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Gestion hospitalière : Au cœur d’un business model

Aux urgences, un premier diagnostic permet d’orienter le patient vers l’unité de soins qui le prendra en charge

L’hôpital Cheikh Khalifa Ibn Zayd Al Nahyan de Casablanca ouvre, pour la première fois, les portes de ses services à la presse. Cet hôpital d’utilité publique, à but non lucratif, est géré comme une entreprise privée. Une caractéristique mise en évidence dès l’arrivée, devant la porte de l’édifice et les services d’accueil.

65.000 m² dont 47.200 m² construits, voici les impressionnantes dimensions du gigantesque hôpital Cheikh Khalifa Ibn Zayd Al Nahyan de Casablanca. Une grandeur qui laisse supposer, chez la plupart des passants et automobilistes empruntant l’avenue Mohamed Taieb Naciri, non loin du quartier Laymoune à Casablanca, qu’il s’agirait d’un hôpital haut de gamme, aux tarifs inaccessibles, réservé à un public VIP. «Il n’en est rien», lance de prime abord Mohamed Harif, directeur général de l’hôpital. «Nous avons certes un service VIP, mais celui-ci est réservé aux clients qui veulent payer un surplus. Pour le reste, les services de notre hôpital pratiquent des tarifs accessibles qui respectent les normes en vigueur», précise Harif.

Les urgences, vitales
Dès l’accueil, le patient se retrouve devant des codes-couleurs, des signalétiques et des hôtesses rendant son orientation au sein de l’hôpital plus facile. Et pour cause, il est facile de se perdre dans cette gigantesque infrastructure rassemblant 22 spécialités, réparties sur 4 étages. C’est pourquoi tout est fait de sorte à faciliter l’accès au service le plus vital de l’hôpital, à savoir les urgences. «Toute l’efficacité de notre service dépend du bon fonctionnement de l’accueil. C’est là que tout démarre», signale Faouzi Benabdennbi, chef des pôles des urgences au sein de l’hôpital Cheikh Khalifa (HCK). Une secrétaire et une infirmière d’orientation sont chargés d’établir un premier contact, mais aussi un premier diagnostic établissant la nature de l’urgence. C’est à l’accueil que l’on détermine si la situation du patient relève d’urgence vitale ou d’une urgence différée. «Le patient ne juge son urgence que par la douleur, or une mauvaise interprétation de la vitalité de l’urgence peut coûter la vie à un autre patient», poursuit Benabdennbi également président du Conseil régional de l’ordre national des médecins du Grand Casablanca. Une fois ce diagnostic préliminaire établi, le patient est dirigé vers une «Salle de déchoquage». L’objectif ici est de mettre le patient en condition, de soulager la douleur et de démarrer les soins d’urgence. «Il s’agit d’une sorte de salle de réanimation où le patient est pris en charge de A à Z. Elle est équipée de tout ce qu’il faut en termes d’équipements radiologique, chirurgical, anesthésique etc.», indique le chef du pôle Urgences. Cette salle peut accueillir jusqu’à 5 personnes simultanément. Chaque lit dispose d’un matériel particulier qui lui est consacré. À quelques pas de cette salle, le service des urgences propose 6 salles de consultation visant également à administrer les premiers soins. Le service des urgences fonctionne avec des équipes de garde de 12 heures disposant de leurs propres salles de repos équipées en vue d’assurer un grand confort aux blouses blanches de permanence. Les équipes sont composées de 2 médecins, 2 aides-soignants et 2 infirmiers. L’hôpital dispose d’une liste de spécialistes de garde qui peuvent être appelés en urgence en fonction de leurs horaires de garde. «Nous accueillons en moyenne 70 malades par jour. Il est à noter que le pic de l’affluence se situe après minuit», précise le président de l’Ordre régional des médecins de Casablanca.

Surveillance
Le service des urgences poursuit d’ailleurs son développement et devrait voir l’installation de 4 nouveaux lits de soins intensifs durant les prochaines semaines. En outre, le département travaille sur la numérisation de ses archives. «Nous avons reçu jusqu’ici à peu près 14.000 patients et nous avons un dossier pour chacun, ce qui nous permet de faire un suivi de l’état des malades, et nous offre une base de données intéressante pour des études épidémiologiques et en vue d’améliorer la prise en charge de nos patients», affirme Benabdennbi. À noter enfin que le service des urgences dispose de 6 ambulances dont 2 réservées aux clients VIP. Le HCK complète ses prestations d’urgence par une large panoplie de services hospitaliers. En tout et pour tout, l’hôpital réunit pas moins de 250 lits. «Nous sommes actuellement en train d’élargir la capacité litière de l’hôpital», explique le Dr. Abdelmoumen Alaoui,  responsable des hospitalisations.  Ce pôle   comprend 6 services hospitaliers réunissant l’ensemble des spécialités allant de la neurologie à l’endocrinologie en passant par la néphrologie, la chirurgie, l’unité de soin intensif, le pôle mère-enfant ou encore le service de réanimation et de psychiatrie (voir article page 13). L’une des particularités de l’hôpital consiste en la mise en place d’une unité de sommeil. «Il s’agit de surveiller l’activité cérébrale des patients qui souffrent de problèmes de ronflement, de troubles de sommeil ou autres», précise Alaoui. Cela se fait à travers la surveillance par électroencéphalogramme.

