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Conjoncture : la reprise fragilisée par les perturbations agricoles

Malgré un ralentissement agricole marqué, l’économie affiche des signes de reprise, soutenue par un redressement notable du secteur industriel. Dans sa dernière livraison, Bank Al-Maghrib met en lumière une conjoncture mitigée, marquée par de profonds déséquilibres structurels.

L’économie, partagée entre une industrie en expansion et une agriculture sous pression, révèle des déséquilibres structurels qui fragilisent, in fine, la reprise. C’est, en substance, le tableau brossé par Bank Al-Maghrib (BAM) dans sa dernière revue mensuelle de la conjoncture économique.

Au deuxième trimestre 2024, la croissance s’établit à 2,4%, presque au même niveau que l’année précédente (2,5%). Cette évolution résulte d’une contraction sévère de la valeur ajoutée agricole, qui chute de 4,5% en raison de récoltes céréalières décevantes, et d’une légère accélération des activités non agricoles, en hausse de 3,2%. Ce contexte reflète les défis structurels auxquels fait face l’économie, avec une dépendance agricole encore marquée malgré les efforts de diversification.

Demande accélérée
Dans ce panorama, la demande intérieure demeure un pilier de la croissance. Selon la banque centrale, la consommation des ménages s’est nettement redressée, passant d’une légère hausse de 0,6% à 3,1% au deuxième trimestre. Ce regain de vitalité contraste avec un ralentissement de la consommation publique, qui tombe à 3,8%, après une progression de 4,9% une année auparavant.

Par ailleurs, l’investissement affiche une dynamique positive, enregistrant un rebond de 8,9% après un recul de 4,2%, contribuant ainsi à la croissance. Cet engouement est en partie liée aux réformes structurelles et aux politiques incitatives lancés pour stimuler les secteurs clés, notamment l’industrie et les infrastructures. Cela dit, les échanges extérieurs pèsent négativement sur la croissance, en raison d’une forte augmentation des importations (+12,9%) par rapport aux exportations (+7,8%).

Ce déséquilibre commercial souligne la vulnérabilité du Royaume face à ses partenaires commerciaux. Comme en témoignent les importations énergétiques, exacerbées par les tensions géopolitiques, qui continuent de creuser le déficit commercial, tandis que les exportations de phosphates, ne suffisent pas à combler cet écart.

Secteurs revitalisés
En industrie, les signaux sont encourageants. Dans sa dernière publication, BAM note une nette reprise de la production manufacturière, qui progresse de 2,9% au deuxième trimestre 2024, après une hausse de 2,1% un trimestre plus tôt. Ce rebond est particulièrement visible dans la fabrication de matériel de transport (+23%) et dans la chimie (+20%), des secteurs jugés stratégiques pour la transformation industrielle.

Ces performances sont le fruit des efforts consentis pour diversifier les sources de croissance, avec l’automobile et l’aéronautique devenant des moteurs majeurs des exportations. Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) affiche également une reprise notable, avec une embellie de 3,6% après une contraction marquée en 2023. Les ventes de ciment, un indicateur avancé de l’activité dans le secteur, augmentent de 18,9%, confirmant une relance progressive des projets d’infrastructure.

Ce dynamisme est encouragé par les investissements publics, qui cherchent à combler les retards en matière d’infrastructures, en particulier dans les zones rurales affectées par le séisme d’Al-Haouz ainsi qu’en faveur de projets d’envergure. Idem pour les industries extractives, qui voit leur valeur ajoutée marquer un bond de 23,6% au deuxième trimestre, notamment grâce à la production marchande de phosphate, en hausse de 51,8% en juillet.

Vent d’optimisme en bourse

Le marché boursier continue d’afficher des performances solides, propulsant le MASI en hausse de 3,2% en septembre. Ce chiffre porte la performance depuis le début de l’année à 18,9%, avec une capitalisation boursière atteignant 741,9 milliards de dirhams.

