Fiscalité : l’évaluation des dépenses, défi majeur

Selon un récent rapport, les recettes fiscales non perçues par l’État en 2023 s’élèvent à 35,4 MMDH. Ce montant, qui est en baisse, représente cependant toujours 2,4% du PIB.
Le Maroc a obtenu un score de 55,7 sur 100 dans l’Indice mondial de transparence des dépenses fiscales (GTETI). Il se classe ainsi 28e sur 105 pays évalués, selon le rapport national sur les dépenses fiscales, édité par l’Institut allemand de développement et de durabilité (IDOS) et le Conseil sur les politiques économiques (CEP).
Analysant les mesures dérogatoires adoptées dans le cadre de la Loi de finances, le rapport passe en revue les données gouvernementales jusqu’à fin 2023, mettant en lumière les recettes non perçues par l’État. Leur montant est estimé à 35,4 MMDH pour l’année 2023. Le rapport a également identifié les principales limites tout en formulant des recommandations pour améliorer la transparence et l’efficacité des politiques de dépenses fiscales.
D’après les auteurs du rapport, si le Maroc affiche des progrès notables dans la maîtrise et la réduction du coût total de ses dépenses fiscales, poussé par des impératifs budgétaires et des réformes structurelles, l’efficacité et la justification de ces mesures demeurent en grande partie insuffisantes.
Le manque persistant d’évaluation ainsi que le besoin d’améliorer la transparence et la gouvernance de ces dispositifs sont les défis majeurs à relever pour optimiser l’impact des politiques publiques et garantir une utilisation efficiente des ressources financières de l’État.
Si le chiffre de 35,4 MMDH, qui représente 2,4% du Produit intérieur brut (PIB), témoigne d’un coût important pour les finances publiques, il est le résultat, pour l’année 2023, de l’ensemble des 251 mesures dérogatoires identifiées par le rapport (couvrant la TVA, l’IS, l’IR, etc.).
Une tendance à la baisse des dépenses fiscales
Le rapport, qui se base sur des données officielles, a confirmé une tendance à la baisse des dépenses fiscales en pourcentage du PIB. Après avoir représenté 2,9% du PIB en 2022, elles sont descendues à 2,4% en 2023.
Cette orientation semble se renforcer, puisque les dernières estimations accompagnant le Projet de loi de finances (PLF) pour 2025 tablent sur une nouvelle diminution à 2,1% du PIB en 2024, soit une réduction de 13% en valeur (de 37 MMDH en 2023 à 32,1 MMDH en 2024). En termes de transparence, le rapport a mis en évidence un net progrès en matière de publication des données.
Cependant, l’indice révèle des lacunes concernant la clarté de l’information, la méthodologie d’évaluation, l’accessibilité et surtout la «lisibilité» des présentations pour le grand public. Outre le manque d’évaluation de l’impact économique et social des dépenses fiscales – comme il ressort aussi des observations de la Cour des comptes au titre de l’exercice 2020 – le rapport a souligné la complexité du système fiscal marocain reposant sur une multitude de mesures dérogatoires réparties sur différents types d’impôts ( TVA, impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu).
Ce dispositif dérogatoire – comprenant 251 mesures identifiées, représentant un coût budgétaire de 35,4 MMDH – compliquerait la gestion et le suivi des dépenses fiscales.
Manque d’études d’impact exhaustives
Des critiques ont aussi trait au manque d’études d’impact exhaustives de ces mesures dérogatoires et à l’absence de critères clairs pour la création ou la suppression d’incitations, parfois influencées par les lobbies politiques et économiques.
Il convient de noter que le dernier rapport sur les dépenses fiscales accompagnant le PLF 2025 montre que cette tendance se poursuit : en pourcentage du PIB, les dépenses fiscales ont diminué à 2,1% en 2024, principalement en raison de la suppression de 24 mesures dans le cadre de la réforme de la TVA mise en œuvre au cours de l’année, entraînant une réduction de 28,3% des dépenses fiscales liées à la TVA. Cependant, il reste encore une marge d’amélioration concernant l’évaluation des dépenses fiscales.
Le rapport met en évidence «l’absence d’études d’impact socio-économique approfondies et d’un cadre d’évaluation structuré. Les décisions concernant ces dépenses sont souvent prises sans études approfondies de leur efficacité, ce qui limite la justification de leur contribution au développement national».
Les défis et opportunités associés à ces dépenses sont également mises en exergue. Bien que des progrès aient été réalisés, d’autres réformes sont souhaitables pour améliorer la gestion et l’efficacité des dépenses fiscales.
Le rapport pointe également l’absence d’un organe dédié au pilotage, au suivi et à l’évaluation des dépenses fiscales, ainsi que l’influence potentielle de certains lobbies dans la création ou le maintien de plusieurs mesures dérogatoires.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO