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Fiscalité immobilière : comment la DGI révolutionne la sécurité juridique des MRE

Alors que l’échange automatique de données (CRS/DAC2) intensifie les contrôles transfrontaliers de part et d’autre de la Méditerranée, le moment est idoine pour braquer nos projecteurs sur le pavé lancé par le Maroc dans la mare fiscale internationale avec l’avis préalable en matière d’impôt sur le revenu au titre des profits fonciers (IR/PF). Un mécanisme qui transforme l’incertitude en prévisibilité opérationnelle pour les MRE.

Alors que l’Europe et le Maroc intensifient leur coopération fiscale via l’échange automatique de données (CRS, DAC2), les MRE détenteurs de biens immobiliers non déclarés font face à des risques accrus. Entendez par CRS (Common reporting standard), une norme internationale développée en 2014 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui établit un standard pour l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers entre pays participants.

La DAC2 (Directive administrative sur la coopération, deuxième amendement) est, pour sa part, une directive européenne, adoptée en 2014, qui transcrit l’obligation de mise en œuvre du CRS dans la législation des États membres de l’Union européenne.

Dans ce paysage, le Guide fiscal 2025 des Marocains résidant à l’étranger, récemment publié par la DGI, offre un outil stratégique : la demande d’avis préalable en matière d’impôt sur le revenu au titre des profits fonciers (IR/PF). Ce dispositif, analysé ici sous l’angle de la sécurité juridique et des enjeux économiques, révèle une volonté marocaine de transparence.

Que dit le mécanisme de l’avis préalable ?
Le guide établit que tout contribuable soumis à l’IR sur profits fonciers peut solliciter un avis préalable de l’administration fiscale concernant le calcul du profit foncier net imposable, le montant de l’impôt dû ou l’éligibilité à une exonération.

Cette demande, soumise impérativement sous 30 jours après le compromis de vente par voie électronique, exige un ensemble de pièces justificatives incluant le compromis de vente, le contrat d’acquisition, les justificatifs des frais excédant 15% du prix d’achat, et les documents attestant des dépenses d’investissement ou des liens de parenté pour les cessions gratuites. Comme le précise le guide, «le contribuable peut joindre toute information justifiant les spécificités de l’opération, notamment la description détaillée du bien, sa situation, sa consistance».

Un mécanisme qui transforme l’incertitude fiscale en prévisibilité opérationnelle. En imposant une documentation exhaustive, la DGI combat simultanément les pratiques opaques (comme les paiements partiels en espèces ou les transferts via intermédiaires) et offre aux MRE un cadre sécurisé pour anticiper leurs obligations. Il incarne ainsi une modernisation proactive de la relation contribuable-administration, alignée sur les exigences de traçabilité internationale.

Cas des indivisions : une approche pragmatique
Le guide consacre une section spécifique aux copropriétaires en indivision, soulignant que chaque co-indivisaire doit déclarer séparément sa part des profits immobiliers et verser l’impôt correspondant, tout en ayant la faculté de demander un avis préalable individualisé sur sa quote-part nette imposable. Une disposition qui répond aux réalités complexes du patrimoine immobilier marocain.

Elle prévient efficacement les conflits entre héritiers ou investisseurs associés en clarifiant les responsabilités fiscales individuelles, tout en renforçant la traçabilité exigée par les autorités européennes dans le cadre de la lutte contre la fraude transfrontalière. Une approche pragmatique qui transforme l’indivision, traditionnellement source de litiges, en un schéma structuré compatible avec les normes de transparence mondiales.

Équilibre entre efficacité et sécurité
Le dispositif d’avis préalable instaure un cadre temporel rigoureux où l’administration fiscale s’engage à répondre dans un délai maximal de 60 jours suivant la réception de la demande, tandis que l’attestation de liquidation ou d’exonération délivrée conserve sa validité pendant une période strictement limitée à six mois. Un double verrou chronologique qui crée un équilibre stratégique.

