Risques systémiques : le CCSRS confirme la stabilité du système financier
Le Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques (CCSRS) salue la résilience du système financier, portée par les performances solides du secteur bancaire, malgré les fragilités que traduisent certains indicateurs macroéconomiques.
Fidèle à sa mission, le Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques (CCSRS) a rendu son verdict à l’issue de sa 20e réunion, se voulant rassurant quant à la solidité du système financier. Cette posture tranche avec une conjoncture internationale marquée par des tensions géopolitiques persistantes et un niveau élevé d’incertitudes, exacerbée notamment par les conflits en cours à Gaza, en Syrie et en Ukraine, outre les bouleversements liés à l’arrivée imminente du nouveau locataire de la Maison Blanche.
Ces éléments, abordés lors du dernier point de presse d’Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, mettent en lumière les répercussions potentielles sur la stabilité des matières premières et, par ricochet, sur les indicateurs macroéconomiques.
Dans ce contexte incertain, l’économie nationale fait preuve de résilience tout en montrant des signes de ralentissement. Selon les projections de Bank Al-Maghrib, la croissance économique devrait passer de 3,4% en 2023 à 2,6% en 2024, avant de connaître un coup de boost à 3,9% au cours des deux prochaines années. Ce fléchissement est attribuable au retard des précipitations, un facteur déterminant dont dépend l’équilibre fragile du secteur agricole.
Toutefois, une note positive émerge sur le plan de l’inflation, qui poursuit sa décélération. La hausse généralisée des prix devrait s’établir à 1% en moyenne à la fin de 2024, contre 6,1% en 2023, avant de se stabiliser à des niveaux modérés de 2,4% en 2025 et 1,8% en 2026. Cette évolution a conduit la banque centrale à réduire son taux directeur de 25 points de base, le ramenant à 2,5%.
«Compte tenu de l’évolution de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix et au regard des fortes incertitudes qui entourent les perspectives à moyen terme notamment au plan international, le Conseil a décidé de réduire le taux directeur de 25 points de base à 2,50%», précisait Abdellatif Jouahri lors du dernier conseil de BAM.
Sur le volet des comptes extérieurs, le déficit du compte courant devrait se maintenir, s’établissant à moins de 2% du PIB d’ici 2026. Pour leur part, les avoirs officiels de réserve se renforceraient graduellement pour atteindre 400,2 milliards de dirhams à la même échéance, soit l’équivalent de près de 5 mois et 8 jours d’importations de biens et services.
Cette dynamique s’accompagne d’une consolidation budgétaire progressive : le déficit budgétaire, hors produit de cession des participations de l’État, devrait passer de 4,5% du PIB en 2023 à 4,2% en 2025, puis à 3,9% en 2026.
L’endettement du Trésor, quant à lui, devrait s’établir à 70,5% du PIB en 2024, avant de diminuer progressivement pour atteindre 68,7% en 2026. Parallèlement, la reprise du crédit bancaire se profile comme un levier central de cette dynamique économique. La croissance projetée du crédit atteindrait 3,8% en 2024, avant de s’élever à 5,5% en 2026.
Ce réajustement traduit un regain de confiance des agents économiques, soutenu par une activité en expansion modérée et par les baisses successives du taux directeur.
«La réduction successive du taux directeur traduit une volonté claire de soutenir la consommation et d’atténuer les effets de l’inflation», souligne Driss Fedou, président du directoire de Wafasalaf.
Cette reprise s’illustre particulièrement dans le crédit à la consommation, notamment dans le secteur automobile, porté par l’augmentation des prix des véhicules et les récentes augmentations salariales. Cette dynamique monétaire se reflète également dans les performances du secteur bancaire, qui affiche une augmentation notable de 17,3% de son résultat net agrégé au premier semestre 2024. Les banques affichent des fonds propres solides, bien au-delà des seuils réglementaires, preuve de leur capacité à résister aux crash-tests.
Cette résilience s’étend aux infrastructures des marchés financiers et au secteur des assurances, qui affiche une progression de 4,5% des primes émises à fin octobre 2024.
Bull market
La Bourse de Casablanca poursuit, pour sa part, son élan haussier, avec un Masi qui s’est bonifié de 22% depuis le début de l’année. Le niveau de volatilité moyen s’établit à 9,87 %, en hausse par rapport aux 6,87% enregistrés au premier semestre. Le PER global, à 17,7x, reste inférieur à sa moyenne historique de 20x, un signal de valorisations toujours modérées malgré une hausse notable des bénéfices des entreprises cotées.
Cette performance s’accompagne d’une amélioration de la liquidité du marché, dont le ratio atteint 11,48% à fin novembre, contre 9,50% un an plus tôt, confirmant un retour progressif des flux et une meilleure profondeur de marché.
Farid Mezouar, directeur exécutif de FL Markets, attribue cette dynamique à l’impact des grands chantiers liés à la Coupe du monde 2030, qui soutiennent des secteurs tels que l’hôtellerie et le transport. Néanmoins, le franchissement des 15 000 points par le MASI reste à nuancer, car, replacé dans une perspective historique, cet indice revient tout juste à son niveau d’avant la crise des subprimes de 2008.
Ces performances sur le marché boursier s’inscrivent dans un contexte global où le Royaume consolide sa crédibilité financière depuis sa sortie de la liste grise du GAFI et les efforts consentis en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Un signal fort qui conforte le positionnement du Maroc comme acteur fiable sur la scène financière internationale.
Marché obligataire : la dette privée surclasse les BDT
L’encours de la dette privée, à fin novembre 2024, culmine à 272,2 milliards de dirhams, en appréciation de 8,3% par rapport à il y a un an, contrastant avec les émissions de bons du Trésor (BDT), qui chutent de 25,7 % à 169,2 milliards, contre 239,8 milliards de dirhams une année auparavant. Ce basculement s’explique par la baisse, sur la même période, des taux, notamment sur le marché secondaire, qui réduit l’attractivité des BDT.
Les investisseurs, en quête de meilleurs rendements, se tournent vers la dette privée, profitant d’un marché porté par des conditions de financement favorables et une confiance accrue dans les émetteurs privés.
Parallèlement, l’endettement net des émetteurs non financiers par appel public à l’épargne reste maîtrisé, s’établissant à 55% des fonds propres pour les émetteurs cotés et à 85% pour les émetteurs non cotés. Cette discipline, conjuguée à la recherche de meilleurs rendements par les investisseurs, favorise un afflux vers la dette privée.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO