Éco-BusinessTable ronde

Développement durable : le Maroc à l’heure du green business

L’investissement vert est devenu un levier stratégique pour la croissance et la compétitivité des entreprises. Au Maroc, plusieurs secteurs, comme les énergies renouvelables et la mobilité durable, attirent des financements, mais une transition progressive et socialement équilibrée reste essentielle. Les institutions financières jouent un rôle clé pour accompagner cette mutation. Ce sont là les principales conclusions de la table ronde «Investissement vert : performance, impact et nouvelles opportunités». Un événement organisé dans le cadre du Cercle des Éco d’Horizon Press Group et qui a vu intervenir des acteurs et experts de premier rang. Le point.

L’investissement vert est devenu un enjeu central pour les entreprises et les économies du monde entier. Il ne s’agit plus uniquement d’une contrainte réglementaire imposée par les engagements internationaux, comme l’Accord de Paris, mais également d’une formidable opportunité de croissance et de compétitivité. État des lieux et évolution de l’investissement vert au Maroc, opportunités présentes et à venir, contraintes, notamment réglementaires et culturelles, nécessaires transitions et secteurs à même de porter ce qui s’annonce comme une transformation majeure et inéluctable. Tels ont été les principaux points débattues lors de la table ronde ronde «Investissement vert : performance, impact et nouvelles opportunités», organisée par Horizon Press Group dans le cadre de son cycle de conférences «Le Cercle des Éco». Pour en parler, des acteurs et experts de premier plan ont pris la parole : Mamoun Tahiri Joutei, directeur central Intelligence économique et Développement durable à Bank of Africa, Lamiae Derraji, principal banker à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD, Hamza Tber, associate director au Boston consulting Group (BCG) et Zineb Jazouli, directrice des relations publiques Renault Group Maroc.

D’emblée, Hamza Tber plante le décor en citant l’ex-gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney. Pour lui, «la transition vers une économie bas carbone est la plus grande opportunité commerciale du XXIe siècle». C’est aussi un impératif.

Aujourd’hui, les entreprises doivent intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur stratégie pour assurer leur pérennité.

Comme l’explique Mamoun Tahiri Joutei, cet alignement sur des critères ESG n’est pas seulement une réponse aux attentes des régulateurs, mais également un atout pour attirer des investisseurs et des partenaires de plus en plus sensibles à ces enjeux. Il permet également aux entreprises de se prémunir contre les risques liés aux changements réglementaires et climatiques, tout en bénéficiant d’avantages financiers comme des conditions de crédit plus attractives.

Un retour sur investissement prometteur
Loin d’être une charge, l’investissement vert offre des rendements intéressants. Lamiae Derraji souligne que les financements verts permettent d’obtenir des retours plus rapides, tandis que les entreprises prennent conscience de l’importance de cette transition.

En effet, de nombreux projets durables bénéficient de subventions et d’incitations financières, réduisant ainsi le temps d’amortissement des investissements. Au Maroc, le secteur bancaire joue un rôle majeur dans cette dynamique.

Mamoun Tahiri Joutei souligne que 40% du portefeuille de Bank of Africa est déjà durable, un bon point de départ qui doit être renforcé. Les projets verts, tels que ceux liés à l’efficacité énergétique, permettent aux entreprises de réaliser des économies considérables, voire de réaliser un retour sur investissement avant même d’avoir remboursé leur crédit, comme le montre l’exemple du programme Morseff dans le Royaume.

«Lorsqu’un client voit qu’il peut amortir son crédit en trois à quatre ans, il ne se pose même plus la question», affirme-t-il, insistant sur l’importance de démontrer la rentabilité des projets verts.

Certains secteurs se distinguent particulièrement par leur potentiel d’investissement durable. Parmi eux, les énergies renouvelables : l’hydrogène vert, l’éolien et le solaire sont des domaines stratégiques pour réduire la dépendance aux énergies fossiles. S’y ajoute l’efficacité énergétique avec l’optimisation des processus industriels et des bâtiments qui permet une réduction significative des coûts et de l’empreinte carbone.

La mobilité durable, notamment avec l’électrification des transports et le développement de solutions de mobilité verte qui sont en plein essor, le traitement des déchets et le recyclage – des innovations majeures destinées à améliorer la gestion des ressources et à limiter les pollutions – figurent aussi parmi les domaines prioritaires. Bien que polluant, un secteur comme le textile offre des opportunités d’amélioration grâce à de nouvelles méthodes de production plus écologiques.

Sans oublier l’industrie chimique et la fabrication de batteries. Ces filières sont essentielles pour la transition énergétique, notamment pour le stockage de l’énergie. Des entreprises marocaines comme OCP investissent déjà massivement dans la décarbonation et les énergies renouvelables, et donnent le la.

Dans son programme d’investissement 2023-2027, OCP entend faire tourner tous ses sites industriels grâce à l’énergie verte et s’engage également à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2040. La production électrique de ce groupe proviendra uniquement de l’énergie éolienne, solaire et hydroélectrique. En parallèle, des investissements étrangers, comme la gigafactory Kénitra – dont la convention d’investissement a été signée en juin 2024 à Rabat entre le Maroc et le groupe sino-européen Gotion High tech pour un lancement en 2026 – témoignent de l’attrait du Maroc en tant que hub de l’économie verte.

Une transition progressive et inclusive
Toutefois, la transition écologique ne peut se faire du jour au lendemain. Hamza Tber rappelle l’importance d’un changement progressif, prenant en compte les réalités sociales et économiques. Le secteur textile en est un bon exemple : bien qu’il soit un acteur majeur de la pollution de l’eau, il emploie plus de 250.000 femmes au Maroc, contribuant ainsi à l’inclusion économique.

«Lorsqu’on parle d’investissement vert, il ne faut pas se limiter uniquement à l’aspect environnemental, mais également prendre en compte les dimensions sociales et de gouvernance. Un équilibre entre ces trois piliers est essentiel pour assurer la compétitivité du secteur», souligne Mamoun Tahiri Joutei.

Pour réussir cette mutation, il est essentiel d’adopter une approche équilibrée qui protège les emplois tout en assurant la compétitivité des entreprises.

«On ne peut pas simplement arrêter les industries polluantes, du jour au lendemain. Il faut accompagner cette transition, notamment en protégeant les emplois et en adaptant les politiques publiques», conclut Hamza Tber. Vaste chantier, s’il en est !

ESG : contrainte ou opportunité ?

Les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) sont devenus des leviers stratégiques incontournables dans le paysage économique actuel. Selon Hamza Tber, associate director au Boston Consulting Group (BCG), la question ESG peut être abordée sous deux angles.

D’une part, comme une contrainte liée aux nouvelles réglementations, aux engagements internationaux (notamment l’accord de Paris), ainsi qu’aux attentes croissantes des consommateurs et investisseurs ; d’autre part, comme une véritable opportunité, notamment à travers la transition vers une économie bas carbone.

Dans cette dynamique, il ne faut pas seulement considérer le coût de l’action, mais également le coût de l’inaction.

«L’inaction face aux enjeux climatiques entraîne des impacts tangibles qui perturbent les chaînes de valeur des entreprises tout en affectant les employés et les actifs productifs. La décarbonation des activités devient ainsi une nécessité non seulement pour limiter les risques, mais aussi pour saisir les opportunités d’investissements durables», explique Lamiae Derraji, principal banker à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

Pour elle, les stratégies nationales, soutenues par les institutions financières internationales, encouragent les entreprises à adopter des pratiques vertes grâce à des financements subventionnés, facilitant ainsi leur transition vers une économie plus durable.

Changement climatique : tous concernés !

Parallèlement aux efforts d’atténuation des émissions, il est crucial d’investir dans des solutions d’adaptation au changement climatique. Des secteurs comme le dessalement de l’eau et la gestion des ressources hydriques sont stratégiques pour faire face aux défis du réchauffement climatique. Les banques et institutions internationales jouent un rôle clé dans cette transition.

La BERD adapte ses programmes pour réduire progressivement la part des subventions et encourager les entreprises à prendre le relais.

Mamoun Tahiri Joutei précise que les instruments financiers classiques peuvent être modulés en fonction de l’objet du financement, et que l’innovation doit porter davantage sur l’accompagnement des investissements que sur les outils financiers eux-mêmes.

Si la rentabilité des projets énergétiques verts est aujourd’hui bien établie, la question de l’adaptation climatique reste plus complexe. Lamiae Derraji insiste sur la nécessité d’un accompagnement public fort dans des domaines comme l’eau et l’agriculture.

«L’adaptation aux impacts du changement climatique est un défi majeur. Il faut un soutien important pour ces secteurs», explique-t-elle.

Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO



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