Éco-Business

Marché de l’emploi : Priorité à l’investissement et à la croissance

Une thématique autour du thème «Le marché du travail et la transformation structurelle» était au cœur d’une rencontre organisée par Bank Al-Maghrib, en marge des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI, qui se tiendront en octobre prochain à Marrakech. 

La pandémie qui a secoué le monde du travail laisse encore des traces profondes et perceptibles sur le marché de l’emploi. Les répercussions de cette crise sanitaire sont nombreuses et variées, impactant les conditions de travail, les rémunérations et les attentes tant des candidats que des recruteurs. C’est dans ce contexte qu’a eu lieu une rencontre sous le thème évocateur de «Le marché du travail et la transformation structurelle», mettant en lumière la persistance des frictions au sein de ce marché en pleine mutation.

Un facteur d’inclusion
Outre son impact sur le niveau de vie, l’emploi est un facteur d’inclusion et de cohésion sociale. «Pour les banques centrales, l’emploi est une variable clé qui affecte la consommation et l’investissement et, in fine, les prix des biens et services. Une compréhension approfondie des développements du marché du travail est ainsi essentielle pour la conduite de leurs missions, en particulier en matière de politique monétaire», relève Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib. Au niveau de notre région, la problématique de l’emploi se pose avec davantage d’acuité. En effet, le chômage atteint globalement un niveau deux fois plus élevé que la moyenne mondiale, soit 10,4% contre 5,8% en 2022. Il touche particulièrement les jeunes dont un sur quatre est au chômage. Pour la tranche des 15-24 ans, environ le tiers n’est ni employé, ni scolarisé, ni en formation. Un constat appuyé par une récente note du Haut-commissariat au plan (HCP) qui révèle que l’économie nationale a subi, au second trimestre 2023, une diminution considérable de près de 86.000 postes d’emploi, représentant une baisse significative de 1% par rapport à la période précédente. Le wali fait savoir que dans de nombreux pays, ce sont paradoxalement les jeunes diplômés qui souffrent le plus du chômage, généralement de longue durée. La région reste aussi confrontée à la faible participation des femmes avec un taux d’activité avoisinant 20%, bien en dessous de la moyenne mondiale, proche de 50%.

Jouahri relève que l’emploi constitue aussi un défi dans les économies avancées, mais souvent de moindre ampleur, la différence résidant essentiellement au niveau de sa qualité. En effet, dans ces économies, l’emploi est généralement garant d’une certaine sécurité sociale et d’un revenu minimum, alors que dans les pays en voie de développement, il ne permet même pas parfois d’accéder à un niveau de vie décent, de larges franges de la population active occupant des emplois informels où elles ne bénéficient pas de protection sociale. S’il est évident que l’emploi dépend principalement de la dynamique économique, sa promotion nécessite en premier lieu la mise en œuvre de politiques visant à stimuler l’investissement et la croissance. Le wali souligne cependant que la politique publique peut également avoir un impact sur plusieurs autres aspects. En amont, cela implique de préparer les jeunes au marché du travail en améliorant la qualité de l’éducation et de la formation, et en investissant de manière plus générale dans le capital humain.

En aval, cela passe par la mise en place de mesures et d’une réglementation appropriée du marché du travail, favorisant le recrutement, offrant des incitations ciblées à l’emploi salarié et à l’entrepreneuriat, et apportant un soutien direct aux personnes ayant des difficultés à trouver un emploi. «Aujourd’hui, avec les changements de paradigmes et les transformations profondes que les chocs successifs des dernières années ont initiées ou accélérées, l’appréhension de l’évolution des marchés du travail devient de plus en plus difficile, ce qui rend plus complexe la formulation de la politique publique», relève le wali. Et de préciser qu’il s’agit, notamment, du changement climatique dont les conséquences directes et indirectes s’annoncent importantes, notamment dans des pays comme le Maroc où l’agriculture concentre toujours une part importante de la main-d’œuvre.

On est sur le bon chemin
De son côté, Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, souligne que pendant les trois dernières décennies, le Royaume a traversé une période d’industrialisation qui a donné des résultats tangibles. Cependant, des interrogations subsistent, particulièrement en ce qui concerne l’emploi. « Les politiques mises en place au fil des années ont atteint leurs limites, d’où la nécessité de réformes. L’une des principales concerne le Code du travail, et nous avons lancé un dialogue social pour parvenir à un consensus », a indiqué le ministre. Il a en outre rappelé les performances réalisées, notamment grâce au programme Awrach.

Rappelons qu’en 2022, Awrach a bénéficié à 30% de femmes et à près de 60% de personnes issues de zones rurales. Le responsable a précisé que le programme mettra l’accent en 2023 sur l’identification des besoins et la création d’emplois durables. Il a également souligné l’importance de l’accord social . « Pour la première fois, nous avons réussi à inscrire dans cet accord trois ou quatre réformes assorties de dates précises. Celles-ci concernent, notamment, la loi organique sur les grèves et la révision du Code du marché du travail pour faire face à divers défis. Nous avons également abordé la façon dont le travail sera organisé et comment le marché du travail interagira avec les évolutions à venir. La paix sociale et les leviers à activer au niveau local et dans les entreprises pour faire progresser les accords étaient également au centre de nos préoccupations », fait-il savoir.

Par ailleurs, le ministre souligne que le défi ne consistait pas uniquement à mettre en œuvre un agenda, mais aussi à préserver et protéger la volonté politique requise pour sa réalisation. Cela a nécessité de s’attaquer à d’autres problématiques qui n’étaient pas directement liées au marché du travail – notamment dans le domaine de l’enseignement, qui touche 300.000 personnes, et a nécessité la mise en oeuvre d’une réforme. Ferid Belhaj, vice-président régional de World Bank, souligne l’importance d’identifier les obstacles à l’investissement privé. Il prévoit qu’à l’horizon 2050, 300 millions de jeunes chercheront un emploi dans les régions d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Selon lui, le secteur public ne pourra pas absorber cette main-d’œuvre, mettant ainsi en avant le secteur privé comme solution prédominante. Il insiste sur la nécessité d’ouvrir de nouvelles opportunités et de revoir notre approche éducative pour garantir à nos enfants une continuité avec le marché de l’emploi. Belhaj ajoute que dans la région MENA, « notre indice d’apprentissage est alarmant, signe qu’un travail substantiel reste à accomplir ».

Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO


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