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Plus-values immobilières : l’abattement de 70% prolongé jusqu’en 2030

La Loi de finances 2025 apporte plusieurs modifications clés concernant le régime particulièrement avantageux de l’abattement de 70% sur les plus-values de cession d’actifs immobilisés par les entreprises. Mais ce n’est pas tout, le champ d’application de l’abattement est également élargi. Alors qu’auparavant, les terrains et constructions en étaient exclus, ces actifs immobiliers pourront à présent bénéficier de l’avantage fiscal, à compter de 2025. Qu’il s’agisse de cessions de locaux, d’usines ou de terrains à bâtir, l’entreprise pourra déduire 70% de la plus-value réalisée.

Une aubaine qui vient s’ajouter à l’absence de tout plafond sur l’abattement de 70% sur les plus-values nettes réalisées lors de la cession d’éléments de l’actif immobilisé : il s’agit de la prolongation jusqu’en 2030 du délai pour en bénéficier. Seule contrepartie exigée : réinvestir les produits de cession conformément aux dispositions légales. De quoi donner un sérieux coup de fouet à la relance des investissements productifs dans les années à venir. Avant la Loi de finances (LF) 2025, cet abattement très avantageux était prévu jusqu’aux exercices ouverts en 2025 inclus seulement. Son application initiale était donc limitée dans le temps, aux exercices 2022 à 2025.

Désormais, ce régime fiscal de faveur est prorogé de cinq ans, jusqu’aux exercices ouverts en 2030. Prenons l’exemple d’une entreprise dont l’exercice comptable coïncide avec l’année civile. Pour elle, l’abattement de 70% n’aurait pu s’appliquer que sur les plus-values réalisées lors des cessions intervenues du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025.

Au-delà du 31 décembre 2025, cette société n’aurait plus pu bénéficier de cet avantage fiscal. Grâce à la prorogation décidée dans la LF 2025, ce régime dérogatoire très favorable est prolongé in extremis de cinq années supplémentaires. Pour l’entreprise prise en exemple, cela repousse son droit à l’abattement jusqu’aux plus-values réalisées sur les cessions effectuées au 31 décembre 2030 au plus tard. Une bouffée d’air salutaire qui évite une fin de ce régime fiscal avantageux dès janvier 2026.

Élargissement du champ d’application et conditions d’éligibilité
Outre la prolongation dans le temps, la LF 2025 prévoit également un assouplissement des conditions d’accès à l’abattement de 70% sur les plus-values immobilières. En effet, auparavant, les terrains et constructions étaient exclus du bénéfice de cet abattement.

Cette exclusion ne sera plus d’actualité à compter de 2025, tous les actifs immobilisés pouvant désormais en bénéficier. Concrètement, cela signifie qu’une entreprise cédant un terrain ou un immeuble, à partir de 2025, pourra bénéficier de l’abattement de 70% sur la plus-value dégagée, à la différence des années précédentes où elle aurait dû s’acquitter de l’impôt sur la totalité de la plus-value. Prenons l’exemple d’une société cédant en 2026 un terrain acquis il y a 10 ans pour 1 million de dirhams (MDH), et le revendant 5 millions. La plus-value réalisée s’élève donc à 4 MDH.

Grâce à l’abattement de 70%, seuls 30% de cette plus-value, soit 1,2 million, seront effectivement imposables. Les 2,8 millions restants échapperont à l’impôt. Cependant, pour pouvoir bénéficier de ce régime de faveur, l’entreprise doit respecter l’obligation de réinvestir les produits de cession, conformément aux conditions définies par l’article 247-XXXV du Code général des impôts. Autre précision d’importance à apporter : Il s’agit d’un avantage fiscal réservé aux seules entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés. Les particuliers n’en bénéficient pas.

De plus, contrairement à certains autres abattements, celui-ci ne comporte ni plafond de plus-value éligible, ni seuil minimal à atteindre pour en bénéficier. Ainsi, en élargissant le champ d’application aux terrains et constructions, et en l’absence de plafond, cette mesure fiscale incitative prend une ampleur nouvelle à partir de 2025.

Une mesure fiscale doublement vertueuse pour les pouvoirs publics
Pour un analyste, la prorogation de l’abattement de 70% sur les plus-values immobilières «vise clairement à encourager les entreprises à réinvestir et renouveler leur outil de production». C’est l’objectif premier recherché par cette mesure fiscale incitative : pousser les sociétés à réinjecter leurs liquidités issues des cessions d’actifs dans de nouveaux investissements productifs (acquisitions d’équipements, constructions, etc.) plutôt que de les thésauriser ou distribuer.

Si une entreprise industrielle ayant cédé en 2022 un ancien entrepôt pour  5 MDH, dégageant une plus-value de 3 millions après abattement de 70%, décide de réinvestir cette plus value dans l’acquisition d’une nouvelle unité de production plus moderne et performante, elle aura pleinement répondu à l’objectif de relance de l’investissement productif recherché.

Mais notre analyste souligne également un autre effet induit : «Cette mesure aura aussi pour effet d’alléger la fiscalité des entreprises réalisant des plus-values significatives».

