Industrie : le capital humain, la porte d’entrée dans la nouvelle ère
Dans un contexte économique où la concurrence est de plus en plus rude, il est primordial pour les entreprises de pouvoir compter sur des équipes performantes et engagées. D’où l’importance de miser sur les ressources humaines qui jouent un rôle clé dans la mise en place de politiques et de stratégies efficaces visant à améliorer la compétitivité. Le point a été fait lors de la 1re édition de la Journée nationale de l’industrie. Round up.
Lors de la Journée nationale de l’industrie, SM le Roi Mohammed VI a appelé, à travers son message, «à rendre la production locale plus concurrentielle. Le nouveau tissu industriel doit généraliser l’adaptation du capital humain aux besoins spécifiques des projets industriels et renforcer les compétences managériales». C’est un fait. La nouvelle ère industrielle a transformé la manière dont les entreprises opèrent, créent de la valeur et interagissent avec leur environnement. La technologie est devenue omniprésente, les processus plus automatisés, et la mondialisation a créé de nouvelles opportunités, mais aussi de nouveaux défis pour les entreprises. Dans ce contexte, le capital humain est devenu un enjeu clé pour la compétitivité. C’est du moins ce qu’il ressort d’un panel tenu lors de la 1re édition de la Journée nationale de l’industrie.
Les ressources humaines, leviers pour renforcer la compétitivité
Intervenant à cette occasion, Loubna Tricha, directrice générale de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT), témoigne de l’ampleur de la contribution de l’office dans le secteur industriel. «L’OFPPT a participé à la politique industrielle marocaine et a été acteur de tous les programmes d’industrialisation de notre économie, et ce, par la formation des opérateurs et des techniciens qui représentent la workforce majeure», a-t-elle déclaré.
Aujourd‘hui, le secteur de l’industrie se taille la part du lion. «Notre dispositif de formation pèse, à lui seul, 37% de l’offre de formation nationale». La directrice atteste en ce sens que l’OFPPT met annuellement à la disposition des diplômés et des jeunes plus de 150.000 places pédagogiques couvrant une large panoplie de métiers. Il s’agit, plus exactement, de 180 filières de formation, en 70 parcours diplômants et de plus de 100 formations qualifiantes. «Ce qui traduit notre perpétuelle évolution et notre grande capacité d’adaptation aux évolutions des besoins de l’industrie», a-t-elle fait savoir.
En alignement avec la nouvelle feuille de route, qui a démarré en 2019, le chantier conduit par l’office, en étroite collaboration avec le ministère de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, ainsi qu’avec les professionnels, a permis d’apporter une centaine de nouveaux parcours diplômants, en plus d’une revue des métiers conventionnels. Les nouvelles exigences ainsi que les pratiques actuelles ont également été intégrées. Autre point évoqué par Ticha, et non des moindres, celui du taux d’insertion des diplômés du secteur industriel, lequel est estimé à 70%, le plus élevé des lauréats de l’office. Et c’est le secteur de l’automobile qui se positionne en tête de liste.
À noter qu’environ 60.000 jeunes intègrent chaque année les écosystèmes industriels nationaux. «Ils contribuent de manière directe et effective à la création de valeur et constituent l’un des principaux leviers de compétitivité de notre industrie», indique l’intervenante. Afin de parfaire la formation et faciliter l’insertion dans le marché du travail, l’OFPPT tente de muscler son arsenal pédagogique en inculquant le mindset industriel, et ce, à travers la formation immersive. «Nos pôles industriels sont dotés de mini-usines pédagogiques qui permettent la mise en situation réelle lors de l’apprentissage, avec des simulations complexes», explique Loubna tricha.
Comment aider les industriels à relever le challenge ?
Les industriels sont confrontés à de nombreux défis, notamment la concurrence internationale et l’innovation technologique. En vue d’y remédier, de nouveaux parcours et modules de formation ont été mis en place en faveur des futurs lauréats et doctorants, comme l’explique Khalid Baddou, responsable de la communication de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P).
