«On ne peut actuellement pas contrôler une dépense publique sans passer par la Cour des comptes»

Créée en avril 2014, la neuvième commission parlementaire permanente chargée du contrôle des finances publiques est appelée à développer ses mécanismes d’action. La précédente expérience a démontré que son rythme demeure trop lent car sa principale mission est tributaire de la Cour des comptes. Le point avec Idriss Adoui Skalli, président de cette commission.
Les Inspirations ÉCO : Est-ce que la Commission du contrôle des finances publiques, créée lors de la précédente législature, poursuivra l’étude de certains dossiers restés en suspens ?
Idriss Adoui Skalli : La Commission du contrôle des finances publiques travaille conformément aux dispositions du règlement intérieur de la Chambre des représentants. Dans la phase précédente, nous avons respecté les dispositions du règlement intérieur qui reste inchangé pour cette législature. La première mission de notre commission est le contrôle et le suivi de la dépense publique. La deuxième porte sur l’étude de tous les rapports thématiques de la Cour des comptes qui s’avèrent de la plus haute importance. La Commission, rappelons-le, a pu étudier plusieurs dossiers importants dont celui des retraites, Maroc Numeric et la gestion déléguée et nous nous pencherons sur d’autres sujets d’actualité. La troisième mission commune à toutes les commissions concerne l’examen de toutes les lois relatives au contrôle de la finance publique à commencer par la loi de règlement qui permet de contrôler le gouvernement en matière de dépenses du budget. Nous devons veiller sur la dépense de la finance publique et connaître son impact et le degré de la réalisation des objectifs escomptés en vue de garantir la reddition des comptes.
Le règlement intérieur ne devra-t-il pas être révisé pour élargir la marge de manœuvre de la commission sur le plan législatif ?
Au cours de la précédente législature, la Commission du contrôle des finances publiques a émis quelques propositions pour amender le règlement intérieur, notamment le programme annuel du contrôle qui est préparé par le bureau de la Chambre des représentants et transféré, par la suite, à la Commission. J’estime que c’est l’inverse qui doit être fait: C’est à la commission du contrôle des finances publiques de préparer un projet de contrôle car c’est elle qui est chargée de mettre en œuvre le programme annuel et de faire son suivi. Le bureau de la Chambre et les groupes parlementaires pourraient aussi émettre des propositions. Le programme de contrôle de la commission n’a pas été achevé lors de la précédente législature.
Garderez-vous les mêmes dossiers ?
Durant l’année dernière, nous avons travaillé sur le programme 2015 que nous n’avons malheureusement pas terminé. Nous débattrons la question du choix des sujets au sein du nouveau bureau de la Commission car il s’agit d’une nouvelle législature. Le bureau de la Chambre des représentants devra préparer un nouveau programme annuel du contrôle. Il est possible de reprendre certains dossiers non traités lors de la précédente législature vu leur importance. Nous avions élaboré un rapport sur le fonds spécial routier. Pour le Fonds de l’Équipement communal, le rapport de la Cour des comptes est prêt mais il n’est pas encore mis dans le circuit. Le Fonds du Développement rural était parmi les sujets commandés à la Cour des comptes de même que le Fonds de Solidarité sociale. Nous allons étudier la possibilité de garder certains dossiers. C’est au nouveau bureau de la Chambre d’en décider. La Commission a élaboré, lors de la précédente législature, le rapport sur le soutien financier public aux associations, le rapport sur la gestion déléguée et le Fonds de l’Équipement communal. Ce sont désormais des références.
La principale mission de la Commission est de saisir la Cour des comptes sur certains dossiers. Ne pensez-vous qu’il faut diversifier les mécanismes de contrôle ?
C’est le fonds de l’action de la Commission. Les mécanismes dont nous disposons en tant que parlementaires demeurent insuffisants. Ils ne nous permettent pas, en effet, d’opérer un véritable contrôle ayant trait à l’efficience budgétaire. Le seul moyen dont nous disposons actuellement est la Cour des comptes. Dans les pays anglo-saxons, le contrôle des finances publiques dans le Parlement passe par une entité relevant de l’institution législative chargée de faire le suivi des comptes et le contrôle. Au niveau du parlement britannique, cette entité n’est pas constituée de parlementaires mais de cadres et personnes expérimentées qui assistent les parlementaires dans l’élaboration des rapports de contrôle car il s’agit d’aspects techniques et financiers. Le parlementaire devra être épaulé et cadré par une institution en l’occurrence la Cour des comptes pour le cas marocain.
Néanmoins, le rythme d’action de la Commission est lent car elle dépend toujours des rapports de la Cour des comptes. Comment peut-on régler cette problématique ?
C’est vrai. Le programme annuel du contrôle n’est pas mis en œuvre en une année. L’exécution de celui de 2015 n’a été entamée qu’au début de 2016. Pour que la Cour des comptes élabore son rapport, il lui faut une durée minimale de quatre à six mois. Aussi, la Commission devra-t-elle attendre six mois pour que le premier rapport soit finalisé. Or, dès que le premier arrive, les autres suivent. On ne peut actuellement pas contrôler une dépense publique sans passer par la Cour des comptes.
Certains parlementaires estiment qu’il faut établir des partenariats, notamment avec l’université, pour mieux accomplir la mission parlementaire du contrôle des finances publiques. Qu’en pensez-vous ?
Depuis la création de cette nouvelle commission, des rencontres ont été tenues pour débattre de ses mécanismes d’action. Plusieurs institutions ont été invitées au débat dont le ministère de l’Économie et des finances, l’Inspection générale des finances, le ministère de l’Intérieur et l’Inspection générale de l’intérieur. Ce souci se posait, en effet, dès le départ.