Cette ascension de l’indice vedette de la place s’explique notamment par la bonne santé des secteurs industriels et l’engouement autour des plans de relance économique. La confiance des investisseurs est également au beau fixe, comme en témoigne le volume des échanges mensuels qui a bondi, passant de 3,7 à 5,5 milliards de dirhams en septembre.

Cependant, les analystes appellent tout de même à la prudence, eu égard aux tensions internationales et fluctuations sur les marchés des matières premières susceptibles d’affecter la performance des marchés à moyen terme.

Chômage persistant
Ces bonnes nouvelles s’avèrent toutefois insuffisantes quand à la situation du marché du travail. BAM observe une perte de 82.000 emplois au deuxième trimestre 2024, concentrée principalement en milieu rural. L’agriculture et le BTP, des secteurs traditionnellement pourvoyeurs d’emplois, enregistrent respectivement des baisses de 152.000 et 35.000 postes. Ce déclin dans le secteur agricole est en grande partie attribué à la sécheresse et aux faibles rendements céréaliers, impactant sévèrement les zones rurales où l’emploi dépend fortement de l’agriculture.

En revanche, les secteurs de l’industrie et des services apportent un léger répit, avec la création de 58.000 emplois dans l’industrie et 49.000 dans les services. Ces chiffres reflètent un glissement de l’emploi vers des secteurs plus formels et urbains, mais les disparités régionales et le chômage en milieu rural persistent, exacerbés par le ralentissement agricole. Les disparités régionales persistent, avec un taux de chômage urbain de 16,7%, contre 6,7% en milieu rural.

La situation sur le marché du travail témoigne d’un essoufflement de l’emploi rural, aggravé par les contre-performances agricoles, et d’une nécessité de renforcer l’inclusion des jeunes actifs dans les secteurs porteurs. Cela passe notamment par des réformes du système éducatif et la formation professionnelle, afin d’aligner l’offre de travail avec les besoins des secteurs émergents comme les technologies numériques et les énergies renouvelables.

Le déficit s’accélère
Sur le front des finances publiques, le déficit budgétaire s’élève à 41,9 milliards de dirhams à fin août 2024, marquant un léger creusement par rapport à 2023. Cependant, les recettes fiscales continuent de progresser (+11,8%), portées notamment par les rentrées de l’impôt sur les sociétés (+11,4%) et de l’impôt sur le revenu (+12,3%).

L’amélioration des recettes fiscales, conjuguée à une gestion plus rigoureuse des dépenses courantes, permet de maintenir un solde ordinaire excédentaire de 14,6 milliards de dirhams. Ces performances sont en partie le résultat de la modernisation de l’administration fiscale et des efforts pour élargir l’assiette fiscale, notamment via la digitalisation des services.

En revanche, les dépenses d’investissement poursuivent leur hausse (+10,7%), traduisant l’engagement de l’État à soutenir l’activité économique à travers des projets d’infrastructure. Si cette stratégie est nécessaire pour assurer la croissance à moyen terme, elle pose néanmoins la question de la soutenabilité de la dette publique, qui continue de s’alourdir, atteignant près de 70% du PIB.

Les emprunts internationaux, bien que souvent favorables, alourdissent la charge de la dette, rendant plus complexe la gestion budgétaire à moyen terme, surtout si les conditions économiques mondiales se détériorent. Il faut dire que la conjoncture mondiale pèse sur la trajectoire de reprise. Les tensions géopolitiques au Moyen-Orient, combinées aux ajustements des politiques monétaires dans les économies avancées, comme la Fed ou la BCE, compliquent davantage le redressement de l’économie.

La croissance mondiale, bien qu’elle affiche une certaine résilience, reste vulnérable aux chocs externes, chose qui se reflète dans les exportations. Le défi pour le Maroc est de maintenir cet équilibre fragile tout en cherchant à diversifier ses sources de croissance.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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