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Gaming et e-sport : moteur d’inclusion, vecteur d’innovation

Plus qu’un simple divertissement, cette industrie en pleine effervescence se révèle être un puissant levier d’innovation, d’inclusion financière et d’emplois, où se croisent jeunes talents, acteurs technologiques et institutions financières. Derrière ce succès prometteur, une question clé : comment transformer cette passion en moteur économique ?

Le Maroc est en train de se positionner comme un acteur majeur dans le développement du gaming et de l’e-sport sur le continent africain. Plus qu’un simple loisir, cette industrie est devenue un vecteur d’innovation, d’emploi et d’inclusion financière, attirant l’attention des acteurs publics et privés, des institutions financières et des opérateurs télécoms. Le tout est de savoir pourquoi.

«Que fait une entreprise technologique, ou autre, dans l’industrie du gaming ?», peut-on s’interroger. Pour Bassem Gharsalli, vice-président et country manager Afrique du Nord-Ouest chez Mastercard, la réponse est simple. Il rappelle que le marché mondial du gaming représente plus de 240 milliards de dollars, nécessitant une digitalisation et une sécurisation des flux financiers. «Techniquement, c’est là où on intervient», répond-il.

Il y a mieux : Bassem Gharsalli souligne la diversité des profils des joueurs à travers le monde, avec notamment 49% de femmes et une répartition homogène des âges, allant des plus jeunes aux seniors. «Ces catégories sont souvent exclues financièrement ou non intégrées à l’économie formelle, mais bien représentées dans le gaming. C’est un secteur inclusif, innovant et porteur de partenariats entre telcos, banques, fédérations et ministères», explique-t-il encore. C’est dire !

Dans le lot, il existe un réservoir immense : la jeunesse. Ghyzlaine Alami Marrouni, directrice exécutive en charge du marché des particuliers et professionnels chez Attijariwafa bank, détaille la stratégie du groupe pour accompagner les jeunes générations de gamers.

«Nous sommes au tout début, mais nous investissons dans l’éducation financière via des produits dédiés aux jeunes, comme L’bankalik Start, une offre ludique qui intègre la gamification», explique-t-elle.

Et d’ajouter que ce type d’initiative permet de familiariser les jeunes avec les notions d’épargne, de paiement et de fidélité dans un univers qui leur parle. Sur le terrain, un partenariat étroit avec Mastercard permet de proposer une palette de services innovants, avec des projets ambitieux en développement.

Tout un monde d’opportunités
Pour Brahim Amdouy, corporate communication manager chez inwi, «le gaming est transversal, inclusif et touche toute la population, des enfants aux seniors. La médiane d’âge est autour de 29 ans». Il rappelle à ce titre l’importance du mobile, support numéro un au Maroc et en Afrique, grâce à une pénétration très élevée des smartphones.

Il insiste aussi sur les développeurs marocains, véritables «pépites» du secteur, qui jusqu’ici migraient souvent à l’étranger faute de structure locale. Un partenariat public-privé est en cours pour encourager les jeunes talents à concevoir et produire localement des jeux vidéo, via notamment une compétition nationale pour étudiants.

Nissrine Souissi, directrice du Développement de l’industrie du gaming au ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, précise que l’industrie du gaming ne se limite pas au divertissement. «Elle s’applique aussi à la santé, à l’éducation, à l’environnement. Des jeux sérieux sont développés pour la formation médicale, l’apprentissage scolaire ou encore l’expérience touristique immersive», souligne-t-elle.

Elle rappelle d’ailleurs que la stratégie du ministère est de transformer les joueurs en développeurs, en mobilisant des partenaires internationaux pour accompagner la montée en compétence des studios locaux. «Le jeu marocain, une fois conforme aux normes internationales, est facilement exportable à l’international», dit-il.

Prochain arrêt : former les talents
Pour y arriver, Hicham El Khlifi, président de la Fédération royale marocaine des jeux électroniques et de la Confédération africaine de l’e-sport, insiste sur l’importance d’une organisation rigoureuse, notamment dans la formation des gamers. «Comme dans le sport traditionnel, il faut repérer les talents, organiser des compétitions, et suivre ces joueurs de bout en bout.» Il raconte l’exemple d’un jeune joueur d’Al Hoceima, inattendu et pourtant arrivé en finale d’un championnat international.

«Le talent peut surgir de n’importe où, il faut lui donner sa chance et un cadre», tranche El Khlifi. Il souligne aussi le niveau d’intelligence et de concentration des gamers. «Ils prennent une décision toutes les 30 secondes, développent une dextérité et une cognition remarquables», témoigne-t-il.

Brahim Amdouy confirme. «Les gamers que j’ai rencontrés excellent souvent dans leurs études supérieures. Ils sont autodidactes et très engagés. La carrière de joueur pro s’arrête souvent vers 23-25 ans, mais il existe de nombreux débouchés dans l’e-sport, du coaching à la gestion, au développement, à la production». Autant dire qu’il existe un océan d’opportunités… qu’il suffit de découvrir.

Bassem Gharsalli
Mastercard

«On observe une problématique d’exclusion financière importante, notamment chez les jeunes et les populations à faibles revenus, qui sont pourtant très présents dans le gaming. Nous voulons que les gamers s’occupent du jeu, nous nous occupons du reste : rendre l’expérience de paiement la plus fluide et sécurisée possible.»

Ghyzlaine Alami Marrouni
Attijariwafa bank

«L’objectif premier est l’éducation financière. Nous embarquons les jeunes dans un univers qu’ils connaissent et qui leur plaît, pour les initier à l’économie digitale. Ce n’est pas un coup médiatique, c’est une stratégie réfléchie.»

Brahim Amdouy
inwi

«Le potentiel des développeurs marocains est énorme, et il faut créer un écosystème qui permette de les retenir et de les accompagner, pour que cette industrie génère emplois et valeur ajoutée.»

Mastercard : l’inclusion financière au cœur du gaming

Mastercard se positionne comme un partenaire stratégique dans l’essor du gaming et de l’e-sport au Maroc. «Nous avons lancé la première carte League of Legends en Afrique et au Moyen-Orient, et organisé récemment un tournoi international de ce jeu, en partenariat avec Attijariwafa bank», explique Bassem Gharsalli, vice-président et country manager Afrique du Nord-Ouest chez Mastercard.

Mastercard collabore étroitement avec des banques comme Attijariwafa bank pour toucher une population souvent exclue financièrement, en particulier les jeunes gamers issus de milieux modestes. Le groupe mise aussi sur la gamification comme levier d’éducation financière, en intégrant des mécanismes ludiques dans les applications bancaires et plateformes digitales. Sécuriser les flux de paiement est une priorité.

«Le gaming n’est pas plus sujet à la fraude que d’autres secteurs, mais la vigilance est essentielle. Nous travaillons à renforcer l’authentification et la prévention pour garantir une confiance totale aux joueurs», indique encore Bassem Gharsalli.

Par ailleurs, Mastercard valorise la dimension économique de ce secteur en pleine croissance : «le gaming crée des emplois, des startups, des fintechs. Il est un véritable catalyseur d’innovation et d’inclusion financière au Maroc. Nous ne pouvons que nous inscrire dans cet esprit».

Prédominance du cash, un frein majeur

Au Maroc, le secteur du gaming connaît une croissance rapide, avec des dépenses estimées à environ 2 MMDH. Pourtant, cette activité dynamique souffre d’une particularité majeure : la dominance écrasante du paiement en espèces, ce qui freine considérablement son potentiel d’innovation, d’inclusion financière et de développement durable.

Comme le souligne Bassem Gharsalli, vice-président et country manager Afrique du Nord-Ouest chez Mastercard, «malheureusement, la majorité des dépenses liées au gaming au Maroc se fait encore en cash».

Cette situation est paradoxale dans un domaine par nature digital et connecté, où les joueurs achètent en ligne des contenus, des biens virtuels ou participent à des compétitions nécessitant des transactions rapides et sécurisées. Le recours massif au cash pose plusieurs défis majeurs pour le gaming au Maroc. D’abord, il restreint l’accès à une économie digitale fluide et sécurisée.

Or, comme le rappelle Bassem Gharsalli, «il n’y a rien de plus frustrant pour un joueur que d’être bloqué au moment du paiement».

L’absence de moyens de paiement adaptés limite l’expérience utilisateur et peut décourager les joueurs de s’engager pleinement dans l’écosystème numérique. Par ailleurs, la prédominance du cash exclut une large partie des jeunes joueurs, souvent issus de milieux modestes ou marginalisés, de l’accès aux services financiers formels.

«On observe une problématique d’exclusion financière dans plusieurs pays, notamment au Maroc, où la représentativité des joueurs est diverse mais leur inclusion financière reste insuffisante», souligne Gharsalli.

En cela, le gaming apparaît comme une porte d’entrée idéale pour intégrer ces populations dans l’économie digitale, à condition d’offrir des solutions de paiement adaptées et accessibles.

Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO



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