Serment d’Hippocrate
La question des tarifs et des prix des prestations occupe souvent l’esprit des patients. La devise de HCK semble en tout cas être «On soigne d’abord, on paye ensuite». Tout en affirmant que les tarifs demeurent accessibles et dans les normes, le management de l’hôpital met un point d’honneur à annoncer les tarifs des prestations aux malades avant tout acte médical. «Il ne s’agit toutefois pas d’une condition pour l’administration des soins en urgence», affirme Benabdennbi. Une fois la consultation opérée et l’ordonnance cachetée, le patient doit se diriger vers le bureau des admissions et de la facturation (BAF). 21 guichets et 4 caisses de paiement attendent les différents clients de l’hôpital. C’est là que les dossiers de prise en charge sont validés, que les dossiers de remboursement des assurances et mutuelles sont remplis et que les paiements sont effectués. Le BAF comprend d’ailleurs des bureaux dédiés aux dossiers CNSS et CNOPS ainsi qu’aux différentes assurances maladie. «Nous acceptons également le tiers-payant dans le cadre des programmes prévus», précise Majda Antari, responsable des conventions au sein du BAF. À noter que l’hôpital accepte également les dossiers Ramed. «Il s’agit de cas spécifiques acceptés lorsque les spécialités requises ne sont pas disponibles dans d’autres hôpitaux publics», affirme Antari. Ces dossiers doivent préalablement être validés par la direction générale.

Carré VIP
Pour atteindre l’équilibre financier, l’Hôpital Cheikh Khalifa propose une panoplie «d’extras» destinés aux clients VIP à la recherche d’une offre plus étoffée. Ainsi, pour chaque pôle ou service de l’hôpital, des services supplémentaires sont proposés pour peu que le patient soit prêt à payer le surplus. D’autres pôles sont pratiquement dédiés aux VIP. L’institution compte énormément sur ce genre de services pour attirer notamment une clientèle étrangère. C’est le cas de l’unité «Check-up», un service de médecine interne permettant d’opérer des bilans généraux grâce à des équipements de pointe. «Nous recevons des patients pour toute une journée afin d’effectuer un ensemble de tests allant du bilan sanguin à la radiologie et en assurant un diagnostic par les différentes spécialités de l’hôpital», explique Oumad Firdaouss, aide-soignante. L’unité propose un traitement centralisé faisant appel à l’ensemble des spécialités de l’hôpital, ce qui permet un gain de temps et d’argent considérable pour les intéressés.  Dans le même registre, l’hôpital propose tout un un pôle  de services VIP avec 8 suites équipées, réparties équitablement en deux gammes: Silver et Gold.   Chaque suite formée d’un grand salon, d’une chambre pour le malade, d’une kitchenette et éventuellement d’une chambre d’accompagnateur. Chaque suite est gérée par un majordome diplômé de grandes écoles d’hôtellerie et de tourisme. «Nos suites sont ainsi gérées comme dans un hôtel. Nous recevons beaucoup de patients étrangers, mais le principal de notre clientèle est marocain. La plupart sont accueillis dans des cas d’accouchement», affirme Mourad Safadi, majordome. Dans ces suites, le patient dispose d’un accompagnement 24/24 et d’un suivi par l’ensemble des spécialités de l’hôpital.

