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Placements financiers : fin de l’ère des rendements garantis

Le resserrement des conditions de financement et la persistance des tensions inflationnistes recomposent l’allocation d’actifs. La Bourse de Casablanca, portée par un regain d’intérêt, consolide ses positions, tandis que l’immobilier et l’or s’imposent en tant que valeurs refuges incontestées. Plus que jamais, la diversification s’érige en impératif face aux nouvelles contingences économiques.

Dans le débat éternel entre sécurité et rendement, les placements financiers évoluent au gré des cycles économiques et des décisions monétaires, sur fond de tensions géopolitiques. Comme un organisme vivant, la finance s’adapte, mute, digère les crises et réinvente de nouvelles trajectoires.

Loin d’être une mécanique linéaire, la gestion du patrimoine reste tributaire des variables classiques – taux d’intérêt, inflation, appétit pour le risque –, mais l’épargnant d’aujourd’hui est confronté à une équation plus complexe. Après une décennie marquée par des taux d’intérêt historiquement bas, l’économie renoue avec des dynamiques plus nuancées. Le temps de l’argent gratuit s’estompe, et avec lui, les excès de liquidité qui avaient dopé les marchés financiers.

Pour autant, la hausse des taux n’a pas eu l’effet escompté. L’inflation recule, certes, mais elle demeure ancrée à des niveaux que les banques centrales jugent inconfortables. Dans ce contexte, le rendement réel des placements – une fois l’inflation prise en compte – demeure l’indicateur le plus scruté.

La Bourse, en premier de cordée
Le dernier rapport sur la politique monétaire de Bank Al-Maghrib met en lumière une évolution des choix d’investissement, avec un repli des placements à revenu fixe, une montée en puissance des actifs risqués et un attrait croissant pour l’immobilier, malgré les tensions sur le marché.

Cette redistribution du capital ne s’opère pas en vase clos, mais traduit les arbitrages d’une économie en quête permanente d’équilibre. L’épargne liquide, longtemps considérée comme un refuge, perd de son attrait dans un environnement où le rendement net s’effrite. Si les dépôts à terme ont permis de sécuriser des capitaux en période de forte incertitude, la normalisation des politiques monétaires encourage un retour progressif vers des placements plus dynamiques.

La Bourse, en première ligne, enregistre une résurgence d’intérêt, portée par une lecture plus optimiste des fondamentaux économiques dans le sillage des préparatifs pour le Mondial 2030. Les marchés financiers ne sont pas en reste. Depuis le début de l’année, la Bourse de Casablanca conforte sa position, portée par un regain d’intérêt pour les actifs risqués et une dynamique haussière des indices.

Après un pic historique à 17.086 points en février, le MASI a connu un ajustement technique, revenant à 16.294 points à la mi-mars. Un mouvement qui, loin de traduire une inversion de tendance, marque une pause nécessaire avant une potentielle reprise haussière. Pour les analystes de BMCE Capital, cette consolidation s’inscrit dans une dynamique plus large, avec un objectif à 18.000 points à court terme.

Dans le sillage de ces ajustements, les investisseurs affûtent leurs stratégies. L’analyse technique souligne l’importance de certains seuils de support, notamment ceux identifiés par les retracements de Fibonacci, qui servent d’indicateurs avancés sur la direction du marché. Au-delà des modèles mathématiques, l’évolution du MASI repose aussi sur des fondamentaux solides. Le poids des institutionnels, la résilience des secteurs clés et la solidité du tissu entrepreneurial constituent des facteurs de soutien durables.

Nouveau paradigme
Si la Bourse demeure un baromètre incontournable, elle n’est pas le seul terrain d’investissement. L’immobilier, longtemps considéré comme une valeur refuge, fait l’objet d’une lecture plus nuancée. Selon les dernières statistiques de Bank Al-Maghrib, les prix affichent une progression de 1,1% sur le dernier trimestre 2024, mais cette moyenne masque d’importantes disparités. Tandis que les biens à usage professionnel bénéficient d’un regain d’intérêt, le résidentiel peine à trouver un second souffle.

L’offre reste contrainte, le foncier limité et les coûts de financement non négligeables, même dans un environnement de taux plus clément. Sur le marché obligataire, la normalisation des politiques monétaires impacte les rendements. Après des années de rendements faméliques, les titres souverains retrouvent une certaine attractivité.

Le taux des obligations à 10 ans suit une trajectoire plus lisible, offrant une alternative crédible pour les investisseurs à la recherche de placements défensifs. Le marché de la dette reste un terrain stratégique, en particulier pour les institutionnels en quête de stabilité. Les actifs alternatifs, quant à eux, connaissent un engouement renouvelé.

L’or, valeur refuge par excellence, bénéficie d’un environnement favorable. Son cours a progressé de 5,8% sur les deux premiers mois de 2025, porté par les incertitudes monétaires et les tensions géopolitiques pour franchir à la hausse, il y a une semaine, la barre des 3.000 euros l’once. L’attrait pour le métal jaune rappelle des réflexes historiques d’investisseurs qui manquent parfois de visibilité face à des scénarios économiques imprévisibles. Les cryptoactifs, en revanche, naviguent dans une zone plus incertaine.

Après une décennie d’euphorie, marquée par une adoption croissante et une réglementation plus affirmée, ces actifs font face à une recomposition du marché. Si certaines initiatives institutionnelles, à l’instar des monnaies numériques de banques centrales (CBDC), viennent renforcer la légitimité de l’écosystème, la volatilité intrinsèque de ces actifs les maintient dans une catégorie encore spéculative. L’essor des cryptomonnaies au Maroc ne faiblit pas pour autant, malgré un cadre juridique encore en gestation.

Bank Al-Maghrib, longtemps réticente à l’égard de ces actifs numériques, poursuit son travail portant sur un cadre réglementaire plus structurant. Alors que certains pays avancent vers une reconnaissance légale et une fiscalisation des transactions, le Royaume adopte une approche prudente, soucieux d’éviter les dérives observées sur d’autres marchés émergents. L’un des enjeux majeurs demeure l’encadrement des échanges, qui se déroulent pour l’instant dans une zone grise. Le Royaume figure pourtant parmi les nations africaines où l’intérêt pour le Bitcoin et les cryptos est le plus élevé, avec des volumes d’échange en progression constante sur les plateformes peer-to-peer.

Si le régulateur rappelle régulièrement les risques liés à ces actifs hautement volatils et non régulés, il ne ferme pas totalement la porte à l’innovation. Les discussions autour d’une éventuelle régulation s’accélèrent, notamment sous la pression d’acteurs qui plaident pour l’intégration des cryptomonnaies dans les stratégies de diversification financière.

Dans cet écosystème en mutation, l’ère des rendements garantis semble révolue. La diversification demeure la clé, avec la recherche d’un équilibre entre actifs liquides et placements à plus long terme. L’année 2025 marquera sans doute un tournant, où la capacité à s’adapter aux nouvelles dynamiques économiques primera sur la recherche de certitudes absolues.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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