Le délai de réponse contraint incite les contribuables à régulariser rapidement leurs dossiers, réduisant ainsi les risques de contentieux fiscal, tandis que la fenêtre de validité de six mois offre une sécurité transactionnelle suffisante pour finaliser les opérations immobilières sans précipitation excessive.

Un agencement qui sert simultanément l’efficacité du contrôle fiscal et la fluidité du marché, en évitant tant la paralysie administrative que les prolongations propices aux manipulations. Disons qu’il reflète une conception moderne de la relation fiscale, où la célérité ne sacrifie pas la rigueur, et où la prévisibilité devient un levier de conformité volontaire.

Ce que cela révèle sur le Maroc
Le mécanisme d’avis préalable constitue un révélateur puissant de la stratégie fiscale marocaine contemporaine. Premièrement, il matérialise un alignement volontariste sur les standards internationaux de l’OCDE et de l’UE, notamment via la formalisation des échanges préalables avec le contribuable, répondant ainsi aux exigences de traçabilité du CRS et des accords DAC2.

Deuxièmement, il démontre une volonté d’attirer les investissements légitimes en réduisant l’incertitude fiscale, sécurisant ainsi les non-résidents – particulièrement les MRE qui dominent le marché immobilier dans certaines localités et régions – par la suppression de l’arbitraire administratif.

Troisièmement, il fonctionne comme un outil de souveraineté : face aux pressions européennes accrues, le Maroc affirme sa capacité à réguler son marché immobilier de manière autonome, sans dépendance exclusive aux données étrangères.

Comme l’analyse un fiscaliste, «ce dispositif marque une mutation de la logique marocaine. Le passage d’un contrôle a priori coercitif à une prévention collaborative. L’avis préalable agit comme un filet de sécurité pour les contribuables de bonne foi, tout en ciblant efficacement les montages frauduleux par une transparence structurée». Cette approche positionne le Royaume comme un acteur fiscal agile, conciliant ouverture aux capitaux transfrontaliers et affirmation de sa souveraineté normative.

La compliance intelligente : nouveau paradigme fiscal

En 2025, l’enjeu stratégique pour les détenteurs de biens immobiliers transfrontaliers n’est plus la dissimulation, mais l’adoption d’une compliance intelligente, dont la demande d’avis préalable de la DGI constitue la manifestation opérationnelle.

Ce dispositif incarne une triple révolution : d’abord, il remplace l’incertitude par une anticipation calculée, permettant au contribuable de sécuriser son imposition avant toute transaction ; ensuite, il instaure un dialogue structuré avec l’administration, transformant une relation traditionnellement verticale en partenariat préventif ; enfin, il fusionne rigueur procédurale et efficacité économique en réduisant les coûts cachés des contentieux et les risques de double imposition.

Dans un contexte marqué par l’échange automatique de données (CRS/DAC2), cette démarche proactive devient un levier concurrentiel. Elle permet aux bénéficiaires, notamment les MRE, d’optimiser leur patrimoine dans un cadre légal renforcé, tout en répondant aux exigences des autorités européennes.

Ce mécanisme consacre donc la fin de l’opacité comme stratégie patrimoniale. Sa valeur réside dans sa capacité à transformer la contrainte fiscale en avantage structurant pour les investissements durables. Ainsi, le Maroc positionne la prévisibilité comme socle d’un marché immobilier résilient, où la transparence n’est plus une menace mais un gage de souveraineté économique.

Un levier pour une économie immobilière apaisée

La demande d’avis préalable en IR/PF, telle que structurée par la DGI, est un signal fort envoyé aux détenteurs de biens immobiliers au Maroc. Elle concilie sécurité juridique pour les investisseurs confrontés à des règles complexes ; efficacité administrative grâce à la dématérialisation et aux délais encadrés ; et compatibilité internationale indispensable dans l’ère post-CRS.

Dans un contexte où le Maroc cherche à capter les capitaux étrangers tout en respectant ses engagements internationaux, ce mécanisme apparaît comme une pièce maîtresse d’un écosystème fiscal modernisé. Les MRE et autres contribuables gagneraient désormais à l’utiliser non comme une option, mais comme une étape incontournable de leur stratégie patrimoniale transfrontalière.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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