En d’autres termes, au-delà de l’incitation au réinvestissement, l’abattement de 70% constitue une forme d’allègement de la charge fiscale pour les sociétés fortunées engrangeant d’importantes plus-values en cédant des actifs.

Un expert-comptable approuve cette orientation dans le contexte actuel : «C’est une mesure contracyclique très pertinente quand l’économie ralentit et qu’il faut doper l’investissement pour relancer la croissance».

Une entreprise réalisant une plus-value de 10 MDH ne paiera ainsi l’impôt que sur 30% de ce montant grâce à l’abattement, soit 3 millions au lieu de 10 en l’absence de ce régime dérogatoire. Un allègement fiscal substantiel visant à favoriser une reprise des investissements créateurs d’activité et d’emplois. En somme, un double objectif semble poursuivi : à la fois inciter au réinvestissement productif, mais aussi réduire ponctuellement la fiscalité des entreprises les plus prospères pour les aider à traverser le cycle économique baissier. Une mesure doublement vertueuse pour les pouvoirs publics.

Des cadeaux fiscaux temporaires pour doper l’investissement
Il faut dire que des mesures dérogatoires temporaires comme celle-ci sont courantes et visent à créer un choc de relance pendant une période donnée, quitte à réduire transitoirement les recettes fiscales de l’État. C’est une philosophie économique bien connue : lors des phases de ralentissement conjoncturel, les pouvoirs publics n’hésitent pas à sacrifier temporairement une partie de leurs rentrées fiscales au profit de mesures incitatives censées redynamiser l’investissement des entreprises.

Prenons l’exemple récent de la France qui a mis en place un dispositif comparable ces dernières années, avec un «abattement pour durée de détention» permettant d’exonérer les plus-values de cession à hauteur de 65% pour les titres détenus depuis au moins 4 ans et moins de 8 ans, ou 85% pour les titres détenus depuis au moins 8 ans. Soulignons que ces abattements s’appliquent uniquement aux titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018.

Plus concrètement, une entreprise française cédant en 2023 un actif immobilisé détenu depuis 5 ans ne payera que 15% d’impôt sur la plus-value réalisée, contre 35% sans cet abattement très avantageux. L’objectif était bien de créer une forte incitation fiscale temporaire pour encourager les entreprises à se défaire de leurs actifs obsolètes et à réinvestir le produit des cessions dans de nouveaux projets.

Même si ces cadeaux fiscaux représentent un manque à gagner budgétaire important à court terme pour l’État français, le pari était que l’effet de relance sur l’investissement compenserait in fine ces pertes de recettes. C’est la même logique qui prévaut au Maroc avec la prorogation jusqu’en 2030 de l’abattement de 70% sur les plus-values immobilières des entreprises. Une niche fiscale temporaire visant à doper la croissance économique sur cette période. Bien que difficilement chiffrable, ce manque à gagner fiscal devrait être substantiel si de nombreuses entreprises profitent de cette fenêtre de tir favorable. L’État table, à coup sûr, sur des retombées économiques positives suffisantes pour compenser ce sacrifice à moyen terme.

L’épreuve du terrain pour cette fenêtre de tir fiscale

Si les intentions affichées par le gouvernement avec la prorogation de l’abattement de 70% sont claires – relancer l’investissement productif et alléger la fiscalité des entreprises – il reste à voir si les entreprises répondront présentes à cette incitation fiscale favorable. Car au final, ce sont bien les décisions de réinvestissement des chefs d’entreprise qui conditionneront la réussite ou l’échec de cette mesure. Et leur appétence à profiter de cette fenêtre de tir fiscale n’est pas garantie.

Prenons l’exemple d’une PME industrielle réalisant une plus-value de 2 MDH de dirhams sur la cession d’un terrain devenu obsolète. Elle pourrait certainement être tentée de bénéficier de l’abattement de 70% en réinvestissant les 1,4 million restant dans l’acquisition d’un nouveau site de production plus moderne. Mais elle pourrait aussi opter pour une stratégie de prudence en réaffectant ces liquidités au renforcement de sa trésorerie, voire en les redistribuant à ses actionnaires, renonçant alors au bénéfice de l’abattement fiscal.

Tout dépendra de ses perspectives de développement, de sa vision stratégique et de son appétence à l’investissement dans le contexte économique difficile actuel. C’est là que le rôle de conseil et d’accompagnement des experts-comptables, fiscalistes et conseillers financiers prendra tout son sens.

En analysant la situation particulière de chaque entreprise, ils pourront l’éclairer sur l’intérêt économique et fiscal qu’elle aurait à profiter ou non de ce régime dérogatoire. Les organisations comme la CGEM auront aussi à jouer un rôle clé en sensibilisant le maximum d’entreprises aux avantages de cette mesure et en les incitant à se projeter dans des investissements créateurs de valeur.

Au final, le succès de ce coup de pouce fiscal dépendra de multiples facteurs : environnement économique global, visibilité des entreprises, volonté de s’engager dans l’investissement, qualité de l’accompagnement… Les prochaines années permettront d’évaluer son utilité réelle.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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