Éco-Business

Tabac : Le débat blond/brun continue

Après Next de Philip Morris, la Commission d’homologation du tabac a décidé d’augmenter le prix de Fox, la marque phare de l’ex-Régie des tabacs. Une décision qui remet sur la place plus d’une question.

La dernière livraison du Bulletin officiel, publiée mercredi 15 février, a apporté une mauvaise nouvelle à la Société marocaine des tabacs (SMT). Mohamed El Ouafa, ministre des Affaires économiques et de la gouvernance et président de la Commission d’homologation du tabac, a décidé d’augmenter le prix de Fox, la marque phare de la société, de 12 à 20,50 DH. Motif : la marque reclassée contiendrait une grosse part de tabac blond, alors qu’elle a été homologuée et commercialisée dans la gamme du tabac brun. La décision, effective à partir du 15 février 2017, soit le jour même de sa publication au BO, prend tout le monde de court. Conformément à la loi sur le tabac, la Commission d’homologation tient deux réunions par an pour statuer sur le lancement de nouvelles marques ou la hausse des prix (le 1er janvier et le 1er juin). Quid de cette décision alors ? «Certes, la décision vient d’être publiée au BO, mais elle a été prise le 31 décembre dernier, lors de la réunion de la Commission d’homologation, conformément aux dispositions de la loi. Le décalage vient du fait qu’il y avait plusieurs paramètres à prendre en compte : il fallait informer la Société marocaine des tabacs pour qu’elle prenne ses dispositions, la Douane aussi devait prendre en compte la décision en ce qui concerne le marquage fiscal…. », nous explique Mohamed El Ouafa. Toujours est-il que la décision a été actée au BO le 30 janvier.

Tromperie sur la marchandise
Dans tous les cas, la décision remet les pendules à l’heure dans un secteur très concurrentiel. Le coup sera dur pour la SMT. «Très mal au point après le non renouvellement du contrat de production, distribution et commercialisation de Marlboro avec Philip Morris, la SMT a pu reprendre du poil de la bête grâce à Fox. Aujourd’hui, la question de la pérennité de l’outil industriel de l’entreprise se pose avec acuité», commente un fin connaisseur du secteur. L’arrêt de la commercialisation de Fox est fort probable, ajoutera-t-il. Commercialisée à 20,50 DH, la marque devra jouer dans la cour de Marquise (20,50 dirhams), Chesterfield (20 dirhams), Rothmans (20 dirhams), Gauloise (22 dirhams).

À en croire les professionnels, ce sera peine perdue. D’ailleurs, Fox n’est pas la première à connaître ce sort. En mai 2015, la Commission d’homologation avait donné le feu vert à Philip Morris pour commercialiser sa nouvelle marque, Next. Elle a aussi été homologuée comme étant à base de tabac brun et vendue à 15 DH. Quelques semaines après son lancement, la marque a connu une ascension fulgurante en s’adjugeant plus de 8% de parts de marché. La Commission d’homologation a dû donc revoir ses cartes en reclassant Next en tabac blond et dont le prix a été revu à la hausse pour s’aligner sur celui de Marquise (20,50 DH). Depuis lors, elle a dégringolé au profit des autres marques.

Nerf de la guerre
Pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette guerre sans merci à laquelle se livrent les géants mondiaux opérant au royaume, il faut remonter à 2013. Durant cette année, le Maroc avait adopté une fiscalité différente pour le tabac blond et le tabac brun. À titre d’illustration, pour le paquet de 12 DH du tabac brun, les taxes oscillent entre 7 et 8 DH, tandis que pour le tabac blond, le paquet qui coûte 20 DH est taxé à hauteur de 14 à 15 DH. Une différence que les professionnels estiment aberrante et que l’État justifie par la protection des producteurs locaux. Mais dans cette configuration, le tabac brun est plus intéressant, fiscalement parlant, pour les opérateurs. «Les industriels ne font qu’adapter leurs stratégies aux nouvelles règles du jeu. Si on peut contourner la fiscalité, qui reste l’une des plus chères au monde, pourquoi s’en priver», concède un haut cadre d’un opérateur de tabac, sous couvert d’anonymat.


Mohamed El Ouafa
Ministre des Affaires générales et de la gouvernance

Les Inspirations ÉCO : La décision d’augmenter les prix de la marque Fox intervient en dehors du délai fixé par la loi pour la réunion de la Commission d’homologation. Pourquoi ?
Mohamed El Ouafa : Il est vrai que la décision vient d’être publiée au Bulletin officiel, mais elle a été prise le 31 décembre dernier, lors de la réunion de la Commission d’homologation, conformément aux dispositions de la loi. Le décalage vient du fait qu’il y avait plusieurs paramètres à prendre en compte : il fallait informer la Société marocaine des tabacs pour qu’elle prenne ses dispositions, la Douane aussi devait prendre en compte la décision en ce qui concerne le marquage fiscal…

Mais, au fond, qu’est-ce qui justifie la hausse du prix de Fox ?   
D’abord, ce n’est pas une augmentation du prix. Il s’agit d’un alignement de la marque sur les prix de celles de sa catégorie. Le produit en question a été déclaré tabac brun alors qu’il s’agit d’un tabac blond. C’est la conclusion de nos analyses. Nous avons traité de cette manière un autre produit (la marque Next) qui a connu le même sort. Il s’agit là d’une fausse déclaration qui se traduit par un manque à gagner énorme pour l’État en termes de recettes fiscales.

Le PLF 2017 contient une définition du tabac brun. L’avez-vous prise en compte dans cette décision ?
Avant, nous faisions foi dans la déclaration des opérateurs qui souhaitaient introduire de nouvelles marques. Dorénavant, toute demande sera passée au peigne fin, analyses et contre-expertises à l’appui, avant de prendre la décision. Les enjeux sont très grands et il faut verrouiller le circuit d’approbation des nouvelles marques.  



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