Culture maison
Le labyrinthe de l’hôpital Cheikh Khalifa de Casablanca réserve bien des surprises, comme ce centre d’audition présenté comme le premier du genre dans toute la région MENA. «L’objectif ici est de prendre en charge la surdité dans sa globalité, allant du dépistage sur place dès la naissance jusqu’à la mise en place d’implants cochléaires», explique Khalid Snoussi, directeur du centre. Le centre profite des nombreuses technologies présentes au sein des différents services de l’hôpital, notamment en radiologie et en biologie génétique. Le centre inclut également une unité d’orthophonie qui permet l’accompagnement et l’évaluation régulière de l’évolution de l’audition chez les enfants. Depuis son lancement, le centre a permis la réalisation de pas moins de 65 opérations d’implantation cochléaire dont deux opérations d’implant auditif du tronc cérébral. «Une première qui a été effectuée à l’occasion de la Journée mondiale de l’audition», annonce  Snoussi.  Enfin, notons que l’hôpital fait la part belle au suivi professionnel et à la formation. Une culture maison qui devrait davantage se développer grâce au lancement  de l’Université Mohammed VI des sciences de la santé. En attendant, les ressources humaines de l’hôpital peuvent profiter du centre de simulation au sein de l’université Hassan II ainsi que d’un bureau dédié au sein de l’établissement. «Nous travaillons chaque semaine en simulation afin de rehausser le niveau de service et agir sur nos lacunes», explique Faouzi Benabdennbi, chef du pôle des urgences. C’est dire que malgré les grandes avancées tant technologiques que managériales ou en termes de compétences de l’hôpital, l’effectif s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue des services. Une vertu qui manque cruellement aux services de santé publique.   


 

Soins radioactifs
L’un des services les mieux gardés de l’hôpital Cheikh Khalifa est sans doute celui de la médecine nucléaire. Accès régulé par des pass spéciaux, murs et portes isolés, posemètres accrochés aux tabliers des médecins… le service est extrêmement bien gardé. «Toute l’unité de médecine nucléaire est conçu pour contenir d’éventuelles menaces radioactives», rassure Hanane Boulmane, docteur spécialiste en médecine nucléaire. Et pour cause, le service est autorisé à manipuler des produits radioactifs servant dans le diagnostic et le traitement de certaines pathologies, à l’instar des pathologies thyroïdiennes, de cancers ou de certaines maladies pulmonaires. La grande révolution vient certainement du Pet Scan, appareil impressionnant coûtant environ 3 millions d’euros et qui permet notamment des diagnostics précoces de cancer et un suivi pointu de la maladie. Ce genre de traitement évite le recours à la chimiothérapie et constitue à n’en point douter une grande avancée dans le traitement de certains cancers. Le service est doté de deux chambres de traitement radio-protégés permettant d’accueillir les patients injectés en doses variantes d’iode radioactif. Ces injections permettent une imagerie médicale de grande précision. «Les patients doivent dans ce cas de figure passer 3 à 4 jours d’hospitalisation obligatoire dans notre service», souligne le docteur Boulmane. Le service a accueilli près de 400 patients depuis son ouverture avec une moyenne de 30 malades par mois.


 

La génétique à la loupe
Hématologie, bactériologie, parasitologie, biologie moléculaire, cytogénétique, Anapath… toutes les spécialités d’analyse médicale sont réunies ou presque au sein du laboratoire de l’hôpital Cheikh Khalifa. Cette infrastructure est d’ailleurs l’une des plus avancées d’Afrique. Le laboratoire s’est élargi au cours des derniers mois en attendant le lancement imminent du laboratoire national de référence qui devrait voir le jour au sein de l’Université Mohammed VI des sciences de la santé (voir interview). «Le laboratoire actuel est le noyau du laboratoire national de référence, et notre gamme de prestations devrait continuer à s’élargir en attendant le lancement de la nouvelle infrastructure», explique Bouchra Belfqih, responsable analytique au sein du laboratoire de hôpital. Ce dernier est équipé des technologies dernier cri entamant une stratégie de certification ISO 15.189 (norme internationale publiée par l’ISO en 2012 qui spécifie les exigences de qualité et de compétence propres aux laboratoires de biologie). Le labo, qui s’occupe aussi bien des patients hospitalisés au sein de l’institution que des clients externes, accueille jusqu’à 3.000 patients par mois. «De plus en plus de malades cherchent aujourd’hui à profiter de notre plateforme de cytogénétique qui est la première en Afrique», précise Bouchra Belfqih. À ce titre, jusqu’à 10.000 caryotypes peuvent être assurés par an au sein de l’établissement. «Nous formulons aussi un conseil génétique pour éviter la survenue de mauvaise surprises chez les parents et proposons une prise en charge des enfants handicapés», explique Hasnaa Hamdaoui, biologiste et responsable du service cytogénétique. Les responsables du laboratoire vantent les mérites d’une médecine personnalisée. «C’est le cas notamment en anatomo-pathologie. Grâce à cette spécialité, nous adoptons une thérapie cible en nous aidant de techniques cytogénétiques», explique Hicham Belghiti, anatomo-pathologiste. Il est à noter que les 500 m² occupés par le laboratoire sont reliés à l’ensemble des unités et pôles de l’hôpital grâce à système de pneumatique permettant de faire circuler les fioles et autres tubes d’analyses de manière fluide, rapide et sécurisé. Un mécanisme permettant là encore un gain de temps et d’argent non négligeables.


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