe Inditex, l’onde de choc de la baisse brusque des commandes du groupe espagnol est violente, et des inquiétudes commencent à s’installer quant à la dépendance drastique de tout un secteur à un seul client. Détails ! 

Les résultats d’Inditex, pour le troisième trimestre 2022, viennent d’être publiés ! Et ce que l’on peut en retenir est que le géant espagnol du vêtement, propriétaire des marques Zara, Zara Home, Stradivarius, Massimo Dutti, Bershka, Pull And Bear, ou encore Oysho, a su tirer son épingle du jeu dans un contexte marqué par la stagnation des volumes à l’importation de textile et cuir des européens, comme relevé dans Les Inspirations Éco n°3244 du jeudi 8 décembre 2022.

Ainsi, son bénéfice net grimpe de près de 6% au troisième trimestre, malgré l’impact de la forte inflation et de la guerre en Ukraine sur son activité. Sur la période qui s’est achevée le 31 octobre, en raison d’un exercice décalé, le leader mondial de l’habillement bon marché a dégagé 1,3 milliard d’euros de bénéfices, contre 1,23 milliard un an plus tôt, et un chiffre d’affaires de 8,2 milliards d’euros.

Sachant que nous expliquions – dans Les Inspirations Éco n°3173 du lundi 29 août 2022 – qu’une «bonne partie des exportations des textiliens marocains à destination de l’Europe sont des commandes Inditex», que «depuis la crise du Covid-19, Inditex à opéré un retour “tsunamique” sur le Sourcing Maroc», qu’historiquement, «le sourcing Inditex était concentré sur Tanger et que, dorénavant, Casablanca et Fès sont noyées de commandes Inditex», la question est de savoir si, dans une conjoncture pareille, le carnet de commandes d’Inditex, gros donneur d’ordres sur le marché marocain, a été affecté.

Comment interpréter le bénéfice net qu’affiche le géant espagnol du vêtement, qui grimpe de près de 6% au troisième trimestre 2022 ? Contactée par nos soins, une source proche de l’AMITH nous livre des nouvelles fraîches sur la réalité des textiliens nationaux. Ainsi, le flux de commandes accueilli avec enthousiasme par les fabricants marocains au premier semestre 2022 se serait estompé à partir du mois de septembre avec une baisse très importante.

«La plupart des fabricants ont vu leurs chaînes de production s’arrêter brutalement. Avec 60% de part de marché dirigée vers l’Espagne, donc exclusivement vers le groupe Inditex, l’onde de choc fût violente et des inquiétudes commencent à s’installer quant à la dépendance drastique de tout un secteur à un seul client, qui est Inditex. L’inquiétude a grandi d’autant plus que les commandes de ce client ont envahi toutes les Régions du Maroc. Tanger fût précurseur et la chasse gardée d’Inditex, puis ce fût Fès, Meknès, Taza, Guercif et Casablanca qui furent prises dans l’engrenage de la dépendance au client Inditex». .

  Un engrenage accéléré et exacerbé par le digital
Selon notre source, depuis 2015, Inditex a opéré une politique de rationalisation de ses stocks en intégrant la technologie RFID dans les étiquettes des vêtements pour suivre les flux logistiques en temps réel. «Ceci a permis au groupe de commander d’une manière optimisée et ne plus subir les aléas des stocks d’invendus. Ceci d’un côté, d’un autre côté, Inditex a pu optimiser son sourcing et opérer une diminution de commandes sur le pourtour méditerranéen au bénéfice d’un sourcing en Asie. Ceci, à contre-courant de la politique du Nearshoring opérée par les autres marques». Résultat : la consolidation du Sourcing en Asie permet au groupe Inditex de maintenir ses marges et même de les améliorer en sollicitant toujours des prix bas, au grand dam des textiliens marocains.

 D’où venaient les commandes qui ont inondé les fabricants marocains au premier semestre 2022 ?
Après ce qui précède, l’on se pose la question de savoir d’où viennent alors les commandes qui ont inondé nos fabricants au premier semestre 2022 ?  Sur le pourtour méditerranéen, Inditex s’approvisionne au Portugal, en Turquie, en Tunisie et au Maroc. Soulignons que le Portugal est le premier pays historique chez qui Inditex a démarré son Sourcing.

D’ailleurs, le groupe continue à le maintenir dans sa carte de Sourcing. Par contre, si ce pays est compétitif dans la production des tissus, il ne l’est plus en confection. Comme l’explique notre spécialiste, «avec un salaire minimum qui sera porté en 2023 à 875€ brut par mois, le Portugal ne peut pas correspondre aux attentes des acheteurs d’Inditex car ceux-ci sollicitent des prix de plus en plus bas». Pour ne pas se faire larguer sur ce business, les industriels portugais sont alors venus au Maroc pour sourcer des capacités de confection. Ainsi, une très grande partie des commandes – qui sont produites au Maroc pour le groupe Inditex – viennent du Portugal.

Ceci explique l’engouement sur les capacités de production marocaine sollicitées, en même temps, par les plateformes espagnols de Inditex et aussi par les industriels portugais, à la recherche d’un coût minute le plus bas possible. À titre d’information, plusieurs plateformes espagnoles, notamment Nikole, Stear, Fios Hampton, Denllo, Samlor, Glencare, Goa, Zintura, Trisko, Comditel, Indipunt, Choolet, alimentent les textiliens marocains en sous-traitance à coût de dizaines, voire de centaines de millions d’euros.

Du côté portugais, plusieurs industriels font du sourcing de la confection au Maroc. Les plus connus sont Pocargil, Polo Piqué, FSM, Ramiro, Petratex. C’est en cela que l’organisation du Salon Maroc in Mode (MIM), dont la 19e édition prend ses quartiers à Tanger du 14 au 17 décembre 2022, offre une opportunité aux confectionneurs marocains qui souhaitent diversifier leurs clients et leurs marchés pour sortir de cette dépendance au client unique Inditex, «d’autant plus que, dans la stratégie de ce dernier, le Maroc est un Sourcing tampon à solliciter en cas de besoin. Ce qui génère des arrêts sporadiques auprès des confectionneurs», explique notre source.

Demander une contrepartie à chaque concession

La négociation est au cœur de l’activité commerciale. Loin d’être un art inné, elle se base sur des bonnes pratiques, héritées des meilleurs vendeurs. Dans bon nombre de négociations commerciales, l’on doit à un moment ou à un autre faire une concession.

Cependant, la clé d’une bonne négociation commerciale est de toujours demander une contrepartie à son interlocuteur lorsque l’on fait une concession de son côté. Par exemple, si votre prospect négocie le prix de vente de votre produit, acceptez son prix, mais demandez-lui de vous commander un plus grand volume de marchandises, ou vice-versa. Et lorsqu’on est un gros client, obtenir de telles contreparties est courant.

Ainsi, en étant le client principal et incontournable au Maroc, Inditex a pu bénéficier de prix très compétitifs. Au vu de ce qui précède, l’on pourrait se poser la question de savoir quelle valeur ajoutée engrange le Maroc dans une telle collaboration ? «Qui va payer le manque à gagner résultant de l’arrêt brutal des chaînes de production? Qu’adviendra-t-il des opératrices et opérateurs machine, et comment seront-ils payés ? Ne risque-t-on pas de les voir migrer vers d’autres secteurs, ce qui va sonner à moyen terme le glas de tout un secteur?» s’interroge un analyste.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO



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