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Quelle gouvernance pour une meilleure justice sociale

Le débat autour des moyens susceptibles de réorienter les finances publiques vers la réduction des inégalités bat son plein pas seulement au Maroc mais partout dans le monde. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre exigence de croissance et l’inclusivité que cette même croissance est censée apporter.

«Finances publiques et justice sociale», c’est le thème du 12e colloque des finances publiques, organisé, vendredi à Rabat, conjointement par le ministère de l’Économie et des finances et la Fondation internationale de finances publiques (Fondafip). Il est rare, parfois audacieux de s’aventurer dans les intersections de deux domaines qui au premier abord paraissent complètement distincts. Mais le thème, comme l’a dit fort à propos Mohamed Benchaâboun, ministre des Finances, s’inscrit aujourd’hui dans les préoccupations de la plupart des pays. «Plusieurs rapports et études font ressortir une montée des inégalités et une déficience de la cohésion sociale des pays du monde auxquelles s’ajoute une accentuation des inégalités territoriales, spatiales, des revenus, en matière d’éducation et par rapport au genre», a-t-il expliqué. Comment alors les pouvoirs de l’État peuvent-ils agir pour faire des finances publiques un vecteur de justice sociale et non pas le contraire ? Tout en rappelant les orientations du souverain dans son dernier discours du trône, le ministre a souligné qu’il est de la responsabilité de tous les acteurs, gouvernement, Parlement, opérateurs économiques et société civile de porter une attention particulière aux questions sociales et aux besoins des citoyens en garantissant la pleine accessibilité de tous. Et d’ajouter que les causes de creusement des inégalités sont multiples et seule une approche globale serait adéquate.

En effet, le Maroc, comme le reste du monde, connaît des inégalités et les pouvoirs publics en sont conscients. Dans le domaine social, beaucoup de chemins reste à faire. Il est clair que le Maroc a mis en œuvre plusieurs projets : lancement en 2005 de l’INDH, le programme de lutte contre la précarité, le fonds de cohésion sociale, le programme Tayssir qui est une aide conditionnée aux familles pour lutter contre l’abandon scolaire. Mais l’État ne peut continuer à lui seul de lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités à travers les seules ressources financières du Budget. Benchaâboun a expliqué dans ce sens que «les contraintes de l’État et plus particulièrement celles liées à la mobilisation des recettes fiscales et aux niveaux du déficit budgétaire et de l’endettement du Trésor laissent peu de marges de manœuvre pour l’instauration d’une meilleure justice sociale». Il s’agit de mettre en place une politique de territorialisation économique pour le public et le privé à laquelle s’ajoutent des réformes comme celle des CRI. Dans cette configuration, le rôle de la PME est primordial et le gouvernement apportera son soutien en matière d’amélioration du climat des affaires et l’adéquation de la formation aux besoins du marché, a promis le ministre. «Le secteur privé doit en contrepartie améliorer sa gouvernance», a-t-il indiqué. Comme l’a souligné le souverain dans le discours du trône, il est important de restructurer les modes d’aides sociales pour les mettre en convergence. Il faut une cohérence des politiques sociales et une complémentarité entre l’État, les collectivités locales, le privé et la société civile pour faciliter l’acte d’investir.

Pour sa part, Jean-François Girault, ambassadeur de France à Rabat, a expliqué que les finances publiques sont l’outil majeur des politiques publiques. Et d’ajouter qu’au-delà de la réduction des inégalités, l’équité des chances à l’école et à l’hôpital et dans d’autres services comme l’éducation sont essentielles pour l’ensemble. Et le diplomate de conclure que l’État est également un régulateur et un acteur responsable en participant à la création de valeur. Quant au représentant du président de la Cour des comptes française, il a indiqué que l’enjeu des finances publiques est que chaque euro dépensé le soit de manière optimale. Ceci à travers notamment un meilleur ciblage de l’effort public en matière de politique sociale.

«Le logement social en France est un exemple qui montre l’effort de ciblage des populations les plus pauvres. Ce qui n’empêche pas l’existence de disparité dans certaines régions», a-t-il expliqué. Idem en matière de santé et d’accès aux soins où certaines régions sont devenues des déserts médicaux. La nécessité d’une grande vigilance par rapport aux fraudes notamment aux cotisations sociales serait alors l’une sinon le principal moyen de renforcer la politique de cohésion sociale. Un quatrième critère de réussite d’une politique sociale est de rester loin de la complexité des procédures. Selon le conférencier, la simplification est une condition de réussite. Pour Michel Bouvier, président de Fondafip, la relation entre justice sociale et finances publiques est un sujet délicat. Il s’agit de deux domaines clés et très volatiles à la fois. Bouvier estime qu’il est besoin de créer ou réformer des institutions qui arrivent à trouver la bonne articulation entre les deux. Il est urgent, a-t-il indiqué, de se donner les moyens d’un nouveau modèle économique et institutionnel qui d’ailleurs est en train de se mettre en place. Dans sa présentation, Noureddine Bensouda, trésorier général du royaume, a commencé par dire que la justice sociale est une question de droit, de dignité, de liberté d’expression et d’autonomie économique. Or, les inégalités mondiales s’aggravent selon le dernier rapport mondial. «La question a trait aujourd’hui à l’intervention de l’État entre justice sociale commutative et justice sociale distributive», a-t-il indiqué. Et le responsable de conclure que «l’instauration d’une meilleure justice sociale ne peut être réalisée sans un diagnostic précis, une vision claire, un changement moins fréquent des lois, une appropriation de la légistique par les acteurs, un respect de la loi et une reddition des comptes». 


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