«La raison d’être de l’UM6P, c’est l’accompagnement d’un industriel principal, qui est le groupe OCP», explique le panéliste.
Et de souligner que la mission de l’université est de répondre et d’accompagner les besoins de l’industrie marocaine, voire africaine. «Pour répondre à ce besoin, il existe plusieurs axes, parmi lesquels la recherche appliquée, qui s’avère être un vecteur de développement de distinction pour l’UM6P», relève Baddou, qui dévoile que plus de 600 doctorants, encadrés par des professeurs de haut niveau, poursuivent leurs recherches à l’université.
«Sur les 4.500 étudiants qui suivent leurs cours à l’université, 2.500 sont inscrits dans nos écoles de codage», note le responsable. Selon lui, le besoin en termes d’innovation et de cybersécurité passe par la formation d’une nouvelle génération qui sera mise à la disposition de l’industrie nationale.
Qu’en est-il de l’industrie aéronautique ?
Pour répondre aux besoins de l’industrie aéronautique, qui se veut exigeante et pointue, il est essentiel d’avoir une main-d’œuvre qualifiée et bien formée. Pour ce faire, Karim cheikh, président du Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (GIMAS) explique que l’Institut des métiers de l’aéronautique s’emploie à améliorer l’apprentissage en misant sur une formation alternée entre l’institut et les industries. «Ce qui a abouti à un taux d’insertion de 99%», indique-t-il.
Depuis la création de l’institut en 2011, le nombre de lauréats est passé de 400 à plus de 2.000 aujourd’hui, ajoute Cheikh. Le vice-président de la Commission du capital humain à la CGEM estime que pour amorcer la formation, il faut utiliser la technologie et offrir des programmes de formation sur mesure à même de répondre aux besoins spécifiques de l’entreprise.
Un souci d’attractivité pour le secteur du cuir
«Les jeunes d’aujourd’hui sous-estiment l’industrie du cuir parce qu’ils trouvent que cela ne paye pas assez, et qu’en termes de perspectives d’avenir, il n’y a pas beaucoup d’alternatives», se désole Azeddine Jettou, président de la Fédération des industries du cuir. En ce sens, une campagne est en cours pour, justement, démentir, mettre au clair cette «fausse» idée et démontrer que le secteur peut proposer les mêmes salaires que d’autres. «Nous pouvons offrir de véritables carrières pour nos jeunes», assure-t-il. Jettou précise, par ailleurs, que le secteur a réalisé 25% de croissance en 2022, «ce qui est un bon résultat mais le taux d’intégration dans notre secteur varie de 25 à 30% à peine, du fait que la matière première en amont est presque inexistence et de mauvaise qualité». Cela dit, grâce aux efforts déployés par le ministère du Commerce et de l’industrie, «on a pu démarrer une zone industrielle de 50 ha dédiée au secteur du cuir, laquelle va nous permettre de monter en gamme, de développer une industrie de haute technologie et d’alimenter ainsi le marché de la maroquinerie et de la conception de la chaussure, qui représente à peu près 60%». Selon Jettou, pour pérenniser notre industrie, «nous devons changer complètement la physionomie de nos usines. Actuellement, nous disposons de chaînes de production traditionnelles. Si on veut être compétitif, il faut se rapprocher de la formation professionnelle innovante».
Pour rappel, l’évènement a été coorganisé par le ministère de l’Industrie et du commerce et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Il a rassemblé plusieurs acteurs publics et privés, ministères, institutions et fédérations professionnelles. Deux conventions ont été signées en marge de cette édition. La première, entre le ministère et la CGEM, permet de «définir les modalités du partenariat entre les deux parties pour reconduire l’organisation de cette journée chaque année». La seconde, signée entre le ministère, la CGEM et l’OMPIC, a pour objectif d’«établir un cadre général de collaboration qui vise à promouvoir l’utilisation efficace des outils de la propriété industrielle et commerciale, notamment à travers des actions de sensibilisation et de formation».
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO